Noël Le Graët démissionnera-t-il après les conclusions de l’audit ? Ce qu’il faut savoir

Noël Le Graët (ici en juillet 2016 à Paris) décidera-t-il de démissionner après les conclusions de l’audit sur la FFF ?
ALAIN JOCARD / AFP Noël Le Graët (ici en juillet 2016 à Paris) décidera-t-il de démissionner après les conclusions de l’audit sur la FFF ?

FOOTBALL - Une nouvelle journée clé dans le feuilleton des turbulences à la Fédération française de football (FFF). C’est en effet ce mercredi 15 février que sont attendues les conclusions du rapport d’audit diligenté par le ministère des Sports après les accusations contre son président, fragilisé mais toujours en poste, Noël Le Graët.

La tonalité du verdict de cet audit est déjà connue : le président de l’institution « n’a plus la légitimité nécessaire pour administrer » le football français, compte tenu « de son comportement envers les femmes, ses déclarations publiques et les défaillances de la gouvernance de la FFF », indiquait un rapport provisoire le 30 janvier.

Le rapport deviendra définitif ce mercredi, avant une réunion du comité exécutif (Comex) de la FFF vendredi, pour tenter d’adopter une position commune. En attendant, la « 3F » reste suspendue à la décision de Noël Le Graët lui-même : décidera-t-il de démissionner ?

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Comment l’affaire Noël Le Graët a-t-elle commencé ?

Une enquête du magazine So Foot a constitué l’élément déclencheur des ennuis du tout-puissant patron de la FFF. Intitulée « Ma Fédé va craquer » et parue le 8 septembre, elle dévoile notamment trois extraits de SMS non datés et à caractère sexuel envoyés par le dirigeant breton et dont auraient été destinataires des collaboratrices actuelles ou passées de la Fédération.

L’article épingle plus généralement la gestion mais aussi la personnalité de celui qui est appelé en interne le « Prez » (le président), en poste depuis 2011 et réélu en 2021 jusqu’en 2024, et les conflits autour de la clivante directrice générale Florence Hardouin.

Noël Le Graët a beau nier farouchement l’envoi de ces SMS et ne pas se sentir menacé, l’émoi est général et les conséquences désastreuses pour l’image de la FFF, qui porte plainte en diffamation contre So Foot. La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera déclenche les hostilités en invitant « NLG » à un « moment d’échange » le 16 septembre. C’est à l’issue de ce rendez-vous que l’audit est annoncé.

Que reproche-t-on au président de la FFF ?

Après ces premières révélations, les langues se délient. Radio France diffuse le 12 octobre de nouveaux témoignages d’ex-salariées de la FFF évoquant un comportement « inapproprié » de Le Graët, ce que ce dernier « conteste fermement », dénonçant des allégations « mensongères et malveillantes ». Plus tard, le 9 janvier, l’agente de joueurs Sonia Souid raconte, à visage découvert sur BFMTV, avoir été conviée à un rendez-vous supposé professionnel par Noël Le Graët en 2013. « Il me dit clairement que si nous étions plus proches, mes idées se concrétiseraient. En tout cas qu’il serait beaucoup plus motivé pour m’aider dans ce sens (...) J’ai mon président de la fédération qui me voit comme deux seins et un cul », raconte-t-elle, émue.

Si la mission d’audit et de contrôle lancée par le ministère des Sports porte sur le management de la FFF, l’image de Noël Le Graët est aussi écornée par ses propos polémiques dans le passé sur l’homophobie, le racisme, ou encore les conditions de vie des travailleurs au Qatar avant la Coupe du monde.

Zidane, le faux pas de trop ?

Quelques jours après le Mondial, une petite phrase fait l’effet d’une bombe : le président de la FFF ose cette fois s’attaquer frontalement à Zinédine Zidane, l’icône du football et du sport français. Interrogé sur RMC pour savoir si l’ex-entraîneur du Real Madrid, qui faisait office d’option N.1 à la tête des Bleus en cas de non-renouvellement du contrat de Deschamps, l’avait appelé, Le Graët se lâche complètement et se montre extrêmement cassant. « Je ne l’aurais même pas pris au téléphone », déclare-t-il. « J’en n’ai rien à secouer, il peut aller où il veut », ajoute-t-il en référence à des propositions reçues par Zidane, actuellement sans club.

« NLG », pourtant peu adepte des mea culpa, est obligé de s’excuser dès le lendemain. Mais cette sortie fait tout de même bondir une bonne partie de la classe politique, qui réclame son départ.

Le 11 janvier, le Comex de la FFF décide de la mise en retrait, jusqu’à la remise de l’audit, du président, remplacé par intérim par Philippe Diallo, et met à pied la directrice générale Florence Hardouin.

Depuis mi-janvier, Noël Le Graët est aussi visé par une enquête pour harcèlement moral et sexuel, ouverte après un signalement fait par les inspecteurs auprès de la procureure de la République de Paris. Ces derniers ont indiqué qu’ils transmettraient des éléments d’information supplémentaires à la justice.

Que dit le rapport provisoire de l’audit ?

L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), qui a mené l’audit, livre un constat sévère envers le dirigeant de 81 ans, mais pas seulement. Le management « brutal » de Florence Hardouin, critiquée pour sa gestion d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en 2021, est épinglé, tout comme les « logiques claniques » au sein de la « Fédé ». Quant à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, elle n’apparaît « ni efficace ni efficiente ».

Le fonctionnement du comité exécutif (Comex), parfois qualifié de « chambre d’enregistrement », est également pointé du doigt. Ce « gouvernement » fédéral de 14 personnes (dont 12 votants), majoritairement des colistiers de Le Graët lors de sa réélection en 2021, avait jusqu’à lundi pour formuler des observations aux inspecteurs, au même titre que Florence Hardouin et Noël Le Graët, qui ont pu lire le prérapport et y répondre.

Que peut faire Noël Le Graët ?

Les avocats du président en retrait dénoncent un « rapport aux allures de réquisitoire », assurant dans un communiqué que le dirigeant « défendra fermement son honneur ». Il ressent, disent-ils, un « profond sentiment d’injustice » face à cette mission d’audit, soumise selon eux « à une pression politique et médiatique ».

« Peut-il se maintenir aux affaires comme si de rien n’était ? », se questionne faussement un membre du Comex, globalement séduit par l’intérim assuré par le vice-président Philippe Diallo, interrogé par l’AFP. L’entourage de Le Graët assure en tout cas que le dirigeant « n’est pas du tout dans l’idée de s’accrocher à son poste », « mais il s’inquiète de savoir comment va tourner la FFF après son départ », sachant que les candidats à sa succession fourbissent leurs armes. « Au Comex, ils se regardent tous en chien de faïence », relève cette source.

Fin connaisseur des arcanes du football et des ministères, Diallo se présente en prétendant naturel. Jamel Sandjak, l’actuel président de la Ligue de Paris et sa région, ne manque pas de soutiens également. Tous restent cependant suspendus à la décision de Le Graët.

Si le dirigeant breton ne démissionne pas, des membres du Comex pourraient eux-mêmes rendre leur tablier pour provoquer une nouvelle élection. Autre hypothèse : l’Assemblée fédérale, à la demande d’un quart de ses membres, peut se réunir pour mettre fin au mandat du Comex.

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