Marc-Olivier Fogiel : “Je n’ai plus de difficultés à parler de mon homosexualité”

C8 consacre un documentaire à Marc-Olivier Fogiel vendredi 6 octobre à 21h. “La Télé de Fogiel” retrace la carrière de l’animateur avec de nombreux extraits et témoignages de ses proches comme Ariane Massenet, Laurent Ruquier Dave, Anne-Elisabeth Lemoine, Matthieu Delormeau ou Pierre Lescure. Pour l’occasion Marc-Olivier Fogiel revient sur ces années et parle désormais ouvertement de son homosexualité.

Crédit : France 3

Comment réagissez-vous à l’idée d’un documentaire consacré à votre carrière sur C8 ?

Je suis assez fier d’être considéré comme une “marque” de télévision. D’autant plus que la période de mes talk-shows remonte à une dizaine d’années. Les jeunes téléspectateurs savent peut-être à peine ce que j’ai fait dans le passé. Donc le fait qu’une chaine jeune comme C8 estime que j’ai suffisamment marqué l’histoire de la télé pour en faire un prime-time m’a flatté.

“J’AVAIS PEUR DE REGARDER LE DOCUMENTAIRE”

Avez-vous la nostalgie de cette époque ?

Aucune nostalgie. J’ai vécu des moments exaltants, passionnants, jubilatoires et je ne renie rien. Ces émissions me constituent même si aujourd’hui j’ai avancé vers autre chose. J’ai longtemps hésité à regarder le documentaire parce que je ne n’avais pas très envie et j’avais surtout un peu peur. Alors que tout va bien et que je suis très heureux aujourd’hui, je redoutais de regretter le choix fait il y a 10 ans de m’orienter vers une nouvelle vie professionnelle. Mais j’ai fini par le regarder sans avoir du tout ce sentiment. J’avais oublié plein de choses mais je n’en ai absolument aucune nostalgie.

“JE N’AI PAS ENVIE DE MONTRER LE DOCUMENTAIRE À MES FILLES”

Allez-vous le montrez à vos filles quand elles seront plus grandes ?

Je n’ai pas du tout envie de leur montrer mais je n’aurais pas de difficulté à ce qu’elles le regardent un jour. En fait, je ne suis pas du tout dans ce schéma de leur dire : “regarde ce que papa a fait à la télé”. Elles savent que j’ai une dimension publique parce qu’on me reconnaît de temps en temps dans la rue mais elles ne savent pas précisément ce que j’ai fait. Et ça ne fait pas partie des choses qu’on partage.

Beaucoup de vos proches interviennent dans le documentaire mais pas votre amie Claire Chazal. A-t-elle refusé ?

Elle n’était pas disponible au moment du tournage pour des questions d’emploi du temps. Elle m’a demandé s’il fallait qu’elle annule des choses mais je lui ai dit que ce n’était pas nécessaire. Nous avons mille occasions de parler ensemble l’un de l’autre.

Le documentaire retrace notamment les grands moments de votre talk-show “On ne peut pas plaire à tout le monde” sur France 3. En revoyant les images, on a l’impression que vous vous obligiez à faire le spectacle. Etiez-vous complètement vous-même à l’époque ?

J’étais moi-même mais le moi-même de cette époque, sans doute avec des maladresses. Mais j’apprenais les choses en même temps que je les faisais. Mes maladresses étaient juste l’attitude de quelqu’un qui n’avait jamais fait ça. Je ne me forçais à rien, personne ne me disait ce qu’il fallait faire. Je pense quand même avoir une part d’ ”entertainer” en moi, ce que doit avoir un bon présentateur de talk-show pour réussir à créer des ambiances, à faire interagir les gens, générer des situations. Il se trouve qu’aujourd’hui je n’ai plus envie de faire ça.

Crédit : France 3
Crédit : France 3

“JE DONNAIS L’IMPRESSION DE NE PAS ÉCOUTER”

Votre marque de fabrique a longtemps été l’interview agressive. Vous reconnaissiez-vous dans l’image de pitbull que vous aviez ?

On a retenu que ces interviews parce qu’elles ont marqué mais il n’y a pas eu que ça. Aujourd’hui j’ai toujours le même style d’interview mais je le fais différemment. Ma marque de fabrique c’est d’essayer de chercher la vérité même quand votre interlocuteur la dissimule. C’est ce que j’ai fait dans “Le Divan” dans un registre plus doux et proche de l’introspection. Ma démarche était la même à l’époque même s’il y avait plus de spectacle autour. Mon principal défaut c’est que je donnais l’impression de ne pas écouter alors que j’écoutais déjà énormément.

