"Madame Hofmann", le nouveau film de Sébastien Lifshitz, ravive la crise de l’hôpital public

Pénibilité au travail, salaires bas et conditions de travail dégradées... Le portrait sensible de cette infirmière sur le point de partir à la retraite dresse aussi un constat alarmant sur l’état de l’hôpital public.

Sylvie Hofmann, devant la caméra de Sébastien Lifshiftz dans « Madame Hofmann ».

CINÉMA - Sébastien Lifshitz, de retour derrière la caméra. Ce n’est pas pour nous parler, comme dans ses précédents documentaires, d’adolescence, d’une communauté de travestis aux États-Unis ou d’une petite fille trans, mais de la crise de l’hôpital public en France avec la sortie en salles, ce mercredi 10 avril, de son nouveau film documentaire : Madame Hofmann.

Nous sommes à la sortie du premier confinement et Sylvie, cadre infirmière à l’hôpital nord de Marseille, est à quelques mois de prendre sa retraite. Ce sera « le 7 juillet et pas un jour de plus », dit-elle à son supérieur, lorsqu’elle lui annonce la date de son départ.

Sylvie Hofmann est épuisée, aussi bien physiquement que moralement. « Au bout de 40 ans dans cet hôpital, j’ai l’impression d’en avoir passé 100 », souffle-t-elle, devant la caméra du documentariste. Son corps est en train de la lâcher : elle vient de faire un AVC et commence à perdre sérieusement une partie de son audition. La faute à quoi ? Au surmenage, estime un médecin.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce :

Et pourtant, l’infirmière en chef du service d’oncologie au caractère bien trempé ne faiblit pas. Toujours en train de courir auprès des siens ou des patients, Sylvie Hofmann mène une vie dévouée aux autres, dans la joie, les blagues et la bonne humeur. Et ce, malgré le manque de moyens de son hôpital, les mesures sanitaires parfois irrationnelles de l’épidémie de Covid-19 ou son « métier de merde », ironise-t-elle.

L’hôpital public en crise

À travers ce portrait sensible, Sébastien Lifshitz ne filme pas seulement une femme à la carrière éprouvante, il décrit aussi la réalité de ces soignants qui, après une pandémie au cours de laquelle « ils ont manqué de tout », exercent dans des conditions alarmantes. « Pour moi, l’hôpital est un des symboles de la République, explique le réalisateur dans les notes de production. Il incarne ce que la France a de mieux à offrir : une égalité de soin pour tous, une solidarité nationale. L’hôpital, c’est nous tous, une formidable utopie politique. »

Mais aujourd’hui, continue-t-il, « force est de constater qu’entre le coût que ça représente pour l’État et une population qui ne cesse de croître et vivre plus longtemps, l’équation est de plus en plus difficile à résoudre ». « Et puis, l’hôpital public est concurrencé par le secteur privé », rappelle Sébastien Lifshitz, qui pointe du doigt les logiques comptables des gouvernements successifs « qui veulent le transformer en entreprise ».

Des urgences qui débordent, des salaires trop bas et des conditions de travail qui se dégradent… En France, de nombreuses manifestations se sont déroulées au cours des dernières années pour dénoncer la crise de l’hôpital public exacerbée par la crise sanitaire. Elle pousse les soignants à se tourner vers le privé, où les salaires sont souvent plus élevés.

Madame Hofmann l’aborde. Contrairement à leur cheffe, les jeunes collègues de Sylvie ne comptent, elles, pas s’éterniser dans cet établissement public. Elles n’ont pas le même rapport au travail que leur supérieure. Elles veulent « une vie plus agréable, un épanouissement personnel », observe le réalisateur.

Sylvie sauve sa peau

Dans son film, Sébastien Lifshitz décrit un monde hospitalier en mutation, moins perméable aux actuelles conditions de travail. Non sans faire écho aux revendications qui ont mobilisé la société au moment de la réforme des retraites. « Il y a des métiers où la souffrance physique et psychique est une vraie question », assure le cinéaste, toujours dans les notes de production.

Avant d’ajouter : « La pénibilité n’est pas un détail. C’est évident que ces différences n’ont pas été assez prises en compte dans la réforme de la retraite. Sylvie a tenu quarante ans comme un bon petit soldat. Elle est épuisée physiquement et mentalement. La nation devrait remercier les ’Sylvie’ et les ’Micheline’ que nous avons. »

Micheline, c’est la mère de Sylvie. D’abord femme de ménage à l’hôpital, cette ancienne immigrée italienne y a ensuite consacré sa vie en tant qu’aide-soignante, au péril de sa propre santé. Sylvie ne veut pas reproduire les mêmes erreurs. Et même si elle part à bout, elle « décide de sauver sa peau », continue le réalisateur. Il est enfin temps de penser à elle. Reste désormais à savoir s’il reste encore quelqu’un pour tenir les murs de l’hôpital. Sans toutes les « madame Hofmann », l’équilibre est fragile.

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