One Ocean Summit: 5 questions à un marin dont le bateau carbure au plastique

Plastic Odyssey est un bateau laboratoire qui ne ramasse pas le plastique dans l'océan. Les ingénieurs imaginent des technologies et solutions de recyclage dans les régions du monde les plus touchées par la pollution plastique. (Photo: Plastic Odyssey)
Plastic Odyssey est un bateau laboratoire qui ne ramasse pas le plastique dans l'océan. Les ingénieurs imaginent des technologies et solutions de recyclage dans les régions du monde les plus touchées par la pollution plastique. (Photo: Plastic Odyssey)

BATEAU ÉCOLO - Des navires à zéro émission. La seconde journée du One Ocean Summit s’est ouverte ce jeudi 10 février, à Brest, par cette thématique cruciale pour réduire l’impact environnemental du transport maritime. Les compagnies maritimes cherchent à réduire les gaz à effet de serre émis par les navires de commerce. Ce secteur représente aujourd’hui 5% des émissions mondiales de dioxyde de carbone, selon l’Organisation maritime internationale.

Lutter contre la pollution plastique en mer: c’est l’objectif de l’Odyssée de Simon Bernard. Le cofondateur de l’association Plastic Odyssey et anciennement officier de marine marchande a imaginé un bateau-laboratoire pour revaloriser les déchets plastiques. À bord, les machines sont alimentées en partie par de l’énergie obtenue grâce au plastique.

Comment limiter les émissions de CO2 des navires? Avec quel carburant? Le bateau zéro émission existe-t-il déjà? Simon Bernard nous dévoile tous les secrets des bateaux du futur.

Comment est né le projet de ce bateau-labo, Le Plastic Odyssey?

J’ai lancé ce projet en 2016 à la suite d’une escale à Dakar, au Sénégal. J’ai été impressionné par les côtes extrêmement polluées, ça a été un électrochoc. Mais en parallèle, j’ai découvert une ville africaine avec mille idées pour recycler le plastique. Au Sénégal, une canette en plastique se transforme par exemple en casserole. Je me suis dit que ce serait génial de transférer ces astuces dans le monde entier. On a alors eu l’idée d’un bateau qui cheminerait dans les régions du monde les plus touchées par la pollution plastique pour développer l’économie locale du recyclage.

À l’intérieur du bateau, on trouve un laboratoire avec des machines qui fonctionnent très simplement: le plastique est broyé, fondu, moulé pour créer des matériaux de construction ou des objets utiles au quotidien. Le challenge était de développer des technologies qui répondent aux besoins des pays d’Afrique, d’Amérique latine ou d’Asie du sud-est, les plus impactés par la pollution plastique. En ce moment, deux ingénieurs sont à Conakry, en Guinée, et aident une entrepreneuse à fabriquer des pavés pour les routes à base de plastique.

Le Plastic Odyssey lutte contre la pollution plastique de l’océan en agissant sur terre, pourquoi?

C’est sur terre auprès des populations qu’il faut agir. En réalité, les déchets qui flottent à la surface des océans ce n’est qu’1% de la pollution plastique. Tout le plastique se retrouve soit au fond de l’océan soit il est dissous en microparticules invisibles. Nous nous déplaçons donc dans les régions du monde les plus touchées par la pollution plastique. Les pays africains sont à la fois touchés par l’absence de solutions des déchets qui s’accumulent et souffrent de la pollution importée.

On sait aujourd’hui qu’1 million de tonnes de plastique par an finissant dans l’océan sont des déchets exportés par les États-Unis. En fait, quasiment 10% du problème des déchets plastiques vient des exportations américaines. Stopper cette activité serait bien plus efficace que de collecter les déchets à la surface de l’océan.

“La solution pour moi, ce sont les navires hybrides.

Votre bateau se déplace notamment grâce à un carburant fabriqué à partir de plastique, est-ce que c’est l’énergie de demain?

C’est toujours mieux que du fioul lourd mais ça reste du carburant. Il faut des carburants alternatifs comme l’ammoniac ou de l’hydrogène qui ne soient pas produits par des centrales à charbon. Aujourd’hui, 90% de l’hydrogène est fait avec du pétrole. Ça ne sert à rien d’avoir des bateaux zéro émission si l’on extrait du pétrole pour son carburant.

Le bateau zéro émission, c’est vraiment possible dans le futur?

C’est un énorme challenge. Il faudrait des navires qui se déplacent 100% avec des voiles, ce qui n’est pas possible dans notre économie mondialisée. On ne peut pas se permettre aujourd’hui de ne pas assurer le timing express du transport des marchandises.

On dépend de la fluctuation des cours des matières premières. Il y a quelques années, alors que je n’étais que stagiaire, j’ai navigué sur un pétrolier. Il fallait parfois mettre à l’arrêt le bateau en attendant que le cours du pétrole remonte. Le transport des matières premières est lié à la spéculation. Il faudrait repenser tout le commerce international et rallonger les temps de livraison si l’on voulait que les bateaux à voiles soient un transport viable.

La solution, pour moi, ce sont les navires hybrides. Quand il y a du vent, ils déploient les voiles. Quand il n’y en a plus, ils utilisent leur moteur. On a des exemples avec Zéphyr & Borée ou l’Energy Observer, un prototype de cargo à voiles avec un moteur fonctionnant à l’hydrogène.

Vous êtes aujourd’hui au One Ocean Summit, que pensez-vous de ce premier sommet dédié exclusivement à l’océan?

C’est un sommet très ambitieux qui, pour la première fois, se penche vraiment sur la problématique de l’océan. Mais pour l’instant, je n’ai rien entendu de nouveau dans les ateliers auxquels j’ai participé. Au niveau des enjeux sur les questions du plastique, je crois qu’il est important d’aller plus loin.

Le plastique est une pollution visible qui peut-être une porte d’entrée pour parler d’autres formes de pollutions qui, elles, sont invisibles. Je pense à la pollution chimique, à la boue rouge, aux engrais et au CO2 qui acidifie l’océan. Même si les gens ne les voient pas, toutes impactent les hommes. J’espère que les chefs d’États réunis demain (vendredi 11 février NDLR) parviendront à définir l’océan comme un bien commun de l’humanité.

À écouter aussi sur Le HuffPost:Pour lutter contre le plastique qui pollue l’océan, commençons dans les rivières

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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