OL-Barça: comment les Lyonnaises continuent de tout gagner malgré la revente du club

Cela résonne comme un cri du cœur, celui de Selma Bacha, la défenseure de l’OL: "on peut changer autant de fois possible les actionnaires, on sait qu’on veut tout gagner!". Car oui, les Lyonnaises continuent leur razzia générale et généralisée, démentie à de rares exceptions en Coupe de France (2010, 2018, 2022) ou pour la quête du titre national (2021): dimanche dernier, elles ont ainsi inscrit de nouveau leur nom au palmarès du championnat de France. Et ce pour la 17e fois depuis la création du club en mode "OL", en 2007.

La formule de la Division 1 féminine innovait, elle aussi, avec des play-offs pour (re)mettre un peu de suspense dans la course au titre. Mais finalement, les reines sont restées sur leur trône après une victoire sans trop souffrir face au PSG (2-1).

"Pourquoi? C’est notre secret, je ne peux pas tout vous dévoiler", lance, pleine d’humour Eugénie Le Sommer.

Actuellement blessée, l’attaquante internationale est très au fait de l’histoire intime et historique du club avec ses 8 Ligues des championnes et ses 12 sacres nationaux ou ses 9 Coupes de France. "Mais ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas que du hasard", ajoute-t-elle.

Ce "hasard mais pas que" qui fait bien les choses se décline en plusieurs composantes: le talent des joueuses, toutes internationales, leur incessant travail aussi, et les moyens mis en œuvre depuis 17 ans quand Jean-Michel Aulas se rapproche du FC Lyon et de son entité féminine pour l’intégrer à "son" OL, avec toutes les ressources humaines calquées sur la réussite à l’époque – nous sommes au cœur des années de gloire de l’OL avec ses 7 titres consécutifs – des garçons.

Une saison pas comme les autres

Mais cette saison 2023-2024 ne ressemble pas aux autres, puisqu’elle se déroule dans "l’après". Car celui qui incarne l’essor hexagonal - et surtout lyonnais – du ballon rond, chez les femmes, Jean-Michel Aulas, a dû faire ses valises, renversé de son poste de boss tout puissant le 5 mai 2023, alors que le nouveau maitre (financier) de l’entité, John Textor, souhaitait recentrer l’OL qu’il vient de racheter pour 800 millions d’euros, dettes comprises, sur le football au masculin.

Et comme un symbole de leur brouille sous-jacente, l’homme d’affaires américain annonçait dans la foulée la cession de ses parts "OL au féminin" à sa voisine de maison, en Floride, l'Américaine Michele Kang. Laquelle avait déjà un pied dans le sport business avec l’acquisition en 2022 de la franchise américaine des Washington Sprits.

Comment expliquer cette continuité des jambes alors que les têtes (financières) se succèdent? Amel Majri avance sa théorie: "On sent qu’elle est vraiment investie, explique la défenseure lyonnaise. Cela montre qu’elle nous suit, qu’elle compte sur nous, qu’elle a confiance en nous. Et cela nous donne envie d’aller chercher des titres."

Il faut dire que depuis le printemps 2023, mais surtout depuis sa prise de contrôle effective le 8 février 2024, la femme d'affaires d’origine coréenne, qui a fait fortune avec sa société de capital risque Cognosante, décrite comme une milliardaire philanthrope, féministe affirmée et militante pour l’inclusion et l’égalité femmes-hommes, s’est doucement mise en ordre de bataille par petites touches. Son obsession? "Les femmes ne sont pas des petits hommes, il faut donc adapter leur entraînement et leur travail, explique-t-elle lors de sa seule prise de parole, le 8 février dernier quelques heures après l’officialisation de la vente pour la première conférence de presse de sa vie. Nous allons aller de l'avant. Il ne s'agit pas uniquement de remporter des trophées, mais aussi d'élever le niveau et de professionnaliser encore plus le football féminin."

Et tout au long de sa prise de pouvoir officieuse, puis officielle, d’octobre 2023 à mai 2024, les idées s’installent, peu à peu après un audit mené auprès des joueuses. Michèle Kang les avait détaillées au cœur de l’hiver dans son discours d’intronisation: "Ici et à Washington, nous nous consacrerons aux femmes pour comprendre comment les entraîner de la bonne manière, annonçait-elle. L'environnement d'entraînement de l'OL féminin n'est pas optimal en ce qui concerne le nombre de personnel et les infrastructures. Nous avons donc augmenté le nombre de membres du staff. Il y avait des personnes qui travaillaient pour les femmes et pour les hommes. Moi, je voulais un staff dédié aux sportives. Nous avons donc désormais 26 personnes dédiées à l'OL féminin"

Un staff dédié à l'OL féminin

Ainsi, depuis octobre 2023, tour à tour avec comme bras droit Vincent Ponsot, qui a déserté ses bureaux du stade pour s’installer dans ceux des filles au centre d’entraînement, des préparateurs physiques dont un poste d’adjoint pour le développement individuel et une nutritionniste diététicienne intègrent le staff qui grossit de 11 unités (26 temps pleins contre 15 auparavant). Tout s’organise autour de trois départements: le sportif avec Sonia Bompastor et trois adjoints, un spécialiste des gardiennes et un analyste vidéo ; la performance et l’innovation avec Jack Sharkey, un scientifique du sport anglais passé par les Queens Park Rangers, Aston Villa ou la sélection australienne féminine qui chapeaute une entité de 13 autres personnes avec médecins, kinés, physiothérapeutes, spécialistes en bien-être et une personne chargée de la cohésion et de l’intégration ; et un dernier pôle, celui des opérations qui gère le réseau foot féminin de 300 clubs pour amener des supporters au stade mais aussi l’aide aux joueuses dans leur intégration.

"Tout est vraiment aménagé notamment pour nos périodes et d’autres moments de la saison, quand nous en avons besoin par exemple, quand on revient de blessures", concluait-elle.

La "chasse au détail" (comme le disent en chœur les coéquipières de Wendie Renard, la capitaine) s’amplifie, permettant à l’OL de conserver son avance sur ses adversaires. En attendant de voir son vœu d’un stade dédié à son équipe – elle pourrait dans un premier temps se contenter d’un partage du Matmut Stadium de Gerland, propriété du géant de l’événementiel et actionnaire du Lou Rugby, GL Events – cette passation de pouvoir en douceur donne un côté apaisé qui facilite le transfert. "Mine de rien, de perdre notre président comme cela, qui avait tout donné à l’équipe féminine, ce n’était pas quelque chose de facile, avoue Eugénie Le Sommer. Nous avons su avec elle mais aussi avec lui, qui a gardé un regard sur l’équipe, cela nous a fait du bien. Cela a été très bien fait de la part des deux."

La culture de la gagne

La quête des trophées peut donc continuer. Et si Jean-Michel Aulas, en tant que vice-président de la FFF avait remis dimanche dernier les médailles de championnes à "ses" (ex) Lyonnaises dans son (ex) jardin, le Groupama Stadium, il n’assistera pas au match à Bilbao ce samedi, devant assister à la finale de la Coupe de France à Lille de … l’OL au masculin! Le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, sera lui de la partie aux côtés de Michele Kang.

D’une incarnation (Jean-Michel Aulas) à l’autre (Michele Kang), l’OL gagne encore, le titre national décroché dimanche le montre, avant un potentiel retour de la Ligue des Championnes abandonnée en 2022 à Barcelone. "Une année sans finale européenne a toujours un goût amer, avoue Amel Majri, la défenseure lyonnaise. C’est dire si on a envie de la gagner celle-ci!"

Article original publié sur RMC Sport