“J’ASSUME TOUT, MÊME MES ERREURS”

Vous assumez tout ce que vous avez fait dans ces émissions ?

J’assume tout, même mes erreurs. Si c’était à refaire, le seul moment de mon parcours télé que je ne referais pas c’est d’avoir laisser l’antenne à Dieudonné quand il a fait son sketch qui, hélas, a montré après ce qu’il avait dans la tête. Il a pris l’antenne en otage et on n’a pas pris la mesure de ce qui se passait. Rétrospectivement j’aurais du lui dire : “arrête et sors”. J’ai désapprouvé mollement et ma réaction n’était pas à la hauteur de son dérapage.

Fabrice Lucchini dit dans le documentaire que c’est une télé qui n’existera plus. Êtes-vous d’accord avec lui ?

Ce qui n’existe plus, c’est la liberté qu’on avait. Aujourd’hui il y a davantage de frilosité, tout doit être carré, très produit avec un souci d’efficacité. On ne met plus à l’antenne que des gens qui ont déjà fait leurs preuves. Quand je pense qu’à l’époque France 3 laissait un jeune mec, qui n’avait jamais fait ça, présenter ces émissions sans aucun filet, c’était très audacieux. J’ai aussi eu la liberté d’avoir des ratés. Dans “On ne peut pas plaire à tout le monde” il y avait sans doute des moments lents, pas efficaces ou carrément ratés. Mais ces imperfections font que ça a laissé une marque.

Pourquoi ne faites-vous pas de télé cette année ?

J’ai reçu pas mal de propositions pour refaire de la télé à haute dose cette année que j’ai toutes refusées. D’abord parce que ce que je fais sur RTL continue à me passionner et que ça me prend beaucoup de temps. Et j’écris un livre sur un sujet qui m’intéresse : la GPA (Gestation pour autrui).

“JE NE DISSIMULAIS PAS MON HOMOSEXUALITÉ”

Aujourd’hui vous parlez ouvertement de votre homosexualité. Pourquoi l’avoir dissimulée à vos débuts ?

Je ne faisais pas état de mon homosexualité mais je ne la dissimulais pas. Quand le sujet était abordé en plateau – ça été le cas avec Marianne James, Pierre Palmade, Dave, Pascal Sevran… – je n’interdisais pas qu’on l’évoque, bien au contraire ! En revanche je n’en parlais pas de moi-même, je laissais planer les sous-entendus. Je n’évitais pas le sujet mais je ne le mettais pas en avant. Avec l’âge, la maturité et de la réflexion sur le sujet, je pense maintenant que c’est mieux de dire les choses. D’autant plus que ça peut être utile pour un certain nombre de jeunes qui se cherchent. C’est important pour eux d’avoir des exemples de gens qui s’assument et vivent leur vie correctement. J’ai longtemps laissé dire, aujourd’hui je n’ai plus de difficulté à le dire.

Est-ce que ça vous a libéré ?

Je ne me sentais pas coincé, c’est simplement que je ne voyais pas l’utilité. Le mot “libéré” ne me convient pas car je n’avais pas l’impression d’être enfermé dans un mensonge. J’ai juste davantage réfléchi à la question. Au fil du temps j’ai compris l’utilité de dire les choses. Aujourd’hui je ne me cache pas, je n’ai aucune difficulté à en parler normalement et simplement.

“JE NE VISE RIEN, MAIS JE NE M’INTERDIS RIEN”

Avez-vous encore des envies à la télévision ?

Bien sûr. À l’antenne ou dans le management. Dans mon parcours, j’ai dirigé une structure de production, j’ai contribué à mettre beaucoup de talents à l’antenne, j’ai accompagné Alexandre Bombard (ex-PDG d’Europe 1) dans la reconstruction de la radio. Aujourd’hui, je ne vise rien mais je ne m’interdis rien. Pourquoi pas la direction d’une boite de prod, d’un journal, d’une chaine, d’une radio, je n’en sais rien. Ça dépend aussi des opportunités. Je ne me projette pas. Je raisonne d’une année sur l’autre donc je ne sais pas quelles seront mes envies de l’année prochaine. Mais mon appétit n’est pas rassasié. À 50 balais, je me sens solide et capable d’affronter encore un certain nombre de choses.

Thomas Joubert

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