Mort de Thomas à Crépol: où en est l'enquête près de quatre mois après le drame dans la Drôme?

De nouvelles interpellations dans un dossier d'une grande complexité. Ce lundi 11 mars, 11 personnes ont été interpellées dans le cadre de l'enquête sur la mort de Thomas, un lycéen de 16 ans poignardé lors d'une fête de village dans la Drôme dans la nuit du 17 au 18 novembre derniers.

D'après les informations de BFMTV, 10 majeurs et un mineur, connus pour des délits mineurs, ont tous été interpellés vers 6 heures à Romans-sur-Isère ou à proximité. Les enquêteurs les entendent en garde à vue, qui peut durer 96 heures, pour essayer de comprendre quel rôle ils ont pu avoir dans la funeste soirée.

Déjà neuf mis en examen dans l'affaire

Ces interpellations ne sont pas une surprise. Dès novembre, le procureur expliquait dans un communiqué que d'autres personnes "rest(aient) à identifier ou à localiser et à interpeller".

Jusqu'à présent, neuf personnes, dont trois mineurs, avaient été mises en examen. Six d'entre elles, dont deux mineurs, avaient été placées en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, tandis que trois, dont un mineur, avaient été placées sous contrôle judiciaire. Aucun des suspects ne reconnaissait avoir porté les coups de couteau mortels.

Le 15 décembre, les demandes de mise en liberté de quatre suspects avaient été refusées.

Une information judiciaire ouverte

En moins de sept jours d'enquête, 140 auditions de 103 personnes témoins ou victimes avaient été réalisées. La gravité et la complexité de cette affaire nécessitaient après cette première phase d’enquête flagrante dirigée par le parquet, l’ouverture d’une information judiciaire. Comme la loi le prévoit, le parquet a requis la désignation de deux magistrats instructeurs par le président du tribunal.

Le parquet a retenu trois infractions contre l'ensemble des suspects. D'abord, le meurtre en bande organisée commis sur la personne du mineur décédé d’un coup de couteau lui causant une plaie au cœur. Puis, les tentatives de meurtres en bande organisée commises sur trois victimes ayant reçu des coups de couteau au niveau du thorax. Pour ces crimes, la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité.

Enfin, violences volontaires commises en réunion avec usage ou sous la menace d’armes notamment des couteaux, des tessons de bouteilles, des pierres, des barrières ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours sur trois victimes à ce jour, et une incapacité totale de travail n’excédant pas huit jours sur treize victimes identifiées à ce jour. Les peines maximales encourues sont de sept et cinq ans d'emprisonnement.

La piste du mobile raciste

Pour l'instant, les mobiles de la mort de Thomas ne sont pas établis. "À ce stade, l’élucidation des faits commis à Crépol n’est pas achevée. Le scénario même des passages à l’acte, les mobiles et l’identification de tous les auteurs des faits ne sauraient se résumer à des dénonciations sans preuve, des spéculations ou interprétations hâtives", expliquait le procureur dans son communiqué.

Des propos "hostiles aux 'blancs'" ont été rapportés par neuf témoins, selon le procureur. Il ajoute que, dans le même temps, 12 personnes relatent avoir entendu "ça plante" et cinq évoquent des menaces de morts.

Mais les enquêteurs se sont par la suite tournés vers une autre piste. Durant la soirée, une chanson du rappeur Jul intitulée Tchikita est diffusée. Selon le témoignage d'un des suspects, celui-ci se serait fait tirer les cheveux par un rugbyman présent à la fête parce qu'il a "les cheveux longs comme Nikita", en référence aux paroles de la chanson, rapportent des témoins.

Les insultes fusent alors et les deux jeunes décident de se rendre à l'extérieur de la salle pour se battre. D'après plusieurs témoignages, le jeune aux cheveux longs finirait "presque K.O", en tout cas sonné. Aurait ensuite suivi l'embrasement à l'origine des coups de couteau.

Une source proche de l'enquête avait également indiqué qu'au moins un témoin avait rapporté avoir entendu un rugbyman dire: "j'ai envie de taper du bougnoule."

Une enquête longue et difficile

Avant de retenir un mobile, les enquêteurs doivent surtout comprendre dans quel contexte les propos ont pu être prononcés, que ce soit avant, pendant ou après les altercations.

La complexité de l'enquête réside également dans le nombre de témoins auditionnés. Parfois, leurs versions divergent, voire se contredisent. La foule présente ce soir-là, probablement alcoolisée, peut brouiller certaines pistes.

Sur place, les lieux n'étaient pas équipés de vidéo-surveillance et les suspects n'ont pas révélé d'informations durant leurs auditions. Enfin, la scène de crime a totalement été piétinée par les nombreuses personnes, complexifiant une nouvelle fois le travail des enquêteurs.

Article original publié sur BFMTV.com