"Il n'y avait aucun problème": en procès pour harcèlement sexuel, Jean-Marc Morandini se présente en victime

"Il n'y avait aucun problème": en procès pour harcèlement sexuel, Jean-Marc Morandini se présente en victime

La première journée d'audience du procès de Jean-Marc Morandini, qui comparaît ce mardi et ce mercredi pour harcèlement sexuel et travail dissimulé, était consacrée à l'interrogatoire de l'animateur de télé.

Debout à la barre, chemise blanche, veste noire et baskets en cuir, Jean-Marc Morandini, a répondu, ce mardi pendant plus de trois heures, aux questions de la cour. Au premier jour de son procès, l'animateur, visiblement agacé, est apparu sec et cassant, se présentant comme une victime d'une cabale journalistique. L'homme de 57 ans est jugé, ce mardi et ce mercredi, devant le tribunal judiciaire de Paris pour "harcèlement sexuel" à l'encontre d'un jeune comédien et "travail dissimulé" de cinq personnes dans sa société de production.

L'animateur de la chaîne Cnews est accusé d'avoir encouragé des jeunes comédiens à s'exhiber nus devant la caméra et à lui envoyer des photos et vidéos en plein acte sexuel. Les poursuites concernent le tournage de la web-série intitulée Les Faucons, entre juin et septembre 2015, dont Jean-Marc Morandini était le producteur.

C'est par le biais d'emails, envoyés par une pseudo-directrice de casting, "Catherine Leclerc" - derrière laquelle se cachait en réalité Jean-Marc Morandini - que les acteurs étaient contactés. Parmi eux, Gabriel P., l'unique comédien concerné par les faits de "harcèlement sexuel", âgé de 19 ans à l'époque.

Gradation des demandes

À l'audience, la présidente du tribunal est longuement revenue sur un échange de messages pendant neuf jours entre Jean-Marc Morandini, sous le pseudo de "Catherine Leclerc", et le jeune acteur. Ce dernier lui réclame d'abord des essais vidéos habillés avant de basculer sur des demandes de scènes nues, puis en érection, allant même jusqu'à l'éjaculation.

"Neuf jours pour avoir cette vidéo. Pourquoi insister?", lui demande la présidente à l'audience. "Vous voyez qu’il n’y a pas d’insistance. C'est lui qui fixait les limites de ce qu'il avait envie de faire", répond Jean-Marc Morandini à la barre, visiblement agacé. Tout au long de l'audience, l'animateur a gardé le même cap, clamant qu'il s'agissait uniquement de "questions sur ce qu’il avait envie de faire".

"À chaque fois, on lui demande son avis, on fait attention à lui, on le protège", justifie l'animateur, ajoutant qu'il n'y avait "jamais eu de gestes ou de propos déplacés".

Puis la présidente s'arrête sur un échange en particulier: "Vous sentez-vous de faire une fellation à Jean-Marc Morandini qui n’est pas n’importe qui?", demande "Catherine Leclerc" dans un email daté d'août 2015.

"C’était pour savoir ce qu’il se sentait de faire, savoir quelles étaient ses limites", répond l'animateur, indiquant qu'il s'agissait d'une scène virtuelle, qui n'aurait pas été jouée, "pour le faire progresser". Mais la présidente insiste sur la gradation des demandes, allant de la nudité, à l'érection, la masturbation et jusqu'à la fellation.

"Il y avait deux versions prévues, une interdite au moins de 12 ans et une au moins de 16 ans", répond sèchement Jean-Marc Morandini à la barre.

"J'ai quand même du mal à comprendre comment faire une fellation à quelqu’un qu’on connaît à peine va améliorer son jeu d’acteur", s'agace l'assesseur quelques minutes plus tard. "On se concentre là-dessus, mais on a parlé de plein d'autres choses", répond le prévenu.

"Tous les personnages virtuels sont des femmes"

Mais pourquoi inventer le personnage de Catherine Leclerc, l'interroge la présidente. Pour que son nom n'apparaisse pas sur le site de casting, "sinon, les candidats auraient répondu à cause de ça", rétorque Jean-Marc Morandini, enchaînant:

"Tous les personnages virtuels sont des femmes. Le bot de la sécurité sociale, c’est une femme, Alexa de Google, c’est une femme". Sourire de la présidente.

L'assesseur, lui, suggère une autre lecture: "On peut se dire qu’une femme suscite moins de méfiance chez les jeunes hommes ou c’est du mauvais esprit?". Réponse négative de l'intéressé. Et la signature de "Maman", apposée à la fin de plusieurs emails? C'était "une joke (une blague en anglais)" entre lui et le jeune comédien. La présidente, qui demande si c'était aussi "un joke" pour le jeune homme, n'est visiblement pas convaincue.

Dans leurs conclusions, les enquêteurs avaient souligné que ce "personnage totalement fictif" constituait une "figure maternelle et sécurisante inspirant confiance", notamment au plus jeune des plaignants, comédien sans agent, sans formation et sans expérience du milieu du cinéma, l'incitant "à toujours repousser ses limites dans l'acte de nature sexuelle, sous le prétexte allégué de travailler sa posture de comédien".

Mais s'il a toujours laissé le choix à l'acteur, comme l'a clamé Jean-Marc Morandini tout au long de l'audience, pourquoi Gabriel P., a-t-il porté plainte? "Parce qu'il y a eu un article publié à l'été 2016", s'agace l'animateur, faisant référence à la longue enquête des Inrocks, publiée en juillet 2016.

"Il n'y avait aucun problème. Et, à partir de cet article, il y avait des problèmes avec tous les acteurs. Cette journaliste leur a monté la tête", s'emporte Jean-Marc Morandini.

"L'impensable est là"

D'abord réticent à s'exprimer, Gabriel s'est finalement avancé à la barre en fin de journée. Interrogé sur le personnage de Catherine Leclerc, le jeune homme, ému, explique qu'il pensait qu'il s'agissait réellement de la directrice de casting. "C'est tellement impensable, lunaire, qu'une personne manipule pour arriver à ses fins, que jusqu'au dernier moment, je me suis dit que je me faisais des idées", plaide-t-il. Désormais, Gabriel se "rend compte à quel point l'impensable est là".

"Je pensais vraiment pas que quelqu'un puisse fabriquer un faux profil pour arriver à ses fins, jusqu'à la fellation", poursuit-il.

"On se dit 'il s'est masturbé, il est con celui-là'. Mais les gens ne se rendent pas compte de la pression psychologique qu'il y a derrière, de l'emprise", s'emporte-t-il, expliquant que l'affaire allait "porter préjudice" à sa carrière.

L'interrogatoire de Jean-Marc Morandini s'achève sur les questions de la défense. Coup de théâtre, l'animateur explique à la barre qu'un avocat lui a demandé 60.000 euros pour que Gabriel retire sa plainte. La stupeur parcourt la salle et le jeune plaignant, visiblement étranger à cette demande. "Qui est cet avocat?", demande le tribunal. Pas de réponse. "Est-il dans cette salle?", poursuit le tribunal. "Oui", répond l'animateur en montrant du doigt un avocat des parties civiles, Arash Derambarsh, qui ne défend pas Gabriel. Le conseil s'insurge et dément immédiatement, mais l'accusé maintient.

L'audience reprendra demain après-midi. Elle sera consacrée aux réquisitions du parquet et aux plaidoiries de la défense. Jean-Marc Morandini risque jusqu'à 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Jean-Marc Morandini se présente en victime d'une cabale au premier jour de son procès pour harcèlement sexuel