Plus de musique en voiture et couvre-feu national pour les mineurs : attention à cette liste de prétendues nouvelles interdictions au 1er juillet

Chaque année les 1er janvier et 1er juillet, certaines règles et dispositions légales sont modifiées. Des vidéos très partagées sur TikTok ont assuré qu'au 1er juillet dernier, une batterie de nouvelles lois seraient entrées en vigueur, interdisant d'écouter de la musique en voiture, de laver son véhicule chez soi, d'installer une caméra à son domicile ou encore instaureraient un couvre-feu national pour les mineurs. Mais aucune de ces mesures n'a été mise en place à cette date. Il n'est pas interdit d'écouter de la musique en voiture et aucun couvre-feu national pour les mineurs n'a été annoncé. Le lavage de son véhicule et l'installation de caméras sont quant à eux déjà encadrés par la loi depuis de nombreuses années, ont expliqué trois avocats à l'AFP.

"C'est officiel, voici ce qu'il sera interdit en France dès le mois de juillet", assure la légende d'une vidéo TikTok vue plus de 700.000 fois depuis le 24 juin, diffusée sur un compte aux 75.000 abonnés prétendant présenter des "actus" ou "nouveautés".

Dans la vidéo, une voix off énonce une liste de quatre "nouvelles lois" prétendument en vigueur depuis début juillet 2024 : la première interdirait d'écouter de la musique en voiture, la deuxième de laver son véhicule chez soi, la troisième d'installer une caméra de surveillance à son domicile et la dernière énoncerait un couvre-feu pour les mineurs.

D'autres vidéos diffusant les mêmes messages ont été diffusées sur des comptes aux profils semblables, collectant des centaines voire des milliers de partages.

<span>Capture d'écran prise sur TikTok le 3 juillet 2024</span>
Capture d'écran prise sur TikTok le 3 juillet 2024

Des dispositions changent en effet -comme tous les ans- à partir de juillet en France: elles sont détaillées sur le site info.gouv.fr (lien archivé ici), et reprises par plusieurs médias, dont dans cette dépêche de l'AFP (archivée ici).

Une seule de ces dispositions concerne les véhicules : à partir du 7 juillet, les voitures et camionnettes neuves vendues dans l'Union européenne devront être équipées de plusieurs équipements, dont un adaptateur de vitesse, un radar ou caméra de recul et une "boîte noire".

Mais cela n'a pas de lien avec le fait d'interdire le lavage ou la musique dans son véhicule. Et aucun des autres points mentionnés dans les vidéos TikTok ne fait partie des mesures en place à partir de juillet, comme l'ont confirmé trois avocats auprès de l'AFP.

Mais aucun des points mentionnés dans les vidéos TikTok n'en fait partie, comme l'ont confirmé trois avocats auprès de l'AFP.

Le média spécialisé dans les vérifications juridiques Les Surligneurs était parvenu à la même conclusion dans un article (lien archivé ici) publié le 27 juin.

Pas d'interdiction d'écouter de la musique en voiture

"Il sera interdit d'écouter de la musique dans votre voiture, vous risquez une amende de 35 euros", commencent par énoncer les vidéos.

Mais aucune mesure de ce type ne figure parmi les changements prévus en France en juillet 2024, et aucune interdiction stricte d'écouter de la musique en voiture n'est à ce jour inscrite dans la loi, ont relevé les avocats interrogés par l'AFP.

"Il n'y a pas d'interdiction directe", note Michel Benezra, avocat en droit routier et dommages corporels auprès de l'AFP le 3 juillet 2024, soulignant néanmoins que sanctionner certains comportements "pouvant perturber la conduite de soi et des autres ou perturber le voisinage" dans certains cas est "déjà prévu par la loi depuis des années".

"Ecouter de la musique en soi n'est pas du tout interdit, tant que l'on reste raisonnable et respectueux des autres", confirme Emilie Limoux, avocate au cabinet LMX-Avocat à l'AFP le 3 juillet.

D'une part, écouter de la musique excessivement fort pourrait potentiellement mener à "une baisse d'attention et de concentration" des conducteurs, ayant pour conséquence "une susceptibilité accrue d'accident", illustre l'avocate.

Or, selon le Code de la route (lien archivé ici), un conducteur "doit, à tout moment, adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation" et "doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent".

D'autre part, de la musique très forte pourrait "déranger d'autres automobilistes" voire engendrer des "possibles tapages diurne ou nocturne", développe-t-elle.

