Origines du Covid: cette découverte française sur des chauves-souris change la donne

Des chercheurs de l'Institut Pasteur, de l'Université Nationale et de l'Institut Pasteur du Laos ont analysé 645 chauves-souris dans des grottes au nord du pays, près de la frontière chinoise, pour y trouver des coronavirus. (Photo: via Associated Press)
Des chercheurs de l'Institut Pasteur, de l'Université Nationale et de l'Institut Pasteur du Laos ont analysé 645 chauves-souris dans des grottes au nord du pays, près de la frontière chinoise, pour y trouver des coronavirus. (Photo: via Associated Press)

SCIENCE - Après plus d’un an et demi de pandémie et alors que notre compréhension du Covid-19 grandit chaque jour, une question demeure ouverte: quelle est l’origine du coronavirus Sars-Cov2? Vient-il d’un animal sauvage ou est-il possible qu’il ait fuité d’un laboratoire?

Des chercheurs de l’Institut Pasteur viennent d’apporter une importante pierre à l’édifice après avoir étudié 645 chauves-souris vivant dans des grottes du Laos. Ils y ont découvert trois coronavirus très proches de celui que nous connaissons si bien, dont l’un des plus similaires jamais analysé.

Un coronavirus capable de nous infecter

Surtout, ces virus sont capables d’infecter les cellules humaines, comme Sars-Cov2. Jamais une telle capacité n’avait été observée dans un coronavirus présent chez des chauves-souris en Asie. Ces travaux ont été réalisés en partenariat avec l’Institut Pasteur du Laos et l’Université Nationale du pays.

“Ces trois coronavirus proches du Sars-Cov2 ont un domaine appelé RBD, situé sur la protéine Spike, qui permet de se lier aux cellules humaines. Sur les 17 acides aminés fonctionnellement importants de ce domaine, il n’y en a qu’un ou deux qui diffèrent de ceux de Sars-Cov2”, explique au HuffPost le professeur Marc Eloit, responsable du laboratoire Découverte de pathogènes à l’Institut Pasteur.

Les résultats ont été soumis à la revue Nature, qui est en train de les vérifier et a choisi de les mettre en ligne en attendant, le 17 septembre, afin d’en informer la communauté scientifique.

Après avoir identifié le génome de ces coronavirus, les chercheurs ont synthétisé cette fameuse protéine RBD, qui permet au Sars-Cov2 de nous infecter. In vitro, les chercheurs ont confirmé que celle-ci arrive bien à se lier aux cellules humaines. “Nous avons ensuite greffé l’ensemble du spike sur des pseudovirus inoffensifs qui ont réussi à entrer dans des cellules humaines”, explique Marc Eloit.

Mieux: les chercheurs ont réussi à maintenir en vie ces virus. “Ce qui devrait nous permettre de tester s’il peut entraîner une maladie”, précise le professeur. Pour cela, les chercheurs prévoient d’infecter avec ces trois coronavirus des souris modifiées qui sont contaminées de la même manière que les humains et voir si cela les rend malade. Car si ces coronavirus sont capables d’infecter l’être humain, il n’est pas dit qu’ils puissent nous faire du mal.

En effet, Sars-Cov2 a deux propriétés très étonnantes, que l’on n’avait jamais trouvées sur un coronavirus de ce type. D’abord, ce domaine RBD, qui permet d’infecter les cellules humaines. Mais aussi un “site de clivage de furine”, une particularité qui rend le virus bien plus contagieux en améliorant sa capacité à pénétrer nos cellules. Sans cette caractéristique, il est possible que les coronavirus découverts puissent infecter l’homme, mais pas suffisamment pour entraîner une maladie.

“Il est possible que ces virus soient peu pathogènes, circulent et infectent les populations en contact avec les chauves-souris, empêchant une surinfection par des virus plus pathogènes, comme le ferait un vaccin. Il est également possible qu’à force de circuler chez l’homme silencieusement, un tel virus ait acquis, à un moment, un site furine et soit devenu plus pathogène”, détaille Marc Eloit.

Le chercheur travaille justement sur ces pistes et espère pouvoir réaliser des tests sérologiques des habitants vivant près de ces grottes au Laos pour vérifier cette hypothèse.

L’origine du Covid-19 reste un mystère

Ces travaux, s’ils sont confirmés, ne répondent pas directement à la question de l’origine du Sars-Cov2. Notamment parce que ces virus n’ont pas ce fameux site furine. Comment le coronavirus que l’on connaît a réussi à acquérir cette fonctionnalité?

Marc Eloit pense à trois hypothèses: soit il existe de nombreux coronavirus qui incubent dans les chauves-souris en Asie qui n’ont pas encore été découverts, soit un de ces coronavirus a acquis la bonne mutation en circulant silencieusement chez l’homme ou un autre animal terrestre, soit c’est une acquisition qui a eu lieu en laboratoire.

Cette dernière thèse est notamment revenue sur le devant de la scène début 2021 quand des chercheurs ont demandé à la Chine de permettre des enquêtes réelles et approfondies sur les origines du Covid-19 (plus de détails dans nos articles dédiés, ici et ).

La découverte des chercheurs de l’Institut Pasteur écarte par contre certains faisceaux d’indices qui permettait de remonter au fameux laboratoire spécialiste des coronavirus situé à Wuhan, épicentre de la pandémie de Covid-19.

Le pangolin, victime collatérale

Ainsi, le plus proche parent connu jusqu’alors du Sars-Cov2, RATG13, provenait d’une grotte dans le Yunnan. Il avait été étudié en 2013 dans le laboratoire de Wuhan. Mais ce coronavirus avait un RBD très différent, il ne semble donc pas capable d’infecter facilement l’homme. Or, les travaux de Marc Eloit démontrent que l’acquisition de cette caractéristique est possible naturellement, sans avoir besoin d’intervention humaine.

“L’argument suivant lequel le RBD du Sars-Cov2 est trop bien adapté à l’Homme et n’a pu qu’être créé en laboratoire ne tient plus vraiment avec nos travaux, car on voit que des coronavirus avec un tel RBD existent chez des chauves-souris à l’état naturel. Nos travaux n’apportent par contre aucun élément quant à l’origine du site furine, important pour le pouvoir pathogène de SARS-CoV-2,” précise le professeur.

Il y a par contre un animal que ces travaux viennent blanchir: le pangolin. Aux premiers mois de la pandémie, ce petit mammifère a été soupçonné d’être l’hôte intermédiaire dans lequel un coronavirus a réussi à développer les caractéristiques lui permettant d’infecter l’homme (notamment le RBD et le site furine). Mais cette nouvelle publication change la donne.

“Le pangolin a pu apparaître comme un creuset, car on a trouvé chez cet animal des coronavirus avec un RBD au plus proche de Sars-Cov2. Avec les virus que l’on a trouvés, le Pangolin n’apparaît plus comme un intermédiaire possible. Mais plus probablement une victime collatérale, infectée par des chauves-souris”, détaille Marc Eloit. La question de l’origine du coronavirus reste ouverte, mais au moins le pangolin semble blanchi.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.