“Les Nuits de Mashhad”, le film qui déplaît aux conservateurs iraniens

“L’une des raisons du courroux de la République islamique contre ce film – outre le spectacle d’immigrés iraniens brillant sur la scène internationale – est que son intrigue se déroule à Mashhad, une ville sainte pour les chiites, qui attire chaque année des dizaines de milliers de pèlerins”, analyse IranWire, un site d’information de la diaspora iranienne, basé à Londres. C’est à Mashhad, dans le nord-est de l’Iran, qu’Ali Reza, huitième imam chiite duodécimain, a trouvé la mort par empoisonnement en 818. Le mausolée qui célèbre son martyre est l’un des rares lieux saints chiites en Iran, d’où son importance.

La polémique qui a éclos en Iran autour du long-métrage d’Ali Abbasi, réalisateur né à Téhéran et aujourd’hui installé au Danemark, a d’abord concerné le prix d’interprétation féminine décerné sur la Croisette à Zahra Amir Ebrahimi, l’actrice principale des Nuits de Mashhad. L’Iranienne s’était illustrée dans des séries télévisées à succès avant qu’une affaire de sextape ne ruine sa réputation et ne la contraigne à quitter son pays, en 2008.

Un tueur qui dérange

Mais aux yeux des ultraconservateurs iraniens, le film a aussi et peut-être surtout pour tort de s’emparer d’un fait divers sulfureux : le parcours meurtrier de Saïd Hanaï. Surnommé “le tueur araignée” par les médias, ce père de famille quarantenaire a, au début des années 2000, étranglé seize prostituées à Mashhad. Arrêté et jugé, il a clamé lors de son procès avoir voulu éradiquer le vice des rues de la ville sainte – justification qui lui a valu une certaine popularité dans la ville.

L’acteur iranien Mehdi Bajestani campe le tueur, un vétéran de la guerre Iran-Irak (1980-1988) devenu maçon. Zahra Amir Ebrahimi incarne quant à elle un personnage fictif, la journaliste Rahimi, débarquée de Téhéran pour enquêter sur les meurtres. À travers cette héroïne, c’est la misogynie et l’hypocrisie religieuse de la société iranienne qu’Ali Abbasi entend entre autres dénoncer. Une ambition qui ne pouvait évidemment pas passer auprès de la presse conservatrice de Téhéran. Citée par le journal Quds, l’Organisation cinématographique d’Iran, liée au gouvernement, a ainsi vivement dénoncé le “choix politique” du festival de Cannes de récompenser un film qui présente une “image déformée” de la société iranienne. Et le ministre de la Culture, Mohammad Mehdi Esmaïli, a menacé de “punir” tous les Iraniens qui auraient collaboré au film, tourné en Jordanie plutôt qu’à Mashhad en raison de son sujet.

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