Mère soupçonnée d'empoisonnement: les expertises évoquent un syndrome de Münchhausen par procuration

Pendant des années, Maylis D. a fait courir les cabinets médicaux à ses deux filles. Pourtant, aucune d'entre elles ne souffrait de pathologies particulières. Comment comprendre le comportement de cette mère mise en examen pour l'empoisonnement de ses deux filles, après la mort de son aînée en 2019? C'est ce qu'ont essayé de déterminer les experts, nommés par la juge d'instruction de Mont-de-Marsan, et dont les conclusions viennent d'être apportées au dossier.

Le 13 novembre 2019, Enéa, la fille aînée de Maylis D., est hospitalisée à l'hôpital de Dax, dans les Landes, après avoir fait un malaise. Après six jours de coma, la jeune fille de 18 ans succombe. La mort d'Enéa a été causée par une ingestion massive de comprimés, du Propanolol, un bêtabloquant, normalement prescrit pour réduire la tension artérielle. Un médicament qui n'a jamais été prescrit à Enéa, contrairement à sa mère.

La piste du suicide est vite abandonnée au profit de celle de l'empoisonnement. 24 molécules différentes sont découvertes au moment de l'autopsie dans l'organisme de la jeune fille, exposée de manière prolongée. La justice soupçonne sa mère d'être à l'origine de cette absorption. Cette dernière a également été mise en examen, soupçonnée d'avoir aussi empoisonné sa cadette, dans ce huis clos familial marqué d'une emprise.

Un syndrome de Münchhausen par procuration?

Réalisée par deux experts, l'expertise psychiatrique relève trois types de troubles, a appris BFMTV.com de source proche du dossier. Un trouble histrionique - repéré chez les personnes qui exagèrent leurs émotions pour attirer l'attention -, un trouble de conversion - qui se traduit par l'apparition soudaine d'un symptôme neurologique -, et un trouble factice - qui correspond au fait de croire que l'on souffre d'une maladie qui n'existe pas. Maylis D. a déjà présenté une incapacité à pouvoir marcher, sans que celle-ci soit explicable médicalement.

Autant de troubles qui, selon les experts, à la formulation prudente, "pourraient évoquer un syndrome de Münchhausen par procuration". Une personne atteinte du syndrome de Münchhausen, un trouble très rare, simule une maladie, ou la provoque. Dans le cas de Maylis D., elle aurait projeté ce trouble sur ses deux filles, provoquant des maladies, pour exister socialement. Il s'agit, pour les experts, d'une forme de maltraitance, pour laquelle la mort ne serait pas recherchée.

"Le syndrome de Münchhausen par procuration n'est pas retenu par les experts sauf comme une hypothèse. Ils ne répondent ni par oui, ni par non", estime auprès de BFMTV.com Me Gérard Danglade, l'avocat de Maylis D.

"Les experts nous laissent face à nos hypothèses", conclut-il.

En 2018 déjà, une psychologue de l'Aide sociale à l'enfance avait déjà envisagé l'hypothèse d'un Münchhausen par procuration estimant que "le but de la mère serait de tromper les médecins, soit en induisant, soit en inventant des troubles de la santé en falsifiant des données médicales", écrivait-elle.

"Personnalité narcissique"

Des premières expertises psychologiques, établies dans le cadre de l'instruction, ont dépeint Maylis D. comme "mythomane". Elle a fait croire un temps que son mari avait été tué par les Farc, ces groupes révolutionnaires colombiens, elle a inventé une leucémie à sa fille, elle affirmait successivement être neurochirurgienne, travailler pour la Nasa ou encore qu'elle connaissait le couple Macron.

Une autre expertise psychologique, réalisée dans le cadre de l'information judiciaire et dont les conclusions ont été rendues au début de l'année, évoque une femme en "hypervigilance" dans sa "posture" et dans ses "propos", une femme à "la personnalité narcissique et égocentrique", se plaçant dans "la toute-puissance" et dotée d'une "propension à théâtraliser ses propos et ses émotions que ne se manifestent pas de façon spontanée".

"Être considérée comme une victime et reconnue comme telle est indispensable pour l'équilibre psychique de Maylis D.", écrit encore l'expert psychologue, alors que cette dernière évoque des maltraitances du père de ses deux filles.

Ce que ce dernier a toujours nié. Contacté, son avocat n'a pas donné suite. Maylis D. fait d'ailleurs passer son statut de victime avant la mort de sa fille. "Le décès de son enfant passera émotionnellement bien après dans les entretiens", écrit l'expert.

Du côté de la défense, on rappelle que Maylis D. a toujours assumé avoir donné des médicaments à sa fille mais sur prescription médicale. Pour l'avocat, l'infraction criminelle ne tient pas en l'absence du caractère intentionnel d'avoir voulu tuer sa fille.

Article original publié sur BFMTV.com