Cette nouvelle forme de dépression explique pourquoi les antidépresseurs ne sont pas toujours efficaces

Des scientifiques ont identifié une nouvelle catégorie de dépression qui concernerait un quart des patients. Leurs recherches donnent des indications pour améliorer les traitements.

Si le diagnostic n’est pas bon, le traitement ne peut être efficace. C’est l’alerte donnée par un groupe de scientifiques de l’Université de Stanford qui travaille depuis plusieurs années sur la dépression. Dans leur dernière étude publiée mi-juin dans le Journal of the American Medical Association, ils ont identifié un nouveau type de dépression, qui vient s’ajouter aux catégories existantes, comme la dépression bipolaire ou le postpartum : la dépression cognitive.

Problème, celle-ci ne peut pas être guérie par un traitement classique d’antidépresseurs. Les résultats de l’étude suggèrent pourtant qu’une large partie de la population pourrait être concernée par cette pathologie. Sur un échantillon de 1 000 patients dépressifs mobilisés pour l’étude, plus d’un quart était concerné par cette forme spécifique de dépression.

Une dépression « cognitive »

À quoi ressemble la « dépression cognitive » ? Il s’agit d’une dépression marquée par un ralentissement dans les réactions chimiques du cerveau. Concrètement, cela se traduit par des difficultés à se concentrer, à mémoriser des éléments malgré des distractions et à conserver une maîtrise de soi.

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont mené un essai sur plus de 1 000 patients adultes atteints de dépression. Avant l’essai, les participants ont été interrogés et évalués sur leur état. Ils ont également rempli des tests de mémoire verbale, de mémoire de travail, de vitesse de décision et d’attention soutenue.

Ils ont ensuite pris pendant deux mois un traitement à base d’antidépresseurs. Ces médicaments ciblaient la sérotonine et la norépinéphrine, deux hormones clés du système nerveux. Leurs taux respectifs jouent sur les humeurs et le stress. Ces traitements (les plus courants étant l’escitalopram, la sertraline ou la venlafaxine-XR) sont ceux couramment prescrits pour faire face à la dépression. C’est à ce stade qu’un quart des patients ne montrent pas d’amélioration de leur état.

Pourquoi ? Dans le cadre d’une dépression cognitive, le problème ne se situe pas aux niveaux de ces hormones mais bien au niveau du cortex préfrontal et dans les régions cingulaires antérieures dorsales du cerveau. Ensemble, ces deux régions sont responsables de la limitation des pensées, des réponses non désirées ou non pertinentes, et de l’amélioration de la sélection des tâches.

Le problème ne se situe pas aux niveaux de ces hormones mais bien au niveau du cortex préfrontal et dans les régions cingulaires antérieures dorsales du cerveau.
Le problème ne se situe pas aux niveaux de ces hormones mais bien au niveau du cortex préfrontal et dans les régions cingulaires antérieures dorsales du cerveau.

Les personnes atteintes de dépression connaissent cet état, qui s’apparente parfois à une fatigue mentale. Elle peut être la conséquence d’un état dépressif, quel qu’il soit : post-partum, dépression psychotique, bipolarité… Mais il y a ici une différence fondamentale. Cette étude révèle qu’une perte de puissance cérébrale n’est pas toujours une conséquence de la dépression : elle pourrait aussi en être le moteur.

Trouver de nouveaux traitements plus adaptés

Après les huit semaines de traitement, les patients ont à nouveau passé une batterie de test. Leur niveau de rapidité et d’attention a par exemple été évalué lors d’un exercice où le patient doit appuyer aussi vite sur un bouton que possible lorsque le message « Go » s’affiche en vert sur un écran, puis sur un autre lorsque « No Go » s’affiche en rouge. Résultat : pour les personnes non atteintes de dépression cognitive, l’amélioration des symptômes dépressifs était nettement plus élevée.

Pour les scientifiques, il s’agit d’une confirmation que les médicaments couramment prescrits contre la dépression ne peuvent pas soigner une forme de dépression cognitive. « Ces résultats suggèrent qu’il est justifié d’envisager des traitements ciblant le dysfonctionnement cognitif chez un sous-ensemble de patients souffrant de dépression afin d’obtenir une amélioration de leur état » indiquent-ils dans l’étude.

Pour cela il faudra à l’avenir mieux identifier cette forme de dépression. Cela pourrait se faire par la mesure du comportement et l’imagerie du cerveau. « Cette étude est cruciale car les psychiatres disposent de peu d’outils de mesure de la dépression pour prendre des décisions en matière de traitement », explique Laura Hack, auteur principal de l’étude et professeur adjoint de psychiatrie et de sciences du comportement.

Les patients pourraient ainsi être amenés à répondre à une enquête sur leur propre ordinateur ou dans le cabinet de leur médecin. S’il s’avère qu’ils présentent des signes de dépression cognitive, ils pourraient être orientés vers l’imagerie pour confirmer le diagnostic, avant de suivre un traitement.

« Je suis régulièrement témoin de la souffrance, de la perte d’espoir et de l’augmentation de la suicidaire qui se produisent lorsque les gens passent par des processus d’essais et d’erreurs », a déclaré M. Hack. « C’est parce que nous commençons par des médicaments qui ont le même mécanisme d’action pour toutes les personnes atteintes de dépression, alors que la dépression est très hétérogène. Je pense que cette étude pourrait contribuer à changer les choses ».

À voir également sur Le HuffPost :

Le « summer body » met près d’un Français sur deux dans un état d’anxiété

Faut-il se coucher tôt pour vivre vieux ? Cette étude va rassurer les noctambules, à une condition

VIDÉO - Carnet de Santé - Dr Christian Recchia : "1 personne sur 5 est concernée par la dépression"