De nouveaux groupes armés inquiètent les casques bleus en RDC

par Michelle Nichols GOMA, République démocratique du Congo (Reuters) - Les casques bleus déployés dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) ont déclaré dimanche aux ambassadeurs du Conseil de sécurité de l'Onu en visite à Goma qu'il restait encore beaucoup à faire pour garantir la sécurité de cette région malgré leur récent succès militaire sur les rebelles du M23. Ray Torres, responsable de la mission de maintien de la paix de l'Onu (Monusco) dans la province du Nord-Kivu, a déclaré que deux autres groupes rebelles étaient aussi menaçants que le M23 dans cette région située aux confins du Rwanda et de l'Ouganda: les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) et les islamistes des Forces démocratiques alliées (ADF). "Si nous ne parvenons pas d'une manière ou d'une autre à neutraliser, désarmer, démobiliser ces groupes, nous n'avons guère d'espoir (pour une paix durable)", a dit Ray Torres, qui a fait état au total d'une quarantaine de groupes rebelles. Il a exprimé une inquiétude particulière à l'égard des ADF. "Elles ont un fond idéologique extrêmement fort, il s'agit d'un groupe islamiste extrémiste qui est en train de développer un réseau d'activités nous indiquant qu'elles prévoient de s'implanter", a-t-il dit. Le gouvernement ougandais affirme que les ADF sont alliées à des éléments issus des Chabaab somaliens. Ray Torres dit toutefois ne pas en savoir assez sur ce groupe rebelle et il a formé un groupe au sein de la Monusco chargé d'enquêter à son sujet. BRIGADE D'INTERVENTION Victimes de violences, de maladies et de la faim, des millions de personnes sont mortes depuis le milieu des années 1990 dans l'est de la RDC, dont le sous-sol regorge de richesses en minerais suscitant la convoitise de diverses rébellions sur fond de rivalités ethniques et nationales entre les pays de la région. Depuis longtemps accusée d'inefficacité dans la protection des civils, la Monusco a été dotée cette année d'une brigade d'intervention de 3.000 soldats, une nouveauté dans les opérations de maintien de la paix de l'Onu à travers le monde. Ray Torres a emmené les 15 ambassadeurs du Conseil de sécurité de l'Onu sur une colline au nord de Goma, baptisée les Trois Tours de Kibati, où, a-t-il dit, les forces congolaises appuyées pour la première fois par la brigade d'intervention de la Monusco ont repoussé les rebelles du M23 en août. "Les opérations qui se sont déroulées ici ont profondément changé la situation et le contexte au Nord-Kivu", a-t-il dit. Non seulement les rebelles du M23 sont revenus à la table des négociations avec le gouvernement congolais mais les défections se sont multipliées dans leurs rangs et un certain nombre d'initiatives de paix ont pu être lancées auprès d'autres groupes rebelles, a-t-il poursuivi. Malgré ce succès initial, les émissaires du Conseil de sécurité ont mis en garde contre les "attentes excessives" envers cette brigade d'intervention exprimées selon eux au cours de discussions samedi avec des responsables congolais à Kinshasa et avec des responsables de la société civile dimanche à Goma. Région accidentée, recouverte d'épaisses forêts et largement dépourvue de routes, l'est de la RDC continue de subir les conséquences du génocide de 800.000 Tutsis et Hutus modérés par des militaires et miliciens hutus en 1994 au Rwanda voisin. Outre deux millions de réfugiés hutus, de nombreux responsables du génocide ont fui en République démocratique du Congo et combattent désormais au sein des FDLR, que le Rwanda accuse de bénéficier de l'appui de l'armée congolaise, ce que dément Kinshasa. DRONE Des experts de l'Onu ont pour leur part accusé à plusieurs reprises le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, une accusation vivement rejetée par le gouvernement rwandais. "Nous devons examiner bien plus attentivement l'accès, pas seulement du M23 et des FDLR, mais l'accès de tous les groupes aux armes et aux munitions", a dit le commandant de la force de la Monusco, le général Carlos Alberto dos Santos Cruz, aux ambassadeurs du Conseil de sécurité. "Il nous faut en savoir davantage sur le soutien financier dont ils bénéficient, comment ils obtiennent ces armes, ces munitions et ces ressources, notamment les uniformes", a-t-il ajouté. Tout en réclamant plus d'hélicoptères, ce général brésilien a jugé que la prochaine livraison d'un drone de surveillance, attendue en novembre, allait fortement renforcer les capacités de la Monusco. Les Nations unies n'ont jamais utilisé un tel équipement et si le test est concluant en RDC, des diplomates espèrent que l'expérience pourra être renouvelée en Côte d'Ivoire ou au Soudan du Sud. Bertrand Boucey pour le service français