Maintien de l'ordre, violences policières... Lallement, un préfet régulièrement sous le feu des critiques

Une effigie de Didier Lallement brandie lors de la manifestation contre la loi
Une effigie de Didier Lallement brandie lors de la manifestation contre la loi

Il a près de 40.000 fonctionnaires à sa charge, dont 20.000 policiers. Pourtant, sa conception du maintien de l'ordre à la française se retrouve régulièrement sous le feu des critiques. Alors que d'importants incidents se sont produits en marge de la finale de la Ligue des champions, samedi soir, certaines personnalités politiques ont pointé du doigt Didier Lallement pour sa gestion de la sécurité aux abords du Stade de France.

En cause notamment: l'incapacité, selon certains, du préfet de police de Paris à encadrer efficacement un événement de cette ampleur.

"Brutal", selon Marine Le Pen, "psychologiquement perturbé", selon Jean-Luc Mélenchon... Si l'exécutif l'a souvent soutenu depuis sa nomination, en mars 2019, Didier Lallement fait régulièrement l'objet de polémiques et est loin d'emporter toutes les faveurs, dans la classe politique comme dans la société civile.

"Nous ne sommes pas dans le même camp"

Son prédécesseur, Michel Delpuech, avait été jugé trop laxiste face aux "Gilets jaunes". Alors, en mars 2019, Didier Lallement, 62 ans à l'époque, arrive de Nouvelle-Aquitaine pour reprendre les rênes de la préfecture de police parisienne avec un objectif affiché: tenir tête quoi qu'il arrive face aux manifestants.

Selon Christian Mouhanna, chercheur au CNRS et sociologue spécialisé notamment dans les organisations policières, contacté ce mardi par BFMTV.com, l'arrivée du préfet s'inscrit alors "dans la stratégie menée par le gouvernement pour réaffirmer la volonté d'une logique toujours plus répressive".

"Il renvoyait l'image de quelqu'un qui privilégiait la force, et qui correspondait donc à l'orientation du gouvernement", analyse Christian Mouhanna.

"Nous ne sommes pas dans le même camp, madame", avait d'ailleurs sèchement rétorqué Didier Lallement à une femme qui l'interpellait lors d'une manifestation de Gilets Jaunes, lui tournant le dos, dans une séquence qui a tourné en boucle sur les réseaux sociaux.

Confrontation avec la mairie de Paris

Le préfet connaît également des différends avec la mairie de Paris, notamment sur le dossier de la colline du crack: quand Anne Hidalgo, maire PS de Paris, souhaite créer des salles de consommation pour accueillir les toxicomanes de manière sécurisée, Didier Lallement est pour une méthode plus directe.

En septembre 2021, il intervient pour faire déplacer les consommateurs des jardins d'Éole à la limite du département de Seine-Saint-Denis. Il pense même à intervenir également dans le 12ème arrondissement de la capitale en posant une clôture, mais son projet tombe à l'eau, encore une fois sous le feu des critiques.

"Être préfet de police, c’est courir un risque permanent"

Interrogé par un député lors d'une audition, en octobre 2019, devant une commission d'enquête parlementaire, Didier Lallement déclarait qu'"être préfet de police, c’est courir un risque permanent".

Entre autres, celui d'être régulièrement visé par les critiques. Si son prédécesseur, Michel Delpuech, s'était vu reprocher d'être trop "mou", lui est souvent pointé du doigt comme étant trop autoritaire, intransigeant sur ses positions. Dès sa nomination, sa gestion de la crise des Gilets jaunes lui vaut les foudres de nombreux observateurs.

En cause notamment: l'ordre donné aux forces de l'ordre d'"impacter" les manifestants et d'utiliser la technique de la "nasse" - qui consiste à encercler les participants en formant un cordon policier -, décriée pour son caractère violent, et ce même par l'ex-Défenseur des droits Jacques Toubon.

"Généralement, dans une manifestation, on prévoit toujours des issues de secours. Ce que l'on reproche à cette technique, c'est qu'elle bloque les gens, parfois pendant plusieurs heures, et qu'elle est plus ou moins illégale, puisqu'on doit être libre d'aller et venir", détaille Christian Mouhanna.

