Médine, européennes, Les Écologistes... la rentrée contrariée de Marine Tondelier
POLITIQUE - « Comment se passe la rentrée, Madame Tondelier ? » « Impecc’ ! », éclate-t-elle de rire. Auprès du HuffPost, la secrétaire nationale d’Europe Écologie - Les Verts préfère jouer l’ironie, à deux jours du lancement des Journées d’été écologistes au Havre (Seine-Maritime) du 24 au 26 août. Pour la première fois, elle les ouvre en tant que cheffe des écologistes, avec pour mission de lancer les priorités des prochains mois : l’Europe dans la perspective des élections de 2024 et la refondation du parti qu’elle souhaite depuis son élection en décembre 2022.
Mais le 31 juillet, le parti annonce la venue du rappeur du Havre Médine. Immédiatement, les critiques de la droite, de l’extrême droite et de la majorité pleuvent. Le 11 août, Médine répond à l’essayiste Rachel Khan qui le met sur le même plan qu’un « déchet ». « ResKHANpée : personne ayant été jetée par la place Hip-Hop, dérivant chez les social traîtres et bouffant au sens propre à la table de l’extrême droite », écrit-il sur Twitter.
Le tollé est immédiat. Le rappeur havrais est accusé d’antisémitisme et s’excuse une première fois sans convaincre ; Marine Tondelier condamne le tweet mais maintient l’invitation du parti. Le ministre délégué chargé de l’Industrie Roland Lescure se désiste, l’eurodéputée écologiste Karima Delli se désolidarise le 18 août avec le hashtag « Médine, Fallait pas l’inviter », les deux maires écologistes de Strasbourg et Bordeaux annulent leur venue le 21, avant que le maire du Havre Édouard Philippe décline à son tour l’invitation. Un « bad buzz » qui dure depuis trois semaines.
« On a cherché le buzz, on l’a eu, de la pire des manières possibles »
« Qu’on regrette cette polémique c’est manifeste. Ce tweet et cette polémique, on s’en serait bien passé », reconnaît Marine Tondelier. Elle assume cependant de ne pas avoir réagi « de manière binaire » par une annulation du rappeur ou sans réaction sur son tweet « choquant et condamnable ». « C’était deux options très simples, sans doute très confortables dans un cas comme dans l’autre, mais pour moi ce sont deux écueils », analyse-t-elle, promettant que les décisions ont été prises « collectivement ».
Il n’empêche. Les critiques pleuvent en interne et en public sur la gestion de l’affaire. Sandrine Rousseau estime mardi 22 août sur RMC/BFMTV que son parti « aurait pu réfléchir au fait que Médine ne vienne pas » car le tweet « change la donne ». « Maintenant, il est invité, il faut aller jusqu’au bout », poursuit-elle, jugeant qu’« il va falloir tester » Médine pour savoir s’il est réellement antisémite.
Julien Bayou, lui, comptait déjà sur LCI le 17 août sur Marine Tondelier pour « interrompre [l’échange] si la clarification n’est pas faite ». Plus explicite encore, Marie Toussaint, tête de liste des écologistes aux européennes, reconnaît une « erreur ». « Le problème, ce n’est pas Médine. C’est nous. On a cherché le buzz, on l’a eu, de la pire des manières possibles », déclare-t-elle sans détour sur le plateau de franceinfo, à la veille des Journées d’été, le 23 août.
L’Europe et l’écologie au second plan
Le débat de 45 minutes jeudi soir n’en est pas moins maintenu, au risque d’éclipser les véritables sujets écologiques, qui plus est dans un contexte où la canicule remet au premier plan la question climatique et alors que pour la période, la France n’a jamais connu d’aussi chaudes températures depuis qu’elles sont mesurées.
Le Bordelais Pierre Hurmic a ainsi publiquement déploré que son parti « se disperse dans de vaines polémiques à l’heure où l’urgence climatique nous rappelle cruellement la nécessité de solutions impérieuses ». « Notre priorité ça doit être de parler d’écologie. En l’occurrence là, nous avons été pris au piège que nous nous sommes tendus à nous-même. Il faut absolument qu’on réussisse à parler d’autre chose », abonde Marie Toussaint.
L’eurodéputée choisie début juillet par les militants pour mener la liste EELV en 2024 n’est pas connue en dehors de la galaxie écolo. Ces Journées d’été devaient marquer le début de sa mise sur orbite - « nous mettons aussi l’Europe à l’honneur pour cette édition » écrit Marine Tondelier dans le programme de l’événement. La tête de liste est attendue lors d’un atelier sur « la géopolitique du Green Deal », un « Canap’ de l’Europe » de 45 minutes et surtout son premier grand discours, initialement prévu à 20h30... soit après l’échange Tondelier/Médine. Pas vraiment le timing idéal. Finalement, le discours a été avancé à jeudi matin, en plénière d’ouverture, juste après celui de Marine Tondelier.
Une refondation qui avance « peu »
Autre dossier de rentrée sur la table : la refondation du parti engagée dès l’élection de la numéro 1 en décembre. En parallèle de changements plus profonds, EELV doit devenir « Les Écologistes ».
64 % des personnes interrogées dans le cadre d’un vote interne ont dit oui. La majorité donc, mais pas tout le monde. Parmi les mécontents, l’eurodéputée Karima Delli qui, en plein cœur de l’été, a regretté un changement « esthétique » au mauvais moment. « Je considère que c’est une erreur. Au moment où l’Europe est enfin reconnue dans toutes les têtes comme l’échelon pour modifier les choses en profondeur, on change le nom… Si on souhaite vraiment tourner la page, il ne faut pas un changement esthétique, mais politique », cingle-t-elle dans Le Figaro.
Dix jours plus tard, l’eurodéputée cosigne une tribune dans Libération pour appeler le parti à « sortir l’entre-soi » et faire entrer « des profils, des histoires, des parcours qui ne soient pas uniquement ceux de la reproduction sociale des bien nés ». « Nous en avons assez de constater dans notre parti politique le gouffre entre les belles paroles et les actes en matière de mixité, en particulier dans les origines sociales », écrivent les signataires.
Au HuffPost, David Belliard, maire adjoint de Paris à l’origine de ce texte, assure que la tribune n’a pas été construite « contre la direction » mais « contre les visions stéréotypées » à l’œuvre dans tous les partis politiques, EELV inclus. « Les choses n’avancent pas ou avancent peu. Je crois qu’elles n’avanceront que lorsque les gens concernés trouveront des espaces pour s’organiser. C’est ce que nous tentons de faire », détaille-t-il. Tondelier ne s’offusque pas. Pas plus que des critiques sur le futur nom « Les Écologistes ».
Ultime remous dans cette rentrée agitée, voilà la secrétaire nationale menacée de recours devant l’INPI pour « vol de marque » par le président des Écologistes, un « mouvement citoyen indépendant créé en 2010 pour une écologie réformiste ». Aussi lointain soit-il par rapport aux autres, il ne faudrait pas qu’il constitue un autre re-vert...
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