« Mehstî, chair des mots » : portrait d’une poétesse en feu

Atiq Rahimi, photographie de François Berthier.   - Credit:BERTHIER
Atiq Rahimi, photographie de François Berthier. - Credit:BERTHIER

Serait-ce un amoureux qui s'adresse à l'objet de sa flamme ? « Il y a quelque chose d'étrange en toi. De rare.  » Ou plutôt un fan, sous l'emprise de son idole ? « Sers-moi encore du vin comme tu me sers tes mots exquis ! » Ou encore un mystique, embarqué à la suite de son gourou ? « De l'au-delà du temps, j'entends ta voix. » Tout cela à la fois, sans doute.

Car c'est un ensorcellement qu'a vécu l'intellectuel, cinéaste et romancier franco-afghan Atiq Rahimi en rencontrant par-delà les siècles Mehstî, poétesse persane surgie des tréfonds du XIIe siècle… Dans Mehstî, chair des mots, l'« ex-exilé » comme il se décrit lui-même, installé à Paris depuis 1984 (et Prix Goncourt en 2008 pour Syngué Sabour. Pierre de patience chez P.O.L), part à la rencontre de cette figure singulière de la littérature persanophone, une virtuose du quatrain.

Poésie, ivresse et plans à trois

« La grande traductrice Leili Anvar a attiré mon attention sur l'art de Mehstî, raconte Atiq Rahimi. L'art du quatrain est très populaire en Afghanistan, en Iran et au Tadjikistan. C'est une forme de poésie populaire qui parle de la vie quotidienne, qui s'écrit dans l'instantanéité des choses, avec une grande musicalité. Depuis mon enfance, je suis accompagné par ces quatrains, mon père récemment disparu en a d'ailleurs rempli des carnets entiers et on en trouve dans tous mes romans. »

Leur forme même est l'objet d'un débat théologique : « dans les pays arabophones, on dit que le rythme du quatrai [...] Lire la suite