Symbole des violences policières pour la gauche

Dans des documents internes révélés par Mediapart en 2020, de hauts responsables dénonçaient eux aussi des pratiques "contraires à la législation ainsi qu'à la réglementation en vigueur". Une doctrine du maintien de l'ordre qui vaut au préfet d'être vu comme le symbole des violences policières, à gauche de l'échiquier politique.

D'autres affaires viennent s'ajouter au dossier de Didier Lallement, renforçant l'idée d'un soutien presque inconditionnel aux forces de l'ordre. Si, après la violente agression par des policiers du producteur de musique noir Michel Zecler en 2020, il intime aux fonctionnaires de ne pas "dévier de la ligne républicaine", il accorde cependant une "protection fonctionnelle" aux mis en examen. À comprendre: les policiers fautifs bénéficient d'un soutien financier sur la prise en charge de leurs frais de justice.

"J’ai forcément du mal à comprendre ce qui occasionne une telle bienveillance de l’État vis-à-vis de ces trois individus", avait alors réagi le producteur de musique auprès de BFMTV.

Des propos polémiques sur les malades du Covid-19

Sur un autre terrain, celui du Covid-19, certains propos du préfet ont aussi été montrés du doigt, en avril 2020. Alors qu'il orchestre une opération de police au niveau de la porte d'Orléans, à Paris, afin que les Français ne partent pas en vacances en plein confinement, Didier Lallement se laisse aller à dire que "ceux qui sont aujourd'hui hospitalisés, qu'on trouve dans les réanimations, sont ceux qui, au début du confinement, ne l'ont pas respecté", ajoutant qu'il existe à ce niveau une "corrélation très simple".

Loin de passer entre les mailles du filet, ces propos lui attirent les foudres du milieu hospitalier comme de certains responsables politiques. "Le préfet de police se montre insultant. (...) C'est assez insupportable à entendre pour des personnes qui sont contraintes d'aller travailler et qui n'ont pas aujourd'hui les protections qui permettent justement d'éviter d'échapper à la contamination", avait réagi la députée LFI Clémentine Autain sur franceinfo.

"Insulter, traiter mes malades qui sont en danger de mort de délinquants, c'est vraiment, un véritable scandale. Il faudra dire à Monsieur le préfet qu'il y a des soignants en réanimation, et qu'il y a un de mes infirmiers qui est en danger de mort, actuellement en réanimation, et qui a contracté le virus en soignant des patients", s'était également indigné sur BFMTV Frédéric Adnet, chef des urgences de l'hôpital Avicenne à Bobigny.

Face à cette levée de boucliers, Didier Lallement avait fini par présenter ses excuses lors d'une conférence de presse. "C'est une erreur et je la regrette à plusieurs titres", déclarait-il sobrement.

L'appui du gouvernement

Malgré ces différentes polémiques, Gérald Darmanin a très souvent réaffirmé son soutien au préfet de police, comme lorsque des violences policières consécutives aux manifestations contre la loi "sécurité globale" avaient été dénoncées.

Signe de la fidélité du gouvernement au préfet, le ministre de l'Intérieur a, une nouvelle fois, défendu la méthode Lallement à la suite des incidents au Stade de France, samedi soir. "Le préfet peut avoir le rôle d'un fusible qui sert à exempter le gouvernement d'une part de ses responsabilités. C'est une solution de facilité que de désigner le préfet comme le responsable. Mais ce n'est pas ce qui a été fait", explique Christian Mouhanna auprès de BFMTV.com.

"Les décisions prises ont empêché qu'il y ait des décès. Des préfiltrages, au bout d'un moment, ont été levés sur la décision du préfet de police, afin d'éviter l'écrasement des personnes sur les cordons de CRS et de gendarmerie ou sur les grilles. Et c'est parce qu'on a pris ces décisions en temps voulu qu'il n'y a pas eu de décès et de blessés graves", a au contraire soutenu le ministre de l'Intérieur, à l'occasion d'une conférence de presse lundi.

Article original publié sur BFMTV.com