Offensive d’Israël sur Rafah : toutes les questions que pose l’opération annoncée sur l’ultime refuge à Gaza

INTERNATIONAL - La pression monte contre Israël alors que la communauté internationale appelle Tel Aviv à ne pas lancer l’offensive qu’elle a promise sur Rafah. La ville du sud de la bande de Gaza, frontalière avec l’Égypte, est non seulement l’unique point de passage de l’aide humanitaire pour tout le territoire palestinien, mais il est également le dernier refuge pour la population gazaouie.

Vendredi 9 février, Benjamin Netanyahu a demandé un « plan combiné » d’« évacuation » des civils de Rafah et des « zones de combat », et de « destruction » du Hamas. Pour lui, « Il est impossible d’atteindre l’objectif de la guerre sans éliminer le Hamas et en laissant quatre bataillons du Hamas à Rafah », et cela requiert que « les civils évacuent les zones de combat ».

Une opération qui pose de nombreuses questions pour la suite des événements : où vont aller les Palestiniens évacués ? Quid de ceux qui ne peuvent pas ? Quelles sont les options sur la table ? Comment va désormais passer l’aide humanitaire ?

Le dernier refuge déjà saturé

À ce jour, près de la moitié des 2,3 millions d’habitants de la bande de Gaza ont fui leurs foyers pour s’abriter à Rafah ( 1,4 million de Palestiniens, selon l’ONU), multipliant ainsi par cinq la population de la ville frontalière comme on peut le voir sur les images ci-dessous. Face à cet afflux de personnes, la situation est déjà précaire, la plupart des réfugiés vivant sous des toiles.

Ils sont à présent massés, menacés en plein hiver par la famine et les épidémies, dans la ville transformée en un gigantesque campement. Traumatisés, endeuillés, apeurés et perdus, ils s’apprêtent de nouveau à fuir pour éviter les frappes israéliennes.

« Les images satellites des zones rurales de Rafah montrent une masse de tentes et d’autres structures temporaires érigées depuis la mi-octobre. Dans les zones urbaines de Rafah, une masse de personnes et de nouvelles structures temporaires sont visibles dans les rues ».

Des familles palestiniennes, pour beaucoup déjà déplacées plusieurs fois et craignant devoir bouger encore, commençaient mardi à démonter leurs tentes et rassembler leurs affaires.

Le principal allié d’Israël s’oppose à l’opération

Face à l’état critique de la situation, les États-Unis, principaux alliés d’Israël, disent s’opposer à une opération à grande échelle, sans solution pour les civils. Joe Biden a réclamé à Tel Aviv un plan « crédible » pour épargner les civils à Rafah qui sont « exposés et vulnérables ». Le secrétaire d’État Antony Blinken a estimé que « mener une telle opération maintenant (à Rafah) sans planification et sans réflexion dans une zone abritant un million de personnes serait un désastre ».

 Offensive d’Israël sur Rafah : toutes les questions que pose l’opération annoncée de Tel Aviv sur l’ultime refuge (Photo de réfugiés entassés dans un véhicule à Rafah le 14 février 2024)
MOHAMMED ABED / AFP Offensive d’Israël sur Rafah : toutes les questions que pose l’opération annoncée de Tel Aviv sur l’ultime refuge (Photo de réfugiés entassés dans un véhicule à Rafah le 14 février 2024)

L’ONU ne s’associera pas à « un déplacement forcé de population » à Rafah, a pour sa part prévenu Stephane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU. Pour son patron, Antonio Guterres, une telle offensive « aggraverait de façon exponentielle l’actuel cauchemar humanitaire ».

L’Allemagne a mis en garde contre une « catastrophe humanitaire annoncée », tandis que la Jordanie a dit rejeter le « déplacement des Palestiniens à l’intérieur ou à l’extérieur de leurs terres ». La Chine, de son côté, a aussi appelé mardi Israël à arrêter « au plus vite » son opération militaire à Rafah, afin « d’empêcher une catastrophe humanitaire plus grave encore ».

Fuir, mais pour aller où ?

Face aux craintes internationales, Benjamin Netanyahu a affirmé dimanche qu’Israël ouvrirait à la population « un passage sécurisé » pour quitter la ville, sans préciser vers quelle destination. Et c’est bien là la principale question : quand le dernier refuge n’en est plus un, vers où aller ? D’autant plus que l’option d’un camp de réfugiés en Égypte a totalement été écartée par Le Caire.

AFP
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Cette situation hautement précaire a provoqué mardi un coup de sang du côté du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. « Ils vont évacuer » les Palestiniens « où ? Sur la Lune ? ». De premières idées ont visiblement été mises sur la table, mais aucune ne semble aujourd’hui viable.

Selon le média israélien Haaretz, une zone serait pour l’instant privilégiée par Tsahal comme territoire d’évacuation, celle d’Al-Mawasi, une région côtière du sud de la bande de Gaza, et ne faisant pas plus de 14 km carrés, soit à peine « la taille de l’aéroport Ben Gourion ». Le quotidien israélien a par ailleurs calculé que si un million de personnes se réfugiaient effectivement dans cette zone, la densité serait alors de plus de 60 000 personnes par kilomètre carré. Seule solution : « que les gens soient à genoux ou debout ».

L’option retour dans le nord de Gaza envisagée, mais...

De son côté, Benjamin Netanyahu a suggéré dans le week-end au micro d’ABC News, que les habitants de Rafah puissent aussi retourner vers le nord, dans des « zones qui ont été nettoyées ».

Dans tous les cas, Tel Aviv devra répondre à ces interrogations : quel sera le délai donné par l’armée israélienne à la population de Rafah pour partir ? Mi-octobre, Tsahal avait donné 24 heures aux Gazaouis pour évacuer le nord de la bande. Aujourd’hui, affaiblis par des mois de conflits, par la famine et les épidémies, ou blessés, tout le monde n’est pas capable de fuir à nouveau.

Et enfin : si Rafah, où se trouve par ailleurs le siège de l’Unrwa, tombe, qu’adviendra-t-il de l’acheminement de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza ? Qui viendra en aide aux réfugiés qui tentent à nouveau fuir les chars israéliens ?

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