Macron veut sanctionner les familles de délinquants, une réponse aux émeutes qui comporte de nombreux risques

Macron veut sanctionner les familles de délinquants, une piste aux multiples risques (photo prise fin juin, à Marseille)
Macron veut sanctionner les familles de délinquants, une piste aux multiples risques (photo prise fin juin, à Marseille)

POLITIQUE - Au pied de la montagne, Emmanuel Macron choisit l’ascension par le versant de droite. En visite surprise au commissariat du 17e arrondissement de Paris, lundi soir, le président de la République a laissé entrevoir une première réponse politique à l’embrasement des banlieues et aux violences qui ont secoué le pays sept nuits durant.

Le pic maintenant « passé », selon lui, le locataire de l’Élysée semble effectivement enclin à mettre sur la table le dossier éruptif des sanctions visant les familles de délinquants. Alors qu’un policier lui demandait de « taper au portefeuille » des émeutiers, le chef de l’État a répondu qu’il « faudrait » parvenir à « sanctionner financièrement et facilement les familles », ceci dès « la première infraction. »

Une sorte de « tarif minimum dès la première connerie », a-t-il explicité… Quitte à reprendre un vieux serpent de mer de la droite et de son extrême, honni par la gauche. De fait, cette hypothèse, au débotté, présente plusieurs risques pour le chef de l’État, de part et d’autre de l’échiquier politique.

Ciotti met déjà la pression

Il n’y a qu’à voir la réaction d’Éric Ciotti ce mardi. Le président des Républicains ne tope pas vraiment dans la main d’Emmanuel Macron. Celui qui appelle depuis plusieurs années à un mécanisme de suppression des allocs pour les familles dont l’un des enfants est délinquant, profite de l’occasion pour remettre sa propre proposition sur la table. Or, elle ne correspond pas à ce que semble envisager Emmanuel Macron.

« Je déposerai ma proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale. Il faut arrêter avec les discours », a notamment scandé le président des LR ce mardi devant les journalistes, gourmand à l’idée de mettre la pression sur l’exécutif. Car, « si Emmanuel Macron décide de l’inscrire à l’ordre du jour, on peut la voter avant le 14 juillet. »

Problème : si le président de la République ouvre la voie à des sanctions à l’encontre des parents, il semble la refermer aussi sec pour ce qui est des allocations. Taper au portefeuille ? « Pourquoi pas, mais au cas par cas, et pas forcément par les allocations familiales », a-t-il ainsi répondu aux policiers, mardi soir, dans une réminiscence du « en même temps », propre à déplaire à la droite.

De fait, dans ces conditions, Éric Ciotti aura toute latitude, pour critiquer la réponse moins-disante d’Emmanuel Macron et lui faire un nouveau procès en laxisme ou en atermoiements. Comme un air de déjà vu, notamment sur le dossier lié à l’immigration.

Un totem de droite…

De l’autre côté, le président de la République prend également le risque de s’attirer les foudres de la gauche en brandissant ce totem - qui rompt avec le principe de la peine individuelle - défendu par la droite depuis plus d’une décennie.

La suspension des allocations familiales pour les parents de mineurs absentéistes scolaires, votée en 2010 sous Nicolas Sarkozy, avait été abrogée par son successeur François Hollande. Pendant sa campagne en 2012, Nicolas Sarkozy avait annoncé un durcissement de cette mesure, l’étendant aux mineurs délinquants. Depuis, au Sénat ou à l’Assemblée, Les Républicains ont pris le relais via des propositions de lois qui n’ont jamais abouti.

En ce sens, les rares déclinaisons sur la scène locale viennent aussi des Républicains. À Valence, par exemple, la ville prive les familles de mineurs faisant l’objet d’un « rappel à l’ordre ou d’une condamnation pour trouble à l’ordre public », des aides sociales qu’elle verse aux autres. À Nice, ville dirigée par Christian Estrosi, le bailleur social Côte d’Azur Habitat peut, lui, expulser des locataires à la suite de la condamnation d’un membre de la famille, en vertu d’une convention signée avec le procureur et le préfet.

.. Qui fait hurler la gauche

Dans ces conditions, les réactions scandalisées de la gauche n’ont rien de surprenantes. Le maire de Trappes, dans les Yvelines, reproche par exemple à Emmanuel Macron de « mettre de l’huile sur le feu » à travers un discours « cynique ».

Invité de France 2, Ali Rabeh (Génération.s) a rappelé ce mardi que la population des quartiers était très largement composée de « familles monoparentales. » Or, « une maman qui travaille en horaires décalés chez Carrefour et qui n’est pas là au moment où son enfant sort du collège et traîne dans la rue, elle est toute seule à bosser pour essayer de remplir le frigo ». L’alerte est similaire du côté des communistes, où le secrétaire national Fabien Roussel accuse Emmanuel Macron de vouloir « ajouter de la misère à la misère. »

Problème supplémentaire pour le chef de l’État : Ses troupes, dont une large part est issue des rangs de la gauche, ne se sont pas franchement montrées allantes sur ce thème-là par le passé. Alors que Jean-Michel Blanquer - à l’Éducation nationale - « envisageait » de sanctionner les parents d’enfants violents en 2019, l’aile plus sociale de la majorité s’était fait entendre, comme rarement.

Parmi les élus réfractaires qui étaient sortis du bois à l’époque : Une certaine Yaël Braun-Pivet. « La suppression des allocations familiales, qui permettent notamment aux familles les plus fragiles de remplir leur frigo et d’habiller leurs enfants, ne servira à mon sens à rien », expliquait alors la présidente de la Commission des Lois, dans les colonnes de l’Express. Et de poursuivre : « Il me semble nécessaire de réfléchir à d’autres solutions pour responsabiliser les familles en privilégiant l’accompagnement et le suivi, tant en matière de prévention que de sanction. » Face à la montagne, Jean-Michel Blanquer avait renoncé.

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