La Marche contre l’antisémitisme envenimée par la présence du RN

POLITIQUE - Défiler contre l’antisémitisme, d’accord. Le faire avec un parti cofondé par un ancien de la Waffen SS et dont le leader historique, Jean-Marie Le Pen, a été condamné pour négationnisme, pas vraiment. Voilà le malaise qui se répand dans la classe politique, au lendemain de la proposition faite par Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher et à laquelle le Rassemblement national, soucieux de rompre avec son passé embarrassant, s’est rallié dans la minute.

Ce mercredi 8 novembre, la présidente du groupe RN a enfoncé le clou. « J’appelle l’ensemble de nos adhérents et de nos électeurs à venir se joindre à cette marche », a déclaré Marine Le Pen sur RTL, assurant qu’il était temps que la société « exprime son rejet absolument total de l’augmentation spectaculaire des actes visibles, en fait, d’antisémitisme ». Comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article, la présence des troupes lepénistes a du mal à passer, et pas seulement à gauche,

Malaise aussi chez Renaissance

Dans la majorité, une forme de gêne est palpable. Ce mercredi, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a jugé que « le RN n’a pas sa place à la marche contre l’antisémitisme », ajoutant cependant que « chacun est libre en conscience de participer ou non ». Le patron de Renaissance, Stéphane Séjourné a lui appelé « solennellement les partis politiques qui y participeront à ne pas être les complices de la banalisation d’un parti fondé par des antisémites », tout en expliquant que « jamais » il ne défilerait « derrière la même banderole que le Rassemblement national ».

Même malaise au Parti socialiste. « Nous appelons tous les Français, quelle que soit leur position sur la guerre au Proche-Orient, à se joindre à la manifestation organisée le 12 novembre », indique le PS dans un communiqué, tout en jugeant la présence du RN « illégitime ». Dimanche 5 novembre, Olivier Faure avait pourtant imaginé un rassemblement impliquant « toutes les forces politiques » du pays, avant de faire machine arrière face au tollé provoqué à gauche par la perspective de voir (déjà) le RN se joindre à l’initiative.

Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, a pressé Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher de préciser « le contour de leur rassemblement ». « Je ne comprendrais pas que le Rassemblement national participe à une telle marche », a fait valoir le député du Nord. Pour autant, il n’exclut pas défiler ce dimanche, mais « avec des forces progressistes ». Une position partagée par le Parti radical. « Nous ne défilerons pas aux côtés du Rassemblement national dont plusieurs fondateurs étaient explicitement antisémites et pour certains complices de la Shoah », a indiqué son président Guillaume Lacroix, tout en précisant qu’il participera au rassemblement. Les Ecologistes ont annoncé qu’ils participeraient à la marche mais ont exhorté Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher à en exclure les partis d’extrême droite.

Le RN rattrapé par son histoire, n’en déplaise à Bardella

En revanche, c’est un « non » catégorique qui a été émis par la France insoumise. « Lutter contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de racisme est impraticable aux côtés d’un parti qui trouve ses origines dans l’histoire de la collaboration avec le nazisme », indique dans un communiqué la formation mélenchoniste. Comme le PS, LFI se fait l’écho d’une récente déclaration de Jordan Bardella qui a affirmé qu’il ne « croyait pas » que Jean-Marie Le Pen était antisémite.

Des propos qui ont eu pour effet de remettre au jour les condamnations multiples du père de Marine Le Pen, notamment pour « contestation de crime contre l’humanité » après ses propos sur les chambres à gaz.

Une preuve supplémentaire que la seule présence du RN à cette marche place les forces politiques face au dilemme suivant : faut-il participer à cette marche au risque de blanchir l’histoire du RN, ou refuser de s’y joindre, au risque de rater l’occasion de s’indigner avec force contre la hausse des actes antisémites en France. La réaction du sénateur socialiste Rachid Temal illustre parfaitement ce paradoxe. Alors qu’il affirmait dimanche qu’il était hors de question de manifester avec l’extrême droite, il a fustigé ce mercredi la position de Jean-Luc Mélenchon, arguant que la présence du parti lepéniste « ne peut nullement être un prétexte ». Difficile à suivre.

Un cas de conscience qui dépasse la seule sphère politique. Sur franceinfo, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Yonathan Arfi a dénoncé la manœuvre des troupes lepénistes, affirmant qu’il ne voulait pas y croiser de responsables du RN. « Il est hors de question de leur livrer la question de l’antisémitisme comme un trophée politique », a-t-il prévenu, affirmant qu’il se tiendra « à distance » du parti d’extrême droite. C’est pourtant précisément l’objectif du RN : apparaître comme le « bouclier » des Français de confession juive, même si, comme Jordan Bardella l’a démontré, la page Jean-Marie Le Pen n’est pas tout à fait tournée.

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