Le musée Soulages, aimant pour le développement touristique de l'Aveyron

Le musée Soulages à Rodez, le 11 juillet 2018 dans l'Aveyron (ERIC CABANIS)
Le musée Soulages à Rodez, le 11 juillet 2018 dans l'Aveyron (ERIC CABANIS)

Contesté à son lancement, le musée que Rodez a consacré à Pierre Soulages, figure majeure de l'art contemporain et né dans cette ville, a su en dix ans faire taire les sceptiques, permettant à l'Aveyron de se faire une place nouvelle sur la carte touristique hexagonale.

Ses massives parois d'acier oxydé ont été inaugurées il y a tout juste dix ans ce jeudi, à quelques mètres de l'emblématique cathédrale de grès rouge de la ville, et cet écrin consacré au maître de "l'outrenoir" y fait désormais pleinement partie du paysage, au propre comme au figuré.

A l'époque du lancement des travaux en 2009, pourtant, "un sondage (...) montrait que 83% de la population était contre", se souvient Christian Teyssèdre, maire (DVG) de Rodez et président de l'agglomération.

"Les arguments, c'était: on n'y comprend rien, ça coûte trop cher et il n'y aura personne", résume pour l'AFP le conservateur historique de l'institution, Benoît Decron.

Aujourd'hui, le résultat du sondage serait inversé, selon M. Teyssèdre qui n'était pas à l'origine du projet mais l'a porté sur les fonts baptismaux, tandis que M. Decron compare l'attractivité suscitée avec celle de Bilbao, après l'installation du musée Guggenheim.

La moyenne de fréquentation (hors Covid) est d'environ 130.000 visiteurs par an alors que l'objectif était de "entre 40 et 70.000 visiteurs il y a une quinzaine d'années", selon M. Decron.

- 1,3 million de visiteurs -

En dix ans, le bâtiment créé par les architectes catalans de l'agence RCR (couronnés en 2017 par le Prix Pritzker, la plus prestigieuse récompense du secteur) a accueilli 1.370.000 curieux et plus largement, "le musée a mis Rodez en lumière", souligne Didier Arino, directeur général du cabinet spécialisé Protourisme.

"Ca a donné de la valeur ajoutée à la destination" aveyronnaise, plus réputée jusque-là pour sa nature et ses paysages, précise M. Arino.

"Des départements verts en France, il y en a beaucoup, des villes associées à un artiste contemporain qui font faire le détour, c’est beaucoup plus rare", explique-t-il encore.

"Ca a permis d’ajouter à la panoplie des atouts de l’Aveyron cette carte culturelle très, très emblématique", abonde Arnaud Viala, président du département (DVD), satisfait de voir une fréquentation "répartie sur l'année entière" et des touristes qui rayonnent au-delà de Rodez, par exemple à Conques où Soulages a réalisé les vitraux tout en épure de l'abbatiale Sainte-Foy.

Le musée est une "vitrine, un moteur et un acteur du développement économique et culturel du territoire", s'enthousiasme le maire de Rodez, rappelant que dans la foulée du musée, la ville a refait son stade "à 200 m du musée" et installé un cinéma multiplexe pour créer "un regroupement d’équipements sportifs et culturels en coeur de ville que l’on ne voit nulle part ailleurs".

Mais le premier magistrat de cette ville de 25.000 habitants voudrait que le musée fasse mieux encore.

- "encore un bébé" -

"Le but était d’attirer 1% des 12 millions de touristes qui passent à 100 km de Rodez, on y est pile, maintenant il faut mettre la barre plus haut", estime-t-il, appelant de ses voeux une fréquentation à 200.000.

Le président du département va dans le même sens: "le musée n'a pas atteint sa vitesse de croisière".

"Le regain de notoriété de Pierre Soulages suite à sa disparition (le 25 octobre 2022, ndlr) donne beaucoup de perspectives à ce seul musée éponyme de Soulages dans le monde et dont la particularité architecturale en fait vraiment une pépite", dit M. Viala.

M. Teyssèdre voudrait également que le musée accentue son rayonnement international, insuffisant selon lui.

Selon les chiffres fournis par le musée, 25% des visiteurs viennent d'Aveyron, 20% d’Occitanie (hors Aveyron), 50% de France hors Occitanie et autour de 5% de l'étranger, une part en "constante augmentation", fait remarquer l'institution.

Selon M. Viala, il y a en tout cas "beaucoup de choses à imaginer pour assurer "le développement d'un musée qui, dit-il, "n'est à dix ans encore qu'un bébé si on se réfère à la longévité de Pierre Soulages (décédé à 102 ans) et de son épouse Colette (103, depuis le 14 mars)".

elr/ap/as