Médicaments : "La pénurie est partie pour durer"

Le ministre de la Santé s’est montré rassurant sur l’approvisionnement d’amoxicilline cet hiver. Mais les pharmaciens restent inquiets.

L'amoxicilline est l'un des antibiotiques les plus prescrits en France (crédit : getty image)
L'amoxicilline est l'un des antibiotiques les plus prescrits en France (crédit : getty image)

La pénurie de médicaments est un fléau qui n’épargne que très peu de spécialités. L’Agence nationale du médicament (ANSM) tient la liste de ceux qui manquent à l’appel et elle s’allonge chaque jour. “Antibiotiques, anticancéreux, patchs, corticoïdes… des produits manquent pour deux ordonnances sur trois”, déplore Cyril Colombani, pharmacien et porte-parole de l'USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine). Il illustre son propos avec l’exemple d’une patiente qui, “encore ce matin, a fait neuf pharmacies pour trouver de la pyostacine” (un antibiotique pour traiter certaines maladies infectieuses). Un exemple loin d’être isolé. Au total, en 2023, 37 % des Françaises et Français déclarent avoir été confrontés à des pénuries de médicaments.

Le ministre de la Santé Aurélien Rousseau s’est voulu plutôt rassurant ce mardi matin au micro de France Inter : "Aujourd'hui, d'un point de vue global, on a les stocks pour l'hiver en matière notamment d'amoxicilline, l'antibiotique le plus courant.” Tout en prévenant que leur niveau allait dépendre de l’intensité des épidémies de l’hiver. Les difficultés d'approvisionnement des pharmacies révélées l’hiver dernier sont toujours bien présentes.

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“La crise est installée et la pénurie est partie pour durer”, estime Philippe Besset, président de la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France). Le gouvernement a pris le problème à bras le corps, mais il faudra en effet être patient pour en voir les effets. En juin dernier, Emmanuel Macron a annoncé la relocalisation de la fabrication de 25 médicaments stratégiques et la mise en place d’une surveillance pour 450 médicaments jugés prioritaires.

Les raisons de la pénurie

Les pharmacies s’approvisionnent auprès des laboratoires et des grossistes tous les jours. Ils rationnent leurs stocks en fonction du nombre de clients et de boîtes de médicaments disponibles. “Mon stock me permet de tenir entre une semaine et quinze jours”, illustre Cyril Colombani. Mais quand les médicaments viennent à manquer, le système se grippe avec des patients qui vont récupérer leurs médicaments dans d'autres officines et poussant ainsi les habitués à se tourner à leur tour vers d’autres pharmacies.

La délocalisation de la production des médicaments explique en partie les problèmes d’approvisionnement. Les industriels n’ont pas pu répondre à l’augmentation de la demande mondiale et la France s’est retrouvée en concurrence avec d’autres pays pour acheter des médicaments. Plus de la moitié des principes actifs pharmaceutiques sont aujourd’hui produits en Chine et en Inde.

“Le gouvernement organise depuis des années la pénurie de médicaments, déplore Cyril Colombani. Les prix des médicaments 'matures', donc ceux qui ont un certain nombre d'années et pour lesquels il existe des génériques, ont été tirés vers le bas et certains sont inférieurs au coût de fabrication.” Ce qui explique que les fabricants se soient davantage tournés vers les molécules dites “innovantes”, vendues à prix d”or. “Les médicaments chers représentent 40% du chiffre d’affaires d’une pharmacie, alors qu’ils représentent 5 ou 6% des délivrances”, souligne le porte-parole de l’USPO. Pour inciter les fabricants à revenir du côté du marché français, le ministère de la Santé a proposé de relever de 10 % le prix de vente de l’amoxicilline notamment.

VIDÉO - Médicaments : toujours des pénuries