L'UMP renoue avec le jeu collectif, non sans arrière-pensées

PARIS (Reuters) - La victoire éclatante de l'UMP aux élections municipales a installé un unanimisme de façade au sein d'un parti où les "présidentiables" mettent en sourdine leurs divisions en attendant l'heure des "explications". Fragilisé par une impopularité tenace et des soupçons de surfacturations qui font l'objet d'une enquête préliminaire du parquet de Paris, Jean-François Copé gagne en légitimité à la tête du "premier parti de France" après un quasi-sans-faute. Consigne a été respectée d'éviter tout triomphalisme et d'offrir l'image d'une formation au travail. Brice Hortefeux, lieutenant de Nicolas Sarkozy, a salué dimanche le "rôle essentiel" du président contesté de l'UMP. La ligne du "ni ni" (ni Front républicain, ni Front national), pourtant critiquée au sein du parti, a fait loi, les digues ont tenu face à la poussée du Front national et le vote UMP-UDI a progressé dans les quartiers populaires. Des bastions "rouges", comme Bobigny, Le Blanc-Mesnil et Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis, et Argenteuil dans le Val-d'Oise ont basculé dimanche dans l'opposition. La droite redevient le premier pouvoir local avec en perspective un renversement de majorité au Sénat en septembre. Une nouvelle étape de "la reconquête" avec pour but ultime l'élection présidentielle de 2017. OPPOSANT EN CHEF Fort du meilleur résultat de l'UMP à une élection locale depuis sa création en 2002 avec au moins 155 villes conquises, Jean-François Copé paraît donc assuré de mener à terme son mandat, jusqu'en novembre 2015, même si des rumeurs de "mise sous contrôle" voire de "putsch" refont surface. "Il peut y avoir toujours des querelles d'ambitions, c'est humain, ce qui compte, c'est surtout qu'on soit capables de les dépasser pour être réalistes sur la situation de la France", a déclaré le député-maire de Meaux sur RTL. Les nombreuses interventions médiatiques de Jean-François Copé témoignent de sa volonté d'incarner l'opposition face à François Hollande, rôle que lui disputent volontiers Alain Juppé et François Fillon à l'heure où Nicolas Sarkozy voit son nom cité dans plusieurs affaires politico-judiciaires. Le président de l'UMP a réitéré lundi sa demande d'une rencontre avec François Hollande, aux côtés des présidents des groupes UMP à l'Assemblée et au Sénat, "pour lui dire (...) quelles sont nos propositions pour sortir de l'ornière". La prochaine étape, pour le dirigeant de l'UMP, ce sont les élections européennes du 25 mai. Selon un sondage Ipsos diffusé dimanche, l'UMP se classe en tête des intentions de vote avec 24% devant le Front national (22%) et le Parti socialiste (19%). Le plan de bataille pour la campagne des européennes sera arrêté cette semaine par les responsables du parti. Jean-François Copé et François Fillon se sont rencontrés lundi après-midi pour "évoquer la question de la gouvernance de l'UMP", a précisé l'ancien Premier ministre sur France 2. Le député de Paris a plaidé pour une application pleine et entière des nouveaux statuts avec une prééminence donnée au bureau politique pour les prises de décision. Il souhaite en outre plus de "transparence dans la gestion", tout cela dans un esprit de "collégialité". "Je veux jouer collectif avec ceux qui peuvent aider à renforcer l'UMP", a assuré lui aussi sur Europe 1 Alain Juppé, dont l'aura présidentielle gagne un peu plus en éclat chaque jour. QUEL PROJET D'ALTERNANCE? "Je n'ai pas l'intention de lancer je ne sais quelle écurie", a-t-il insisté, mais une petite phrase, plus tard dans la journée à Bordeaux, a ravivé les spéculations. "Ce n'est pas moi qui choisis le Premier ministre, en tout cas pas pour l'instant", a-t-il dit alors qu'un remaniement gouvernemental s'annonçait. François Fillon, qui avait demandé que "certains s'expliquent" sur la situation de l'UMP au lendemain des municipales, a déclaré dimanche soir dans un communiqué que les responsables de l'opposition étaient désormais "collectivement mis au défi de bâtir un nouvel avenir pour la France". La guerre de positions qui s'esquisse se jouera désormais sur le projet, source potentielle de nouvelles conflagrations avant la primaire d'investiture de 2016. Jean-François Copé a relancé lundi son plaidoyer pour une "droite décomplexée", qui heurte les tenants d'une ligne plus modérée portée notamment par Alain Juppé et François Fillon. En guise de mise en garde, le maire de Bordeaux a estimé qu'"un très gros travail" restait à faire sur le positionnement idéologique du parti. Dès avant le succès du second tour, François Fillon avait adressé un message de la même eau à son ex-rival, dans Le Figaro: "Il ne faudra pas tirer d'un bon résultat la conclusion que les Français plébiscitent dès à présent le projet de l'UMP". (Avec Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)