Nahel : troisième nuit d’émeutes en France, entre affrontements, pillages et interpellations

ÉMEUTES - La nuit a été encore très longue pour les forces de l’ordre. Ce jeudi 19 juin au soir, pour la troisième nuit d’affilée, des heurts ont éclaté dans toute la France après la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre.

À 13h, ce vendredi, le ministre de l’Intérieur a communiqué un bilan définitif de 875 interpellations au cours de la nuit. « L’essentiel » est âgé entre 14 et 18 ans, disait un peu plus tôt le ministère. « Il n’y a pas d’affrontement très violent en contact direct avec les forces de l’ordre, mais il y a un certain nombre de magasins vandalisés, de commerces pillés voire incendiés », a détaillé un haut gradé de la police nationale (voir la vidéo en tête cet article).

249 policiers et gendarmes avaient été blessés, mais aucun gravement, a précisé le ministère de l’Intérieur.

Pris pour cible mercredi soir lors des émeutes, les tramways et autobus ne circulaient pas jeudi soir après 21 h 00 en Île-de-France. Des couvre-feux nocturnes ont été décrétés à Clamart (Hauts-de-Seine), Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) et Compiègne (Oise). Ces mesures n’ont pas empêché des heurts un peu partout en France.

408 interpellations à Paris et proche banlieue

408 interpellations ont eu lieu à Paris, dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, selon un bilan définitif.

À Paris, au moins deux boutiques du centre-ville, dont l’une aux Halles, ont été vandalisées. 14 personnes ont été interpellées, selon la préfecture de police de Paris (PP), dont certaines gares du Nord avec des objets volés. Rue de Rivoli, une artère du centre de la capitale, 16 personnes ont été interpellées avec des sacs, des chaussures et des vêtements dérobés dans un magasin.

Même chose à Beauvais dans l’Oise, où une soixantaine d’individus ont vandalisé plusieurs commerces du centre commercial des Champs-Dolent.

En Seine-Saint-Denis, « quasiment toutes les communes » ont été impactées, a constaté dépitée une source policière à l’AFP. De nombreux supermarchés ont été pillés notamment à Montreuil et Épinay-sur-Seine. À Drancy, des émeutiers ont utilisé un camion pour forcer l’entrée d’un centre commercial qui a été en partie pillé et incendié, indique une source policière.

À Pantin, une vingtaine de jeunes habillés en noir, munis de mortiers d’artifice ont tiré en l’air ou en direction de la police, a constaté un journaliste de l’AFP. Un début d’incendie s’est déclaré à la mairie de Clichy-sous-Bois. Une dizaine de bus sur un parking annexe de la RATP, près du dépôt d’Aubervilliers, ont été incendiés.

En Seine-et-Marne, peu après 2 h 00, les forces de l’ordre étaient « très sollicitées » et ont pu « contenir les tentatives d’intrusion aux commissariats de Meaux, Villeparisis, grâce aux renforts », a assuré une source sur le terrain.

Dans le quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie (Yvelines), des policiers qui sécurisaient les pompiers venus éteindre une voiture en feu ont été visés par des tirs de fusées d’artifice, a appris l’AFP de source policière.

Une aide de 20 millions d’euros

La cité Pablo Picasso à Nanterre (Hauts-de-Seine), dont Nahel était originaire, a connu une troisième nuit de violences soutenues avec des voitures incendiées, des tirs de mortiers d’artifice et de grenades artisanales, a constaté une journaliste de l’AFP. Une agence bancaire du Crédit mutuel a été incendiée. Plusieurs feux ont été allumés aux abords de la préfecture et des voitures incendiées. Le monument de la Résistance et de la Déportation a été dégradé.

Dans le Val-de-Marne, des personnes encagoulées ont attaqué le tribunal armé d’engins incendiaires et de mortiers. La police municipale de Bonneuil-sur-Marne a été attaquée et incendiée. Le commissariat d’Alfortville a été attaqué et quatre suspects ont pu être interpellés.

« Les incidents ont lieu partout en France mais la situation en Île-de-France et à Paris était extrêmement tendue, avec des forces de l’ordre ne pouvant pas tout maîtriser compte tenu de la multiplicité des incidents », a soufflé une source policière de haut rang. Une source du gouvernement a assuré pour sa part que les violences avaient été moindres qu’attendues, hormis à Nanterre.

« Ce sont des écoles, des polices municipales, des mairies annexes, des centres sociaux, des bus, des tramways qui ont été pris pour cible, attaqués, vandalisés, saccagés », a déploré la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse, dénonçant des actes « intolérables » vis-à-vis des « services publics dont les habitants ont besoin ».

