Marine Le Pen dans Président.e 2022 : "Pécresse n’a pas de convictions, elle tourne, elle vire, elle n'est pas fiable… Ce serait un drame pour le pays"

Marine Le Pen est l’invitée de l’émission Président.e 2022, le rendez-vous politique de Yahoo Actualités. Tout au long de la campagne présidentielle, Géraldine Muhlmann recevra les candidates et les candidats ainsi que les personnalités de la vie politique française (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

Candidate à l’Élysée pour la troisième fois, Marine Le Pen s'affiche confiante et détendue. Elle se place régulièrement en deuxième position dans les sondages sur le premier tour de la présidentielle, mais doit toutefois faire face à la percée d’Éric Zemmour, au discours proche du Rassemblement national, sur l’immigration notamment, et à celle de la candidate des Républicains Valérie Pécresse, tentée de parler à un électorat plus à droite.

Écoutez notre entretien avec Marine Le Pen en intégralité :

"La brutalité dont fait preuve Éric Zemmour est une forme de choix"

Est-ce que le candidat de Reconquête lui fait penser à son père, à qui il est parfois comparé ? "Oui et non", répond la benjamine du fondateur du Front National. "Si Jean-Marie Le Pen avait parfois un côté brutal dans la manière dont il s’exprimait, c’est parce qu’il n’avait pas le temps d’exprimer la modération nécessaire. Mais la brutalité dont fait preuve [Éric Zemmour] est une forme de choix".

VIDÉO - Marine Le Pen : "Gouverner avec Zemmour ? Je veux bien lui proposer mais je crois qu’il n’a pas du tout envie"

Alors que l’ex-polémiste a livré une charge très remarquée contre Emmanuel Macron lors de son premier meeting, à Villepinte, Marine Le Pen se positionne contre cette forme de critiques. "Je pense que quand on est candidat à la présidentielle, il faut éviter les attaques personnelles."

À droite, certains rêvent néanmoins de voir Marine Le Pen et Éric Zemmour s’allier, comme le maire de Béziers Robert Ménard. "Je veux bien lui proposer mais je crois qu’il n’a pas du tout envie de gouverner avec quiconque", répond la candidate du RN.

"Les prénoms, une mesure inutile" de Zemmour

Marine Le Pen dénonce aussi certaines mesures de son adversaire politique, dont celle obligeant à donner un prénom français à son enfant. "C’est une mesure qui divise et est inutile pour régler le problème de l’immigration".

Sur la liberté de culte, "son propos est peu clair", estime-t-elle par ailleurs. "Dire aux musulmans que l’islam et l’islam politique sont la même chose, et qu’ils peuvent s’assimiler mais doivent abandonner leur foi, c’est créer les conditions de conflits inutiles".

"Je ne mène pas une guerre de religion moi, je ne lutte pas contre l’islam. Je considère que la foi appartient à chacun. En revanche, je lutte contre l’islamisme, c’est-à-dire contre une idéologie politique qui vise à remplacer les lois et les valeurs françaises par un certains nombres de règles", distingue Marine Le Pen, qui veut interdire "les tenues islamistes" dans l’espace public.

"Je suis la mieux capable de battre Emmanuel Macron"

Convaincue d’être "la mieux capable de battre Emmanuel Macron", elle juge qu’"Éric Zemmour divise tellement et hystérise tellement le débat politique qu’il ne peut pas, dans une Ve République, gagner une élection présidentielle".

VIDÉO - Marine Le Pen : "Arnaud Montebourg, quand il fait ça, je me dis que c’est un garçon qui pourrait avoir sa place"

Si elle est élue dans cinq mois, elle composera un "gouvernement d’union nationale" et pourrait solliciter Arnaud Montebourg, l’ancien ministre de Hollande et candidat pour la souveraineté industrielle notamment, ou Éric Ciotti, le député LR des Alpes-maritimes battu par Valérie Pécresse au congrès de la droite.

"Valérie Pécresse n’a pas de convictions"

Marine Le Pen n’a pas épargné la présidente de la région Ile-de-France et désormais candidate LR à la présidentielle, en forte progression dans les sondages. Pour elle, Emmanuel Macron et l'ex ministre sont des "frères jumeaux". "Je pense que Valérie Pécresse n’a pas de convictions. Elle tourne, elle vire, elle n'est pas fiable... Aujourd’hui elle a une posture, qu’elle pense payante, mais toute l’histoire de sa vie politique démontre qu’elle n’a jamais eu de position très claire sur les sujets sur lesquels elle parle fort aujourd’hui. Donc ce serait un drame pour le pays".

Quant à la gauche, très divisée, la candidate du RN estime que sa faiblesse dans les sondages est due au fait qu’"elle a abandonné le peuple". Et de multiplier les références historiques : "ils ont oublié que Jaurès disait que la nation est le seul bien de ceux qui n’en ont pas. Et que Salengro disait que les Français doivent d’abord avoir accès l’emploi quand il n’y en a pas beaucoup".

