Nicolas Cage dans « Dream Scenario » : personne d’autre n’aurait pu jouer dans cette satire sur la célébrité

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CINÉMA - C’est probablement le film le plus étrange de 2023, mais aussi le plus hypnotisant. Nicolas Cage est à l’affiche de Dream Scenario, en salle depuis ce mercredi 27 décembre. Dans le long-métrage, l’acteur incarne Paul Matthews, professeur de biologie soporifique dans une université lambda. Du jour au lendemain, il apparaît en rêve à des milliers de personnes à travers le monde, et va pour cela, devenir célèbre. Mais cette gloire ne sera pas sans conséquence sur lui, sa famille et sa vie.

Autant prévenir celles et ceux qui attendraient un film d’aventures façon Benjamin Gates, un film d’horreur comme Mandy ou une comédie comme Un talent en or massif : Dream Scenario est inclassable. Cet ovni, écrit et réalisé par Kristoffer Borgli, embarque le personnage de Paul dans une ascension au sommet fulgurante, et une descente aux enfers ô combien violente. Et si on rit beaucoup, on souffre aussi avec lui.

Nicolas Cage lui-même expliquait dans plusieurs interviews que Dream Scenario l’avait séduit car il résumait parfaitement une étape forte de sa vie. Nicolas Cage a eu la surprise un matin de 2013 de découvrir qu’il était devenu viral. Une vidéo mashup de ses « pétages de plombs » les plus célèbres à l’écran avait fait de lui un phénomène, et le dépassait. Entre Leaving Las Vegas, Volte-Face, les Ailes de l’Enfer, Bad Lieutenant, ou encore The Rock, il y avait de quoi faire.

Étant l’un des premiers acteurs de sa génération à vivre cela, Nicolas Cage a confié s’être senti dépouillé de sa propre identité en devenant un meme. Pire encore, il a ensuite senti que cette image « de fou » transposée dans le montage devenait une réalité pour les gens. Et qu’il ne savait plus comment s’en détacher.

Une critique des réseaux sociaux et des influenceurs

C’est précisément ce que vit Paul, son personnage de Dream Scenario. Dans la 2e moitié du film, sa célébrité acquise en quelques heures et par hasard vire au cauchemar. Paul devient violent dans les rêves des gens, agresse, viole, assassine. Une fois réveillés, ils ne peuvent oublier leurs songes et se mettent à redouter, rejeter, puis attaquer le professeur. On lui demande alors de sortir des restaurants, de ne pas assister au spectacle de fin d’année de sa fille. Paul n’a plus rien, n’est plus rien. Et même lorsqu’il réussit enfin à sortir le livre dont il rêve tant, le titre de celui-ci est changé sans son avis, lui ôtant ainsi la toute dernière trace d’identité à laquelle il pouvait se raccrocher.

Facile de comprendre pourquoi il a été nommé pour ce rôle aux prochains Golden Globes, Nicolas Cage est époustouflant. Le père de famille bedonnant et chauve aux blagues bidons se transforme en un claquement de doigt lorsqu’il pénètre (bien malgré lui) dans les rêves. En parallèle, tout au long du long métrage, il change de posture : grandit lorsqu’il devient connu, pour se ratatiner lorsqu’il est rejeté. Il n’avait plus besoin de le prouver, mais Nicolas Cage démontre une fois de plus qu’il est un vrai caméléon.

Dream Scenario remet en perspective les dangers des gloires « faciles », qui se multiplient grâce - ou à cause - des réseaux sociaux. Paul, avide de reconnaissance de ses pairs, saute sur cette opportunité qui lui est offerte pour intervenir sur des plateaux télés, faire des selfies, se confier dans des podcast. Le réalisateur vise le monde « de l’influence », offrant à Michael Cerra, qui incarne le directeur d’une agence d’influence et de marketing, des propos particulièrement glaçants.

Cette critique acerbe des influenceurs est d’ailleurs confirmée dans les dernières minutes du film lorsqu’un génie de la tech vole, une fois encore, son destin à Paul Matthews. Il développe une technologie permettant aux influenceurs de venir promouvoir, dans les rêves de n’importe qui, des produits.

La « cancel culture » en perspective

Mais le sous-texte a son importance, et Dream Scenario aborde aussi, même si le propos n’est pas celui que le réalisateur voudrait qu’on retienne, le « problème » de la cancel culture.

En effet, Paul est « soupçonné » d’être violent alors qu’il n’a en réalité rien fait. Il est mis au ban de la société, n’ayant pourtant concrètement aucun crime à son actif. Jugé coupable par le tribunal non pas médiatique mais sociétal, il se sent même obligé de s’excuser. Il réalise un jour une vidéo larmoyante dans laquelle il se confie, ce qui n’a d’autre effet que d’aggraver la haine que les autres lui portent.

Cet aspect de Dream Scenario a été compris par de nombreux confrères journalistes, et moi-même, comme une critique de la « cancel culture » dont seraient « victimes » de plus en plus de stars à Hollywood. Le mot même de « cancel culture » est d’ailleurs clairement prononcé. Plus encore, une petite phrase lancée par Michael Cerra achève de nous convaincre. Ce dernier explique à Paul que tous ses contrats potentiels ne sont plus d’actualité, mais qu’en revanche, il peut venir en tournée en France, pays où « je ne sais pas pourquoi, mais là-bas, ils t’adorent encore », comprenez sans doute, pays où la « cancel culture » n’existe pas.

Difficile de ne pas faire le rapprochement avec la fameuse « séparation de l’œuvre et de l’artiste » qui a pu justifier dans un passé très proche une impunité pour certaines personnalités comme Roman Polanksi, Woody Allen ou encore Johnny Depp. C’est d’ailleurs à Paris que Paul, rejeté partout ailleurs, finit le film.

C’est probablement ce dernier aspect qui laisse à la fin du film un léger goût amer en bouche. Car sinon, tout au long des quelques 1h40 qu’il dure, on a sursauté, compati, et surtout, énormément ri.

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