Malgré l’accord de la COP28 à Dubaï, les sommets sur le climat sont-ils encore crédibles ?

ENVIRONNEMENT - Si un « accord historique » a finalement été conclu à l’issue de la COP28, son déroulement et les négociations ont été très compliqués. Alors que le sommet international pour le climat s’achève, les scandales et controverses se sont accumulés depuis son ouverture le 30 novembre.

Après l’accord à la COP28 de Dubaï, ces scientifiques tempèrent l’euphorie

Le HuffPost refait le fil d’une COP pleine de rebondissements qui finit par poser la question de la crédibilité de ces rendez-vous dont le prochain aura lieu en Azerbaïdjan en novembre 2024.

Record de lobbyistes

Dès le début, cette COP28 n’était déjà pas très bien partie avec Sultan Al-Jaber comme président. En plus d’être ministre émirati de l’Industrie, il est surtout PDG du géant pétrolier Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC). Les Émirats arabes unis sont d’ailleurs le septième pays producteur de pétrole au monde. Cette nomination pose donc question, puisque le changement climatique est principalement provoqué par l’utilisation des énergies fossiles.

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Ce possible conflit d’intérêts s’est d’ailleurs fait sentir dans les couloirs de la COP. D’après un rapport publié mardi 5 décembre par la coalition Kick Big Polluters Out (KBPO), on n’a jamais vu autant de lobbyistes qu’à la COP28 de Dubaï. En 2022, KBPO dénombrait 636 lobbyistes des combustibles fossiles ayant eu accès aux négociations, cette année ils seraient près de 2 500. C’est quatre fois plus que l’année précédente.

Parmi eux, de nombreux représentants du pétrole, du gaz et du charbon, dont Patrick Pouyanné, PDG de Total Énergies, comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessous :

Position ambiguë sur les énergies fossiles

Alors que la COP28 bat son plein, le journal britannique The Guardian a dévoilé dimanche 3 décembre un échange tendu entre Sultan Al-Jaber et l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson.

Dans cette vidéo qui date du 21 novembre, on entend clairement le président de la COP28 déclarer : « Aucune étude scientifique, aucun scénario, ne dit que la sortie des énergies fossiles nous permettra d’atteindre +1,5°C. 1,5°C est mon étoile du Nord. Et une réduction et une sortie des énergies fossiles sont, selon moi, inévitables. C’est essentiel. Mais il faut être sérieux et pragmatique ».

Interrogé quelques jours plus tard sur ces déclarations, il explique que cet extrait a été sorti de son contexte. « J’ai répété à plusieurs reprises et sur différentes plateformes que c’est la science qui guide les principes de notre stratégie pour cette présidence de la COP28. Et j’ai été parfaitement clair là-dessus », insiste-t-il durant une conférence de presse.

Cela n’empêche que sa position sur les énergies fossiles reste ambiguë, avec deux positions s’affrontant sur le projet de déclaration finale. L’une, soutenue par une coalition réunissant l’Europe, des pays du Sud et des États insulaires, appelait à la « sortie » des énergies fossiles ; quand l’autre, défendue par les États pétroliers représentés par l’OPEP, prônait la « réduction » des énergies fossiles.

Le premier brouillon, reprenant la position émiratie, avait déclenché un tollé. Après une nouvelle nuit de négociation un compromis a été trouvé sur une « transition » vers l’abandon des énergies fossiles. Un nouveau lexique salué par les participants et les ONG avec un enthousiasme divers, mais la plupart s’accordent à y voir un progrès clair : jusqu’ici, la COP26 ne parlait que de « réduction ».

Vers un échec de l’Accord de Paris ?

Mais si les mots sont plus clairs, l’engagement reste minime face à une situation qui n’est déjà guère brillante. Mardi 5 décembre, une étude publiée par les scientifiques du Global Carbon Project montre qu’on est bien loin des objectifs conclus lors de la COP21. Pour rappel, 195 pays s’étaient mis d’accord pour limiter le réchauffement climatique à +1,5°C ou du moins « bien en dessous de 2°C ».

Cependant, d’après cette étude, il est « désormais inévitable » que le seuil de 1,5°C de réchauffement de la planète soit dépassé « de manière constante sur plusieurs années » et il y a une chance sur deux pour que cela arrive dans seulement sept ans. L’Accord de Paris ne devrait donc pas duré très longtemps.

Si cette COP28 a été quelque peu mouvementée, il en sort tout de même une action positive : la mise en œuvre du fonds destiné à financer les « pertes et dommages » climatiques des pays vulnérables. Malheureusement, là encore cette initiative a ses limites. Premièrement, les pays en développement ont estimé que 100 milliards de dollars seraient nécessaires pour alimenter ce fonds. Un montant loin d’être atteint pour le moment : les contributions annoncées n’atteignent, à l’issue de cette COP, même pas le milliard. Mais surtout, il n’y a rien dans cet accord qui oblige les pays, notamment les plus pollueurs, à y participer.

La COP sert-elle encore à quelque chose ?

D’un côté, il y a les scientifiques qui perdent espoir et qui ont décidé de faire une COP alternative à Bordeaux et de l’autre il y a ceux comme Jean Jouzel, paléoclimatologue et ancien membre du GIEC, qui continuent d’y croire.

En participant à une vingtaine de COP, il a vu les choses évoluer : « Au début des années 2000, on parlait régulièrement d’un réchauffement climatique qui pourrait aller vers +4 °C ou +5 °C d’ici la fin de ce siècle », raconte Jean Jouzel au HuffPost. « Et désormais, on parle quand même d’un réchauffement climatique qui irait plutôt vers +3 °C. Ce n’est pas bien, mais c’est moins pire. Cependant, ce scénario, c’est si les pays tiennent leurs engagements, ce qui n’est pas gagné ».

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