La Région votera mercredi une aide d’urgence de 20 millions d’euros pour aider les maires à reconstruire les équipements publics détruits ou endommagés. « Nous ne laisserons pas des voyous s’attaquer aux symboles de la République », a ajouté Valérie Pécresse pour justifier ce « budget exceptionnel ». « Nous reconstruirons et nous ne céderons pas d’un pouce à la violence », a-t-elle encore dit.

Mairie incendiée, magasins pillés…

Ailleurs en France, des violences aussi ont éclaté. À Lille, des groupes dispersés de jeunes ont commis des dégradations, sur un secteur où la préfecture avait interdit tout rassemblement et déployé une unité du Raid, ont constaté des journalistes de l’AFP. La mairie du quartier populaire de Wazemmes a été la proie de flammes qui ont endommagé le rez-de-chaussée et noirci la façade.

Une école élémentaire a été « très endommagée » par les flammes dans le quartier de Moulins, et deux autres établissements scolaires « visés par des tirs de mortiers d’artifice », déplore la mairie. Dans un autre quartier populaire, à Fives, la mairie a été caillassée, ses vitres brisées.

Mobiles et dispersés, des petits groupes, composés en majorité de jeunes, beaucoup le visage découvert, ont, mis le feu à des poubelles et voitures, et dégradé des vitrines sur le boulevard Montebello, près du périphérique du sud de la ville, en dépit d’un impressionnant déploiement policier. Certains ont cassé les vitres d’un supermarché dont ils sont ressortis avec des bouteilles de sodas.

Il y a eu « beaucoup de pillages » de boutiques et supermarchés, déplore la Ville. Le fait de « petits groupes très mobiles, composés de très jeunes » individus, qui frappent « partout ». Au total, vers 22 heures, la police avait procédé à 24 interpellations sur la métropole lilloise, dont sept à Tourcoing, selon une source policière.

Des heurts à Roubaix, Nantes...

À Roubaix, l’hôtel B&B près de la gare, dans le quartier défavorisé de l’Alma, a pris feu après minuit, jetant dans la rue sa dizaine de résidents. Selon un riverain, les flammes sont parties d’un commerce incendié en bas. Alors que les équipes s’activaient pour éteindre le brasier, déjà un autre s’est allumé à proximité, dans un grand immeuble abritant des bureaux, selon des riverains.

Un centre social de la ville a aussi été incendié, selon le Roubaisien Amine Elbahi, candidat LR malheureux aux dernières législatives. Et le théâtre du Colisée n’a pas été épargné, avec de nombreuses vitres brisées.

À Nantes, une voiture a foncé dans un magasin Lidl avant que celui-ci soit pillé. Des interventions ont également eu lieu à Poitiers (quartiers de Bel-Air et Beaulieu) et à Châtellerault (Ozon et Renardières), ainsi qu’à Tours (Saint-Pierre-des-Corps, La Riche et Joué-les-Tours).

Situation tendue à Lyon

À Toulouse, Brest, Lyon et Marseille, des heurts ont également éclaté. À Lyon et ses alentours, la situation était très tendue. À Vénissieux, des véhicules ont été incendiés, ainsi qu’un tramway. La médiathèque de Rillieux-la-Pape a également été incendiée selon le quotidien régional. Des violences ont également été à déplorer à Vaulx-en-Velin, Bron et Givors. Le Raid a été déployé selon des images publiées par la préfecture.

Environ 300 personnes sont rassemblées sur la Canebière et le Vieux-Port. Selon une source policière, des commerces ont été attaqués et de nombreux feux de poubelles ont été allumés.
La devanture de la bibliothèque municipale de l’Alcazar a été endommagée, selon la mairie. Sur le Vieux Port, des échauffourées ont opposé les forces de l’ordre à un groupe de 100 à 150 personnes qui auraient tenté de monter des barricades. 14 ont été interpellées, selon la préfecture de police.

Un membre des forces de l’ordre aurait été blessé après avoir reçu un projectile, selon Le Parisien. Le RAID a été déployé dans la nuit à Strasbourg dans les quartiers de la Meinau et de Kronenbourg.

Au total cette nuit, le gouvernement avait mobilisé 40 000 policiers et gendarmes, dont 5 000 à Paris, et fait appel à des unités spécialisées dans les interventions difficiles comme la BRI (Brigade de recherche et d’intervention), projetée en fin de journée à Nanterre ou le GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale).

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