Mercato: Echeverri, Vitor Roque, Obando... Les cadors européens à la recherche de la prochaine pépite mondiale

La chasse à la prochaine pépite sud-américaine se poursuit. Manchester City est en train de finaliser l'arrivée de Claudio Echeverri, 18 ans depuis quelques jours, en provenance de River Plate. Vitor Roque, 18 ans lui aussi, a été présenté par le FC Barcelone. Le Paris Saint-Germain est de son côté sur le point de signer Gabriel Moscardo, 18 ans également, et aurait fait une offre pour Allen Obando, un attaquant équatorien de 17 ans. Tout ça en l'espace de quelques semaines.

Il y a quelques années, le Real Madrid avait lancé la mode en signant coup sur coup Vinicius et Rodrygo pour 45 millions d'euros chacun dès leurs 18 ans. Les deux Brésiliens ont réussi à se faire une place dans un effectif pléthorique et validé le modèle. Quelques années plus tard, le Real a désormais validé le transfert d'Endrick, 16 ans, pour environ 60 millions d'euros bonus compris. Chelsea, Manchester City et un paquet de cadors européens ont suivi la tendance, avec chaque fois l'envie de mettre la main sur la prochaine pépite mondiale le plus tôt possible.

Des clubs trop pauvres pour résister

Argentine, Brésil, Chili, Equateur, le marché des grosses écuries européennes se fait souvent en Amérique du Sud, d'où sortent des dizaines de talents et où les clubs n'ont pas les moyens de les retenir. Il y a quelques jours, le président du SC Barcelona, en Equateur, confirmait ainsi une offre du PSG pour son attaquant Allen Obando. "Ils sont très intéressés, ils ont fait une offre assez agressive qui correspond aux attentes du club." Là est la limite: difficile pour de si petits clubs de refuser un chèque qui aligne les zéros.

Dans le cas de Gabriel Moscardo, dont l'arrivée au PSG est retardée par une blessure, le président des Corinthians a bien illustré l'incapacité du club à refuser le transfert. "Dès le début, nous étions contre la vente", a-t-il explique. "Nous voulons que nos joueurs soient formés, nous donnent des titres avant d’être valorisés. Mais, pour vous donner une idée, si nous n'acceptions pas, le PSG aurait payé la clause qui était moins chère."

Les joueurs, souvent issus de familles modestes dans des pays où le niveau de vie n'a souvent rien à voir avec l'Europe, ont aussi du mal à refuser de telles offres et le changement de vie qu'elles impliquent. "C'est du colonialisme, organisé par des clubs riches", dénonçait il y a déjà une dizaine d'années Aldo Rebelo, un homme politique brésilien affilié au parti communiste, à l'époque où les pépites du pays commençaient à être approchées très tôt.

Quelques matchs pour décrocher le jackpot

Dans ce système, tant pis si les cracks du continent n'ont disputé qu'une poignée de matchs avec les pros. Claudio Echeverri n'a joué que six rencontres avec les pros, dont une seule comme titulaire. Mais ça ne gêne pas Manchester City, prêt à débourser environ 25 millions d'euros. Pour Allen Obando, courtisé par le PSG et un paquet d'autres clubs, il est question d'à peine plus, huit rencontres et un but avec son club de Barcelona SC. Mais le marché ne laisse plus de place à l'attente.

Dans chaque grand club européen s'est installée la peur de manquer le coup qu'il fallait faire. Et comme certains ont instauré un nouveau modèle, c'est comme si tout le monde était obligé de suivre pour rester compétitif. "C'est un phénomène durable malheureusement", expliquait l'auteur Nathan Granier dans le magazine Caviar, en 2021. "Les joueurs mineurs restent des placements peu coûteux à forte rentabilité. Il y a donc une forte concurrence pour se les accaparer."

Ivan Zamorano, légende chilienne passé par l'Inter Milan et le Real Madrid, avait en son temps attendu ses 21 ans pour rejoindre l'Europe. Il tente d'expliquer le phénomène. "Les joueurs marquent deux buts dans le football chilien et sont à la Une de tous les journaux", regrette-t-il. "Les agents, les clubs sont fautifs. Les familles également, qui pensent avoir Lionel Messi ou Cristiano Ronaldo à la maison."

Des championnats dépeuplés

Conséquence de cette ruée sur les jeunes joueurs, les championnats locaux ne peuvent plus profiter des pépites qu'ils ont fait éclore. Si les joueurs argentins et brésiliens ont toujours rêvé d'Europe depuis une quarantaine d'années, ils passaient auparavant les premières saisons de leur carrière dans leur championnat national. Désormais, ils plient bagage dès leur majorité. C'est le dernier rempart qui permet aux clubs locaux de profiter quelques mois de leurs joyaux.

Après avoir été acheté par le Real Madrid, Vinicius avait ainsi passé une année de plus à Flamengo, en attendant de souffler sa 18e bougie. C'est aussi le cas actuellement de Kendry Paez, acheté avant ses 16 ans par Chelsea contre environ 20 millions d'euros, mais qui va pouvoir emmagasiner de l'expérience avec son club d'Independiente del Valle jusqu'à sa majorité.

Il y a quelques années, l'ancien sélectionneur argentin Cesar Luis Menotti, champion du monde en 1978, pointait déjà cette fuite des talents. "Les jeunes cracks partent trop tôt d'Argentine", assurait-il. "Nos clubs ne peuvent rien faire, ils vendent le plus vite possible, à un prix souvent bas." C'est là que ce met en place le cercle vicieux. Privés de leurs meilleurs éléments de plus en plus tôt, les championnats sud-américains voient leur niveau chuter logiquement.

Un autre modèle existe

Au cœur d'une tendance de plus en plus répandue, il reste quelques exemples à contre-courant. Il y a déjà plus d'une décennie, Neymar avait patienté jusqu'à ses 21 ans pour rejoindre le Barça, avec plus de 200 matchs pros dans les jambes avec Santos. Plus récemment, Julian Alvarez a signé avec Manchester City à 22 ans, un titre de champion d'Argentine et une Copa America dans la besace. Arrivé avec déjà une grosse expérience, il s'est vite imposé dans le collectif de Pep Guardiola.

Les cas de Vinicius et Rodrygo, souvent mis en avant pour montrer que le talent n'attend pas les années, mettent de côté la multitude de contre-exemples, avec des jeunes joueurs arrivés trop tôt en Europe et qui se sont cassés les dents dans de grosses écuries. La plupart rebondissent souvent dans des clubs moins huppés, mais reste le regret de savoir ce qu'aurait été leur carrière dans d'autres circonstances. Le marché est impitoyable mais les clubs les plus riches, eux, oublient vite leurs échecs. Parce que la recherche du futur crack ne s'arrête jamais.

Article original publié sur RMC Sport