Offensive au Haut-Karabakh: un cessez-le-feu et des pourparlers ont été négociés
Depuis ce mardi, des combats ont fait au moins 32 morts dont deux enfants et plus de 200 blessés dans le Haut-Karabakh situé dans le Caucase. Un territoire à la population majoritairement arménienne autoproclamé depuis 1991 mais revendiqué par l'Azerbaïdjan depuis que l'Union soviétique lui en a fait cadeau en 1921.
Un cessez-le-feu a été décidé ce mercredi matin sous médiation russe. Dans le cadre de cette trêve, les autorités arméniennes du Haut-Karabakh rencontreront ce jeudi les responsables azerbaïdjanais pour négocier une réintégration du territoire.
"Un accord a été conclu sur le retrait des unités et des militaires restants des forces armées de l'Arménie (...) et sur la dissolution et le désarmement complet des formations armées de l'Armée de défense du Nagorny Karabakh", a indiqué la présidence séparatiste.
"L'intensité des opérations militaires a considérablement diminué" mais elle n'est pas "tombée à zéro", a toutefois précisé le Premier ministre arménien Nikol Pachinian lors d'une allocution télévisée.
• L'Azerbaïdjan disait mener une opération "anti-terroriste"
Depuis ce mardi, des "tirs intensifs", selon la représentation des séparatistes en Arménie, visaient plusieurs villes de la région du Haut-Karabakh dont la capitale Stepanakert.
Derrière "cette offensive militaire à grande échelle": l'Azerbaïdjan, qui déclarait mener une opération "anti-terroriste" pour riposter à l'explosion de mines ayant fait six morts parmi ses ressortissants. Dont quatre policiers et deux civils.
Bakou accuse des "saboteurs arméniens", des séparatistes, d'avoir posé ces engins explosifs pour "aggraver les tensions".
"Les positions des forces armées arméniennes (...) sont mises hors d’état de nuire à l’aide d’armes de haute précision sur la ligne de front et en profondeur", a annoncé le ministère azerbaïdjanais de la Défense.
Le président de la République avait prévenu, dans un communiqué ce mercredi, que "les mesures anti-terroristes" ne cesseront que si les séparatistes arméniens" déposent les armes et sont désarmés".
Si Ilham Aliyev disait ne viser que les "cibles militaires légitimes", et épargner la population civile et les infrastructures, le défenseur des droits de la région séparatiste Gegham Stepanyan affirme le contraire. La mairie de la capitale Stepanakert avait appelé ce mercredi les civils à rester aux abris, dans les sous-sols et les abris anti-bombes, et à ne pas fuir.
• L'Arménie dénonçait un "nettoyage ethnique"
De son côté, l'Arménie avait dénoncé une "agression de grande ampleur" à des fins de "nettoyage ethnique". Erevan assurait ne disposer d'aucune force armée déployée dans le Haut-Karabakh, laissant entendre que les séparatistes étaient seuls face aux soldats azerbaïdjanais. Ce sont bien les séparatistes qui ont négocié la rédaction de l'accord de cessez-le-feu avec Bakou, et non pas l'Arménie comme le précise le Premier ministre Nikol Pachinian.
La veille, ce dernier, qui accusait l'Azerbaïdjan de vouloir "entraîner l'Arménie dans les hostilités", juge toutefois "très important de préserver la stabilité et de suspendre les opérations militaires"".
Des centaines de manifestants s'étaient réunis mardi devant le siège du gouvernement arménien et appelaient à la démission du Premier ministre. Des appels à un "coup d'État" auraient été lancés.
Une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de la région sécessionniste a été organisée ce mercredi lors de laquelle les représentants des séparatistes arméniens ont déploré "une réponse insuffisante" de la communauté internationale et "un manque d'actions concrètes".
• Des appels à cessez-le-feu au niveau international
Dès le début des tirs, des appels à cessez-le-feu ont fusé dans la communauté internationale. En marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a appelé "dans les termes les plus forts, à un arrêt immédiat des combats, à la désescalade et au respect plus strict du cessez-le-feu de 2020 et des principes du droit international humanitaire".
Emmanuel Macron était aussi monté au créneau en affirmant sur X, ex-Twitter, que "l'offensive doit cesser immédiatement" et que "les discussions doivent reprendre pour les droits et la sécurité des habitants".
Le pape François avait également appelé à "faire taire les armes".
L'allié traditionnel de l'Arménie, la Russie, qui s'était dite "préoccupée" par "l’escalade brutale", a réussi à convaincre Erevan et Bakou "de s’asseoir à la table des négociations".
Depuis que le Kremlin s'était imposé comme médiateur dans le conflit de 2020, des soldats de la paix russes sont déployés dans le Haut-Karabakh. C'est ce contingent de la paix qui a négocié l'arrêt des hostilités.
Ils avaient évacué plus de 2000 civils des zones les plus dangereuses de la région séparatiste "dont 1049 enfants" vers des zones moins exposées, selon le ministère russe de la Défense.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait quant à lui dit "soutenir les mesures prises par l’Azerbaïdjan (…) pour défendre son intégrité territoriale".
• Des décennies de conflit
Depuis des mois, les tensions s'aggravent autour de ce territoire qui a déjà été au cœur de deux guerres entre Erevan et Bakou. La première avait duré de 1988, date à laquelle les Arméniens avaient réclamé son rattachement à l'Arménie soviétique, à 1994. Aucun statut clair n'en était ressorti. Il y a seulement trois ans, à l'automne 2020, une nouvelle guerre avait éclaté pendant six semaines et avait fait plus de 6500 morts.
S'il y a trois ans, "les Azerbaïdjanais ont réussi à récupérer 75% des territoires que les Arméniens contrôlaient", explique Tigrane Yégavian, professeur de relations internationales à l’université Schiller à Franceinfo, "ils n'ont pas obtenu totalement gain de cause".
Il ajoute: "Ils veulent en finir une fois pour toute avec la présence arménienne au Karabakh".
Début août, l'Arménie avait signalé une "détérioration de la situation humanitaire" dans la région et avait réclamé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies. Un barrage routier avait en effet été instauré par Bakou début juillet au corridor de Latchine, seul lien terrestre entre l’Arménie et le Haut-Karabakh, pour des "raisons sécuritaires".
"Le problème de ce conflit est qu'il oppose deux principes antagonistes du droit international", analyse Tigrane Yégavian. "D'une part l'intégrité territoriale, le Karabakh étant toujours reconnu comme un territoire azerbaïdjanais" et de l'autre "le droit à l'autodétermination puisque c'est une province avec une autorité arménienne qui n'est pas reconnue internationalement".