"Vous n'avez pas le monopole du cœur": la petite histoire derrière la fameuse phrase de Valéry Giscard d'Estaing

Président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle de 1981, Valery Giscard d'Estaing, à l'émission radio
Président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle de 1981, Valery Giscard d'Estaing, à l'émission radio

La réplique a fait mouche et est rentrée dans l'Histoire. "Vous n'avez pas le monopole du cœur". Avec cette phrase, Valéry Giscard d'Estaing a marqué le débat d'entre-deux-tours de l'élection présidentielle de 1974, face à François Mitterrand.

Dans sa réplique complète, celui qui gagnera finalement cette élection, répète de fait à plusieurs reprises l'expression "monopole du cœur", à l'adresse de son rival socialiste: "Je trouve toujours choquant et blessant de s’arroger le monopole du cœur. Vous n’avez pas, monsieur Mitterrand, le monopole du cœur. J’ai un cœur comme le vôtre qui bat à sa cadence et qui est le mien et ne parlez pas aux Français de cette façon si blessante pour les autres".

"Votre phrase m'a coupé le souffle"

La réplique arrive à un moment tendu du débat, où face à un VGE qui joue de sa maîtrise des questions économiques, des chiffres, François Mitterrand lui lance alors que "c'est presque une question d'intelligence, c'est aussi une affaire de cœur".

Par la suite, Valéry Giscard d'Estaing avait laissé entendre que cette phrase avait pu jouer un rôle important dans l'opinion à la suite du débat. Dans ses mémoires, Le Pouvoir et la vie, VGE dira même que cette phrase lui avait permis de remporter l'élection. Dans un entretien au Parisien en 2012, le vainqueur de 1974 confiera même en avoir parlé avec le socialiste: "Nous en avions parlé tous les deux par la suite et il m’avait confié: 'Votre phrase 'Vous n’avez pas le monopole du cœur' m’a déstabilisé, elle m’a coupé le souffle. Ce soir-là, j’ai perdu 300000 électeurs.'

"Le monopole du cœur pour les chiens et les chats"

Mais, quatorze ans plus tard, faisant preuve d'autodérision, François Mitterrand réutilisera cette expression à son compte, lors du débat présidentiel de 1988 face à Jacques Chirac.

"Vous n'avez pas le monopole du cœur pour les chiens et les chats, je les aime moi aussi", lâchera-t-il.

Mais cette petite phrase de Valéry Giscard d'Estaing était-elle une inspiration improvisée, ou une attaque bien préparée? Dans ses mémoires, l'ancien chef de l'État assure qu'il s'agit d'une "improvisation". Mais dans un document retrouvé aux archives par Public Sénat, une note rédigée par l'ancien député Michel Duval, proche de l'élu auvergnat, lui conseille explicitement de "gommer l’image de l’homme des finances (...) l’étiquette homme de droite", et l'appelle à "être naturel, souriant, (...) et montrez que vous avez de la générosité de cœur pour les petits et que vous n’êtes pas l’homme des gros". Un document préparatoire qui invite le candidat du centre-droit à aller vers cette réplique.

Dans un ouvrage consacré aux petites phrases, l'auteur Michel Le Séac'h y voit une référence, au film Le Président d'Henri Verneuil, où un ministre incarné par Bernard Blier lance au chef de l'État, joué par Jean Gabin: "Vous n'avez pas le monopole de l'Europe".

Article original publié sur BFMTV.com