Une mère accuse l'hôpital de Montfermeil de la mort de son bébé après une mauvaise prise en charge

Photo d'illustration d'un nourrisson à la maternité - Fred dufour-AFP
Photo d'illustration d'un nourrisson à la maternité - Fred dufour-AFP

Dans deux avis, l'ARS et la CCI soulignent que l'absence de sage-femme à l'accueil de l'hôpital a empêché de diagnostiquer l'urgence de Marlène, et la situation critique dans laquelle se trouvait son bébé.

Le 12 mai 2018 Marlène, enceinte d'une petite fille, se rend à l’hôpital de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, où elle doit être prise en charge. Elle est censée accoucher le 18. Marlène donnera naissance à une fille, nommée Kylie, qui ne vivra que trois jours, et accuse depuis l'hôpital d'être responsable de la mort de sa fille. Elle a porté plainte contre l'établissement.

Son avocate, jointe par BFMTV, confirme qu'une information judiciaire a été ouverte. Mais le juge d’instruction a décidé de rendre une ordonnance de non-lieu pour cette affaire. Marlène a décidé de contester la décision de justice devant la chambre de l’instruction, son audience est prévue ce jeudi.

Des avis de l'Agence Régionale de Santé en 2018 et de la CCI en 2022 (Commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux), obtenus par BFMTV, donnent pourtant raison à Marlène et mettent en cause l'organisation de l'hôpital dans la mort du bébé.

1h15 d'attente avant d'être prise en charge

Quand elle arrive dans l'établissement le 12 mai, Marlène n’est pas placée dans une chambre mais doit attendre dans le couloir et n’accède pas tout de suite aux urgences de la maternité. À l’entrée, c'est une auxiliaire de puériculture qui fait un "tri" et dirige les patients.

Le rapport de la CCI indique que Marlène est arrivée à 11h12 aux urgences, "en raison de contractions utérines", mais qu'elle n'a été prise en charge qu'à 12h27. Le bébé est considéré comme en danger et une césarienne est rapidement pratiquée: à 12h43, Kylie nait "en état de mort apparente" et est "immédiatement" transférée en réanimation néonatale.

Elle meurt le 15 mai 2018.

Après un examen médical, il s'avère que Marlène est arrivée aux urgences avec un hématome rétro-placentaire, soit "un décollement prématuré d'un placenta", qui peut entrainer une mort périnatale.

Un délai "directement responsable" de la mort du bébé

Deux problèmes sont pointés du doigt par l'ARS et la CCI: le délai d'attente trop long à l'entrée de l'établissement et l'absence d'une sage-femme pour détecter le problème de Marlène à l'entrée et prioriser son admission.

"L'organisation actuelle de cette maternité ne prévoit pas de sage-femme d'accueil et d'orientation, ni de lieu dans lequel celle-ci pourrait exercer ses fonctions", écrit l'ARS à Marlène, "or la présence d'une telle organisation permettrait non seulement une meilleure priorisation des urgences, mais éviterait aussi des délais importants d'attente et potentiellement des pertes de chances pour les femmes suivies, comme cela a été le cas pour vous."

Les auxiliaires de puériculture ne sont pas formées "pour établir un diagnostic clinique. Or, seul celui-ci permet de déceler la présence d'un éventuel hématome rétro-placentaire", ce dont souffrait Marlène, écrit la CCI. Pour cette commission, "le délai avant l'examen clinique est beaucoup trop long et directement responsable de l'asphyxie perpartale", qui a entrainé la mort du bébé.

Elle estime, en se basant sur une expertise médicale, qu’il y a eu 90% de "perte de chances" pour le bébé. Autrement dit, si l'enfant avait été pris en charge à temps il aurait eu 90% de chances de survie. Selon elle, comme selon l'ARS, la responsabilité de l’hôpital est engagée dans le décès.

"Que cette situation ne se reproduise plus"

Dans un courrier daté de mai 2022, l'hôpital assure que "le service des urgences maternité étudie spécifiquement la situation particulière de chaque patiente" et que "le triage réalisé repose sur l'interrogatoire de la patiente et la prise en charge assurée ensuite est personnalisée selon le motif de consultation et l'examen clinique. Il n'existe par ailleurs pas de temps d'attente précis entre chaque examen."

Il est toutefois ajouté qu'une "note relative à une nouvelle organisation sur le suivi des patientes dont le terme est dépassé a été élaborée" et qu'un "travail de réorganisation a également été assuré" au sein de l'établissement afin de "désengorger les urgences obstétricales". "Je tiens à vous assurer que notre établissement s'est engagé à ce que cette situation ne se reproduise plus", est-il aussi écrit.

Dans son avis, l'ARS écrit avoir demandé à la direction de l'hôpital "de prendre les mesures correctives permettant de s'assurer de la prise en charge optimale des patientes se présentant dans le service et de prévenir la reproduction des dysfonctionnements constatés."

BFMTV a interrogé le parquet pour savoir pourquoi la responsabilité de l’hôpital n’avait pas été engagée à ce jour. Il n’a, jusque-là, pas répondu à nos sollicitations.

Article original publié sur BFMTV.com

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