"On nous met la pression" : des sapeurs-pompiers sommés de raser leur barbe sous peine de licenciement

Dans une caserne de la Loire, sept sapeurs-pompiers ont été mis au placard et sont menacés de licenciement pour avoir refusé de raser leur barbe, comme l'exige le règlement intérieur. La question pourrait être tranchée devant le tribunal des référés de Lyon dans les jours à venir.

"On est libres de disposer de notre apparence physique, non?" Au sein de la caserne de la Terrasse à Saint-Étienne (Loire), l'ambiance n'est pas au beau fixe ces derniers mois. Et pour cause, une poignée de sapeurs-pompiers barbus a été mis au ban de la caserne parce qu'ils refusaient de raser leur barbe avant de partir en intervention. Début février, ils ont même reçu un rappel à l'ordre de la direction du SDIS (service départemental d'incendie et de secours) 42 et ils risquent aujourd'hui une révocation.

Depuis, ces hommes ne quittent plus la caserne et sont cantonnés à des "missions fonctionnelles en service hors rang au pôle opérationnel", selon le délégué syndical Sud Rémy Chabbouh. Contacté par BFMTV.com, il regrette amèrement que ses collègues soient relégués à "faire des photocopies et laver des camions".

L'étanchéité des masques respiratoires réduite ?

De son côté, la direction du SDIS de la Loire, contactée par BFMTV.com, avance vouloir protéger ses agents de la toxicité des fumées auxquelles ils sont exposés devant un feu. Elle brandit ainsi la note de service n°20-13 du règlement intérieur de la caserne, dans laquelle il est mentionné que "le masque de protection respiratoire" porté en intervention "doit être porté sur une peau rasée afin de garantir une étanchéité optimale et prévenir les fuites de nature à mettre en danger le sapeur-pompier".

Un argument qui peine à convaincre le pompier Rémy Chabbouh, lui-même barbu. "Ce raisonnement ne tient pas car on porte des cagoules en tissu sous nos casques et nos tenues de feu; On nous met la pression alors que notre peau n'est pas censée être en contact direct avec le masque". Selon lui, "le problème ne vient pas des barbes en elles-mêmes mais plutôt du fait d'avoir désobéi à un ordre hiérarchique".

Par ailleurs, le syndicaliste rappelle que la loi française fixant les tenues et équipements des pompiers n'exclut pas la barbe, au contraire. À en croire l'arrêté du 8 avril 2015, il est bien précisé qu'il est" impératif de bien tailler sa barbe ou sa moustache afin de permettre une efficacité optimale du port des masques de protection".

"Ça veut bien dire ce que ça veut dire: vous pouvez avoir une barbe", pour Rémy Chabbouh.

Une issue bientôt trouvée devant le tribunal ?

Pour sa défense, la direction du SDIS de la Loire avance un autre argument. Elle explique également interdire la barbe aux pompiers pour éviter que leurs poils ne réduisent "l'étanchéité du masque FFP2" lorsque les agents sont mobilisés pour une intervention de service aux personnes. Pour autant, jamais des soignants barbus contraints de porter un masque FFP2 à l'hôpital n'ont été suspendus, rétorque le délégué syndical.

Selon Rémy Chabbouh, d'autres collègues de cette caserne ont été contraints de céder et de se raser après avoir été victimes de pressions orales de leur hiérarchie. Le sapeur-pompier, qui affirme être soumis à quelques pressions similaires dans sa caserne de Lyon, se dit toutefois confiant sur l'issue de cette affaire de poils.

"Par le passé, la jurisprudence a tranché en notre faveur, dont je ne vois pas pourquoi il en serait autrement aujourd'hui", avance le syndicaliste, évoquant les précédentes affaires à Nancy, Melun ou encore en Moselle. Il déplore "un manque d'harmonisation" et "une application partiale et parcellaire de la loi" sur cette question selon les casernes des quatre coins de la France.

"C'est du n'importe quoi", conclut-il, avant de déplorer le "problème de quelques chefs locaux". "Des pompiers risquent quand même leur boulot pour ça, alors que dans le même temps nos collègues en Savoie, dans l'Ain ou dans l'arc méditerranéen ont tout à fait le droit de porter la barbe".

Si certains hommes du feu jugent ce combat "un peu futile", les sept hommes de la Loire ont prévu de déposer un référé en liberté dans les prochains jours afin que cela soit tranché devant un tribunal.

Article original publié sur BFMTV.com

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