N’en déplaise à Nicole Garcia, on peut soutenir le cinéma sans mépriser la télévision

ANGOULEME, FRANCE - AUGUST 24: Nicole Garcia attends the Jury photocall during the 14th Angouleme French-Speaking Film Festival on August 24, 2021 in Angouleme, France. (Photo by Stephane Cardinale - Corbis/Corbis via Getty Images)
Stephane Cardinale - Corbis / Corbis via Getty Images ANGOULEME, FRANCE - AUGUST 24: Nicole Garcia attends the Jury photocall during the 14th Angouleme French-Speaking Film Festival on August 24, 2021 in Angouleme, France. (Photo by Stephane Cardinale - Corbis/Corbis via Getty Images)

CINÉMA - « Quand quelqu’un me dit qu’il a vu tel film à la télévision, j’ai toujours envie de lui dire que c’est comme s’il avait vu un tableau original et sa copie. » Cette comparaison, on la doit à Nicole Garcia, interrogée ce mercredi 12 octobre sur France Inter sur la chute de fréquentation des salles de cinéma français, phénomène qu’elle regrette.

« Oui, il l’a vu ce film. Il peut raconter son histoire, mais la véritable émotion que va donner le film, c’est en salles », soutient-elle. L’actrice française de 76 ans, récemment aperçue dans Un beau matin de Mia Hansen-Løve, est une grande amatrice des salles obscures. Beaucoup moins des autres écrans.

Pourquoi ? « Vous verrez un film à la télévision, vous vous direz que c’est pas mal. Si vous avez la chance d’être assez curieux pour retourner le voir au cinéma, d’un coup, vous verrez arriver des sentiments, le son du cinéma, tout ce que les artisans et les artistes de ce film ont voulu mettre, assure-t-elle. Vous le recevrez. Vous n’avez pas cette distance que met la télévision. »

Un point de vue partagé par la journaliste Léa Salamé, qui l’interviewait sur France Inter et lui a répondu : « Et vous n’avez pas votre smartphone dans une salle de cinéma alors que lorsqu’on regarde la télé, on fait trois trucs en même temps. »

Pas un problème de « curiosité »

La réaction de Nicole Garcia a rapidement fait bondir les auditeurs, qui ont vu dans son point de vue une forme de mépris de classe. Sur Twitter, l’écrivaine Tristane Banon souligne, par exemple, que « ce n’est pas le problème d’un manque de 'curiosité' que de voir un film à la télévision plutôt qu’au cinéma ». « C’est souvent le problème d’un manque d’argent. Alors la diffusion pour tous, c’est évidemment voir une pâle copie, mais au moins est-ce la possibilité de voir quand même », selon elle.

Et elle a en partie raison : 57 % de celles et ceux qui ne sont pas retournés au cinéma depuis leur réouverture pointent du doigt des tarifs trop excessifs. D’après une étude du CNC, en 2021, le prix moyen d’une place de cinéma était de 7,04 euros.

À Paris, la place plein tarif atteint parfois près de 14 euros. Or les séances à 4 euros de la Fête du cinéma, organisée du 3 au 6 juillet, ont attiré en masse, avec un pic à plus d’un million de spectateurs dans les salles sur la seule journée du mercredi.

Louis Garrel s’y met

On peut soutenir le cinéma français et vouloir le sauver sans taper sur les autres formes de visionnage, comme les plateformes de streaming ou la télévision, plaident de nombreux internautes sur les réseaux sociaux. « C’est bien de le remettre en avant mais le sacraliser pour juste descendre les autres médias est une autre histoire », a posté en ce sens le youtubeur Le Clap.

Sur France Inter, quelques jours plus tôt, Louis Garrel s’était attiré des critiques similaires. « Il y a des cuisines Mobalpa chez les gens, ils continuent d’aller au restaurant. Eh bien, je pense que les gens vont se désabonner [des plateformes de streaming]. Ils vont aller dans les cinémas. Sauf pour ’Top Gun’, ils iront dans les multiplex… Pour avoir la sensation d’aller aux États-Unis, je ne sais pas » a-t-il imaginé, jeudi 6 octobre.

Le même jour, de nombreuses personnalités du monde du cinéma français s’étaient rendues à l’Institut du Monde Arabe à Paris, pour lancer un appel à des « États généraux du cinéma ». Confrontés à une chute de la fréquentation des salles obscures depuis la pandémie, tous s’inquiètent de l’avenir d’un système de financement unique au monde et « interpellent ardemment » le gouvernement.

Le Monde vs. Les États généraux

Dans son dernier édito du week-end, le rédacteur en chef du Monde, Michel Guerrin trouve l’initiative louable, mais pense, d’une part, qu’il « serait d’abord élégant de rappeler les centaines de millions que l’État a injectés dans le cinéma pendant la crise sanitaire ». « Et puis, poursuit-il, l’offensive serait plus crédible si elle était accompagnée d’un minimum d’autocritique et si n’étaient pas oblitérés des sujets qui fâchent. »

Selon lui, « ils ne se demandent pas si leurs films font partie du problème. Ils n’interrogent pas l’évolution de la société et des usages et encore moins la qualité des œuvres, les scénarios peu aboutis, la mise en scène mal ficelée, le son médiocre… ».

Des mots qui n’ont pas échappé auxdits États généraux. Ce mercredi 12 octobre, ils lui assurent dans un communiqué que « les films ne font pas ou peu partie du problème que nous posons, dont la nature est structurelle », déplorant que Michel Guerrin tienne pour responsables de la détérioration du système certains films. Le drapeau blanc n’est pas près d’être hissé.

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