Le Code de la route (lien archivé ici) prévoit aussi d'ores et déjà que "les véhicules à moteur ne doivent pas émettre de bruits susceptibles de causer une gêne aux usagers de la route ou aux riverains" - ce qui peut faire référence au bruit du moteur mais aussi par extension à tout bruit émanant du véhicule, comme de la musique très forte par exemple.

"Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité", est-il aussi indiqué dans le Code de la santé publique (lien archivé ici).

<span>Des SUV sur le périphérique parisien le 31 janvier 2024</span><div><span>Nancy Wangue MOUSSISSA</span><span>AFP</span></div>
Des SUV sur le périphérique parisien le 31 janvier 2024
Nancy Wangue MOUSSISSAAFP

Emilie Limoux rappelle par ailleurs qu'il est "depuis 2015 interdit de conduire avec un casque ou des oreillettes".

"L'interdiction ne concerne pas seulement la conversation téléphonique mais également la musique et la radio, dès lors qu'elles transitent par un dispositif en contact avec les oreilles", est-il précisé sur le site de la sécurité routière (lien archivé ici), sur lequel est aussi indiqué que "cette infraction est passible d'une contravention de 4ème classe (135 € et un retrait de 3 points)".

Il n'est donc pas interdit d'écouter de la musique, à un volume raisonnable, via un autoradio ou n'importe quel dispositif ne gênant pas le conducteur par exemple. "Toute interdiction de ce type serait évidemment censurée par les juges" car pourrait porter atteinte à d'autres libertés personnelles, estime aussi Eric Landot, avocat en droit public chez Landot & associés, le 3 juillet à l'AFP.

Laver sa voiture devant chez soi, déjà encadré par la loi

"Laver sa voiture chez soi pourra entraîner une amende de quatre cent cinquante euros", ajoute la vidéo, précisant que cette mesure serait nouvellement "mise en place pour protéger l'environnement".

Il est trompeur de présenter cette restriction comme une nouveauté : laver sa voiture sur la voie publique fait l'objet de restrictions depuis plusieurs dizaines d'années, relèvent les avocats interrogés par l'AFP.

"Le lavage n'est pas explicitement interdit, mais c'est la pollution que cela engendre qui est réprimée dans le Code de l'environnement", explique Emilie Limoux.

Ce dernier (lien archivé ici) indique que "le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune (...) ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende".

Il reste néanmoins tout à fait possible de "nettoyer à sec" son véhicule, si cela n'engendre pas de pollution des eaux, note Emilie Limoux.

Par ailleurs, dans certains départements dont Paris, des règlements sanitaires locaux spécifiques explicitent l'interdiction du lavage des voitures.

"Le lavage des voitures est interdit sur la voie publique, les voies privées ouvertes à la circulation publique, les berges, ports et quais ainsi que dans les parcs et jardins publics", est-il ainsi détaillé dans l'arrêté du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris.

Des arrêtés préfectoraux peuvent en outre "prévoir des restrictions sur l'usage de l'eau en période de sécheresse", mais leur existence n'a rien de neuf puisque certains sont régulièrement mis en place depuis plus de 50 ans, et ils concernent "des cas extrêmes", des localités spécifiques et leur application est délimitée dans le temps, ajoute aussi Eric Landot.

<span>Des jeunes des Coopératives jeunesses nettoient une voiture à Saint-Chamond, le 23 juillet 2018</span><div><span>JEAN-PHILIPPE KSIAZEK</span><span>AFP</span></div>
Des jeunes des Coopératives jeunesses nettoient une voiture à Saint-Chamond, le 23 juillet 2018
JEAN-PHILIPPE KSIAZEKAFP

Installer une caméra à l'intérieur de son domicile autorisé, mais pas filmer la voie publique

"Installer une caméra chez soi sans informer les visiteur de [sa] présence peut mener à une amende de 45.000 euros et à une peine d'un an de prison", assurent ensuite les vidéos virales.

Encore une fois, ces propos ne s'appuient sur aucune nouvelle mesure en place à partir de juillet 2024.

L'installation d'une caméra chez soi en tant que telle "ne pose aucune difficulté si le périmètre de la caméra s'arrête à l'intérieur de son domicile ou de son propre jardin", explique Emilie Limoux.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), rappelait en effet déjà dans un article publié en 2018 (archivé ici) que "les particuliers ne peuvent filmer que l'intérieur de leur propriété (par exemple, l'intérieur de la maison ou de l'appartement, le jardin, le chemin d'accès privé). Ils n'ont pas le droit de filmer la voie publique, y compris pour assurer la sécurité de leur véhicule garé devant leur domicile".

