Marylise Léon a succédé à Laurent Berger à la tête de la CFDT après vingt ans de « parcours sans faute »

Laurent Berger et Marylise Léon, lors de la manifestation du 1er mai à Paris
Laurent Berger et Marylise Léon, lors de la manifestation du 1er mai à Paris

SYNDICATS - « Signer des accords nationaux interprofessionnels, œuvrer au collectif, il n’y a rien de plus gratifiant. Marylise Léon le fera mieux que personne ». Tout est dit ou presque dans cette phrase prononcée par Laurent Berger au Figaro, quelques jours avant de passer la main. Il y résumait l’expérience de Marylise Léon ainsi que sa vision pour le syndicat réformiste, dont elle a officiellement pris la tête ce mercredi 21 juin. Spoiler : le changement de ligne, ce n’est pas pour maintenant.

C’est sur la scène du Zénith de la Villette que Marylise Léon a endossé son costume de secrétaire générale du premier syndicat de France. Officiellement, sa nomination a été enterrinée ce jour-là par le Bureau national. Officieusement, l’affaire était pliée depuis le 19 avril, date à laquelle Laurent Berger a rendu publique dans Le Monde la date de son départ et le nom de celle qui prendra sa suite.

Le numéro un sortant l’assure, le choix de Marylise Léon est le fruit « d’un processus collectif, qui s’est passé de façon apaisée et sereine, très naturellement. » Elle « est appréciée au sein de la maison », certifie-t-il.

Numéro 1, « c’est sa trajectoire naturelle depuis le début »

Son choix ne suscite en tout cas aucun remous. Pour certains, c’est même une évidence : dès 2018, son successeur à la tête de la fédération Chimie Énergie Jean-François Renucci pronostiquait son ascension : « C’est sa trajectoire naturelle depuis le début », confiait-il au Figaro.

En 20 ans de maison, Marylise Léon a fait un sans-faute. Recrutée en 2003 par la fédération Chimie Énergie pour assurer la formation des militants sur les risques technologiques après AZF, la titulaire d’un diplôme en chimie prend sa carte en 2008. Six ans plus tard, repérée et poussée par Laurent Berger, la voilà déjà secrétaire nationale dans la direction. C’est sa première élection et elle obtient 99,2 % des suffrages. À la CFDT, les mauvais scores sont rares. Mais quand même : à 38 ans, avec 29 993 voix, elle est mieux élue que Laurent Berger.

En juin 2018, elle gravit encore un échelon et remplace Véronique Descacq comme secrétaire générale adjointe. La voilà numéro 2 avec 98 % des suffrages, et encore une fois les compliments des anciens : « elle est studieuse, appliquée et apprend vite » salue alors sa prédécesseure.

Marylise Léon vient de mener l’un de ses premiers combats d’envergure nationale sur l’assurance-chômage. C’est un échec, les organisations syndicales et patronales ne parviennent pas à trouver un accord. Mais qu’importe, dans la maison, personne ne la tient pour responsable : « Elle a une compréhension du monde du travail qui est forte, parfois plus fine que la mienne (...). Elle s’est battue avec énergie lors de ces négociations », vante Laurent Berger dans Le Monde. Chez les réformistes, surtout depuis la crise de 2003 sur un désaccord de ligne contre la réforme des retraites du gouvernement Raffarin, le linge sale ne se lave pas en public.

Marylise Léon, blanc-Binet et Binet-blanc ?

C’est donc inédit, à compter de ce 21 juin, il y a deux femmes à la tête des deux premiers syndicats de France. Elles ne pourraient pas avoir de parcours plus différents. Marylise Léon est un pur produit CFDT, une héritière naturelle de Laurent Berger, quand Sophie Binet a déjoué les pronostics et piqué la place de Marie Buisson, candidate de Philippe Martinez. Un mois plus tard, la Cégétiste avait imposé son style de punchlineuse, remarqué même dans les couloirs de l’Élysée. Marylise Léon, bras droit de Laurent Berger depuis cinq ans, n’a pas encore pris la lumière.

Entretiendra-t-elle une différence de style ? Il n’empêche que des convergences de fond existent entre les deux femmes. Elles partagent des engagements communs, notamment sur l’écologie et la volonté de populariser cette thématique dans leurs structures. Marylise Léon est ainsi responsable pour la CFDT du « Pacte du pouvoir de vivre », une initiative du syndicat et de 18 organisations « pour répondre à l’urgence sociale et écologique de notre pays » quand Sophie Binet est décrite par ceux qui la connaissent bien comme une « écolo féministe ».

« Je suis très confiante pour la suite » - Sophie Binet à propos de Marylise Léon

Alors que les mobilisations contre la réforme des retraites commençaient à s’essouffler, l’une comme l’autre affichaient la même ambition de faire perdurer l’intersyndicale pour porter d’autres combats en commun, un souhait depuis officialisé. « Marylise Léon a suivi dans le détail les discussions de l’intersyndicale et je suis très confiante pour la suite, confiait Sophie Binet au HuffPost le 4 juin. Nous n’avons pas encore eu le temps de nous rencontrer mais nous allons le faire prochainement. » Frédéric Souillot, secrétaire général de Force Ouvrière (FO), la décrit comme « une personne très intelligente et très compétente ».

L’ambiance de départ est bonne. Cela n’empêchera pas pour autant l’émergence de désaccords, comme il y en a toujours eu entre le syndicat réformiste et ceux plus radicaux, avant que la réforme des retraites ne recrée l’union.

Marylise Léon, dans la droite ligne de Laurent Berger, est décrite comme une négociatrice acharnée, qui privilégie les discussions avant la contestation. Lors des ordonnances Travail de 2017, elle avait ainsi soutenu le choix du numéro 1 de ne pas manifester, en dépit d’une forte contestation interne. Le 6 juin dernier, quelques heures avant la dernière journée de mobilisation contre les retraites, elle refusait de reprendre l’expression de « scandale antidémocratique » de Sophie Binet pour dénoncer la possibilité de déclarer irrecevable un amendement du groupe LIOT visant à abroger la réforme des retraites.

« Je ne sais pas si c’est un scandale démocratique, l’article 40 existe dans la Constitution », déclarait-elle sur RTL. Une petite prise de distance - la première en public -, même si elle a déploré « la façon » dont certains textes de loi pouvaient être utilisés.

Cette ligne plus nuancée, si CFDTiste, Marylise Léon l’assume parfaitement. En 2019, elle affirmait dans Le Télégramme qu’elle n’aurait jamais pu rejoindre un autre syndicat. « J’ai des repères. Ils correspondent à ce qui constitue la marque de fabrique de la CFDT. D’abord l’émancipation et l’esprit critique. L’idée selon laquelle chacun doit se forger sa propre opinion ». Aujourd’hui, elle ajoute dans le JDD : « Un syndicat qui négocie des accords n’est pas moins combatif que celui qui crie en manif. » On croirait presque entendre Laurent Berger.

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