"Tout le monde s’est vacciné, et on n'a pas retrouvé une vie normale"

Alors que la campagne de rappel vaccinal contre le Covid-19 a débuté, Marine Le Pen s’interroge sur le maintien du pass sanitaire. "Malgré le fait que nous soyons un des pays les plus vaccinés, on continue à être soumis à ce pass, dont je maintiens qu’il ne sert à rien". "Tout le monde s’est vacciné, et on n'a pas retrouvé une vie normale", déplore-t-elle, contrairement aux promesses du gouvernement, selon elle.

Sous la présidence de Marine Le Pen, le FN, puis le RN, a fait plus de place dans ses programmes aux propositions sociales depuis plusieurs années déjà. "J’ai toujours eu cette fibre sociale, je suis attentive à la situation des plus faibles d’entre nous", justifie-t-elle. "L’État-nation est un État qui doit protéger", assure-telle, jugeant que "notre pays souffre d’un excès d’ultralibéralisme" et que "l’État ne protège plus assez".

"Il faut baisser la TVA sur l'énergie, car c’est un bien de première nécessité"

Malgré cela, elle juge les dépenses engagées par le gouvernement cet automne insuffisantes face à l’inflation et la hausse des prix de l’énergie. "C’est un pansement sur une jambe de bois". Marine Le Pen propose de "baisser de 20% à 5,5% la TVA sur l’énergie, car c’est un bien de première nécessité". La candidate ne veut pas augmenter le SMIC mais s’engage à plafonner les cotisations patronales si les employeurs augmentent leurs salariés de 10%.

Elle propose aussi d'exonérer les moins de 30 ans d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés s'ils sont entrepreneurs, une mesure qui pourrait être retoquée par le Conseil constitutionnel.

"C’est la première chose que je ferai quand je serai élue"

La candidate assure que les dépenses publiques prévues par son programme seront compensées par des économies : "je fais le choix d’arrêter de financer l’immigration". Elle souhaite supprimer l’aide médicale d’État (AME) et la remplacer par une "aide médicale d’urgence". "Ça veut dire qu’on soigne les enfants, on soigne en cas de danger vital ou épidémiologique". Les autres soins devront être payés par les étrangers résidents en France. "Nous ne pouvons plus faire preuve de tant de générosité car un Français sur trois ne se soigne pas correctement".

Marine Le Pen souhaite également supprimer le droit au regroupement familial, légèrement élargi sous Emmanuel Macron. La candidate RN s’engage à soumettre ses propositions sur l’immigration à un référendum. Ce serait sa première mesure si les Français l'élisaient le 24 avril prochain.

Retrouvez tous nos entretiens avec les candidats à l'élection dans Président.e 2022 en podcast :

"Les Français auront l’initiative" sur la PMA et les réformes sociétales

La candidate veut aussi mettre un place un référendum d’initiative citoyenne. "Si 500.000 personnes signent pour demander soit à revoir une loi, ou veulent soumettre une nouvelle loi aux Français, ils auront la possibilité de le faire". Marine Le Pen s’engage à ne pas être à l’initiative en matière de réforme sociétale. "Ce seront les Français qui auront l’initiative", promet-elle.

La candidate a toutefois partagé son avis défavorable sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, votée cette année. "Je suis contre la PMA qui fait croire aux enfants qu’ils ont deux mères. Je crois à une vérité que l’on doit à l’enfant, biologiquement il est l’enfant d’un père et d’une mère. On crée un mensonge d’État en lui disant qu’il est l’enfant de deux mères." Elle ne prendra toutefois pas l'initiative de l’abroger si elle est élue, s'en remettant aux citoyens.

"Les jeunes ont été victimes d'un lavage de cerveau" sur le nucléaire

Selon un sondage Ifop, la candidate du RN est celle qui séduit le plus les 18-30 ans (à 20%), derrière le président sortant (25%), même si cette tranche d’âge prévoit de s’abstenir largement en avril prochain. Or, ces jeunes générations sont particulièrement préoccupées par l’écologie, un thème sur lequel Marine Le Pen s’exprime plus rarement, elle qui prône le réinvestissement dans l’énergie nucléaire et étrille l’éolien. Peut-elle toucher un électorat jeune avec de telles positions ?

Retrouvez l'intégralité de l'interview ici :

"Pourquoi les jeunes n’entendraient pas ça ? La réalité c’est qu’ils ont été victimes d’un véritable lavage de cerveau. Une majorité pense que le nucléaire crée plus de CO2 que les énergies renouvelables, or c’est faux. Si je défends le nucléaire, c’est pour leur bien, justement parce qu’est une énergie décarbonée", défend Marine Le Pen, qui reproche à Emmanuel Macron d’avoir arrêté le projet Astrid, un réacteur de quatrième génération dont le but était d’utiliser l’uranium appauvri et le plutonium comme combustibles, pour recycler les déchets radioactifs.

VIDÉO - Anne Hidalgo était l'invitée de Président.e 2022