Néanmoins, "si le dispositif est utilisé en dehors de la sphère strictement privée, par exemple parce que des personnes extérieures à la famille ou au cercle amical interviennent au domicile (aide-soignant, nounou, etc.), il faut informer les personnes sur l'existence des caméras et le but poursuivi (par exemple, par un affichage à l'entrée de la zone filmée, par une information dans le contrat passé avec l'employé de maison, etc.)".

Car "filmer quelqu'un à son insu est illégal" et peut être considéré comme une atteinte à sa vie privée, rappelle Michel Benezra.

Le Code pénal (lien archivé ici) prévoit ainsi qu'est "puni d'un an d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui (...) en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé".

Pas de couvre-feu national pour les mineurs

La vidéo se termine en prétendant qu'un "couvre-feu va rentrer en vigueur dans toute la France. Il sera donc interdit aux mineurs de moins de 18 ans de sortir dehors après 23h".

C'est : l'AFP n'a retrouvé aucune annonce de couvre-feu national pour les mineurs annoncé pour juillet 2024, et les avocats interrogés par l'AFP ont confirmé que rien de tel n'avait été mis en place.

D'une part, pour qu'un un couvre-feu soit déclaré au niveau national, il faudrait d'abord "justifier la nécessité d'un état d'urgence, politique, sécuritaire ou sanitaire", ce qui avait été le cas pendant la pandémie de Covid-19 mais ne l'est pas aujourd'hui, relève Emilie Limoux. Mais même dans de telles circonstances, "si l'atteinte à la liberté n'est pas justifiée, le projet serait vraisemblablement retoqué par le Conseil constitutionnel".

Sans cela, il peut revenir aux maires, via leur autorité de police administrative, et aux préfets, de prendre des arrêtés mettant en place des couvre-feux, "limités dans l'espace et le temps", précise l'avocate.

De tels arrêtés doivent ainsi pouvoir justifier qu'ils visent à "éviter un trouble à l'ordre et la sécurité publics" en y apportant une réponse "proportionnée" et en respectant des durées et amplitudes géographiques délimitées, indiquait aussi (lien archivé ici) Eric Landot fin mai 2024 dans une note vidéo dédiée aux couvre-feux des mineurs publiée sur son site.

<span>Des agents de police municipale patrouille à Nice alors qu'un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans a été mis en place par un décret, le 2 avril 2024</span><div><span>Valery HACHE</span><span>AFP</span></div>
Des agents de police municipale patrouille à Nice alors qu'un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans a été mis en place par un décret, le 2 avril 2024
Valery HACHEAFP

C'est ce qu'il s'est notamment produit au printemps 2024 dans certaines zones de plusieurs villes françaises comme Limoges (lien archivé ici), Béziers ou Nice (lien archivé ici), où des arrêtés municipaux avaient depuis avril restreint les déplacements de certains mineurs de moins de 13 ans, alors que la thématique de la violence des jeunes s'était imposée dans le débat public à la suite de plusieurs faits divers.

Un couvre-feu pour les mineurs avait aussi été mis en place par un arrêté préfectoral dans des zones deux communes de Guadeloupe fin avril 2024, et a été levé fin juin 2024 (lien archivé ici).

Ce n'est pas la première fois que l'AFP vérifie des vidéos très partagées sur TikTok par des comptes visant à attirer des nombreuses vues avec des affirmations sensationnalistes s'appuyant sur des inquiétudes des internautes, parfois proposant des interprétations trompeuses de lois françaises.

L'AFP s'était notamment déjà penchée ces derniers mois sur des prétendus conseils pour "bloquer" les huissiers de justice, sur des allégations prétendant qu'il serait "interdit" de donner de l'argent à des personnes mendiant dans les rues, sur des rumeurs liées à l'eau Cristaline à Mayotte, et sur un pseudo rappel de sel généralisé.

"Il faut toujours être précautionneux et veiller à ne pas donner trop de crédit à ces vidéos qui proposent à des interprétations réduites voire à des fausses informations qui peuvent entraîner des mauvaises compréhensions et mener des personnes à entamer des démarches sur de mauvais fondements juridiques", conseille ainsi Emilie Limoux.