Masha Gessen : “La seule manière dont nous pouvons apprendre de l’histoire, c’est en la comparant au présent”

Masha Gessen était sur le point de se rendre en Allemagne pour y recevoir le prix Hannah Arendt, du nom de la célèbre philosophe du XXe siècle dont les écrits sur le totalitarisme ont fait date.

Et puis on a appris, le 13 décembre, que deux des organisateurs de l’événement (la Fondation Heinrich Böll et la mairie de Brême) s’étaient retirés, citant l’essai de Masha Gessen intitulé “Dans l’ombre de l’Holocauste”, publié le 9 décembre dans le New Yorker. Une réflexion dans laquelle l’essayiste critique la politique allemande vis-à-vis d’Israël, revient sur la manière dont l’Allemagne gère la mémoire de l’Holocauste et compare la souffrance des Palestiniens de Gaza à celle des Juifs dans l’Europe de l’Est sous occupation nazie.

“Le terme plus adapté de ‘ghetto’ aurait sans doute déclenché un tollé, dans la mesure où il reviendrait à comparer la souffrance des Gazaouis assiégés à celles des Juifs ghettoïsés, écrit Masha Gessen dans son texte. Mais cela nous aurait donné le langage nécessaire pour décrire ce qui se passe actuellement à Gaza. Le ghetto est en cours de liquidation.”

Cet extrait “laisse entendre qu’Israël vise à anéantir Gaza comme un ghetto nazi, a écrit la Fondation Heinrich Böll, orientée à gauche, pour justifier son retrait du cofinancement du prix. Cette affirmation ne constitue pas une invitation au débat ; elle ne contribue pas à l’analyse du conflit au Moyen-Orient.” [Le prix Hannah Arendt récompense celles et ceux qui nourrissent le débat sur des questions politiques controversées.]

Gessen [qui se définit comme trans et non binaire], qui est juif·ve, est aussi un·e célèbre penseur·e et auteur.e de livres sur la dérive autocratique en Russie et aux États-Unis. Iel est, par ailleurs, professeur·e à la Craig Newmark Graduate School of Journalism, à New York.

L’Association Hannah Arendt a écrit dans un communiqué : “Nous trouvons étonnant que le débat public sur l’analyse et la condamnation des attentats terroristes du Hamas en Israël, ainsi que sur la campagne de bombardement de Gaza par Israël, soit bloqué par le boycott d’un.e penseur.e politique qui essaie d’apporter ses connaissances, ses intuitions et sa hauteur de vues à cette discussion.”

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