L'UE scelle un accord clé sur la biodiversité
Le Parlement européen et les Etats membres de l'Union européenne (UE) sont parvenus jeudi à un accord sur un projet législatif clé sur la restauration de la nature et la biodiversité, qui achoppait notamment sur la question de l'agriculture.
Le texte imposera aux pays membres de mettre en oeuvre des mesures pour restaurer la nature sur au moins 20% des terres et des espaces marins de l'Union d'ici 2030, selon un communiqué du Conseil européen, qui représente les 27 Etats membres.
Des législateurs européens ont salué l'accord trouvé avant minuit au terme de plusieurs heures de discussions débutées jeudi après-midi, mais des critiques ont pointé du doigt les éléments ayant été édulcorés.
"Il s'agit de la première loi en Europe qui vise non seulement à protéger la nature, mais aussi à la restaurer, car nous savons que nous perdons chaque année un grand nombre d'espèces et d'habitats en Europe. Nous devons contrer ce phénomène, nous devons restaurer la nature", a déclaré Pascal Canfin, président de la commission sur l'environnement au Parlement européen.
La ministre espagnole pour la Transition écologique, Teresa Ribera Rodriguez, s'est, elle, dit "fière" de la loi, "la première en son genre".
"Elle nous aidera à reconstruire des niveaux sains de biodiversité et préserver la nature pour les générations futures, tout en combattant le changement climatique", s'est-elle exprimée.
La Commission européenne avait proposé le texte en 2022. La plus importante formation au Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE, droite) avait tenté de le faire abandonner, plus tôt en 2023.
- 80% des habitats dégradés -
En lien avec l'accord international Kunming-Montréal (COP15 Biodiversité), la législation imposera aux Vingt-Sept de restaurer d'ici 2030 au moins 30% des habitats abîmés, puis 60% d'ici 2040 et 90% d'ici 2050.
Pollution, urbanisation, exploitation intensive: selon Bruxelles, 80% des habitats naturels dans l'UE sont dans un état de conservation "mauvais ou médiocre" (tourbières, dunes, prairies particulièrement), et jusqu'à 70% des sols sont en mauvaise santé.
Tous les écosystèmes sont concernés par cette loi : les prairies, les forêts, les côtes, les rivières ou encore les lacs. Trois milliards d’arbres supplémentaires devront ainsi être plantés d’ici la fin de la décennie, 25 000 km de cours d’eau devront redevenir des courants libres. Les terres agricoles seront aussi mises à contribution à travers la restauration des tourbières.
Les ONG de défense de l'environnement saluent l'accord mais regrettent un affaiblissement de l'ambition climatique.
"Une question très préoccupante est cette : pause d'urgence, qui a été ajoutée et qui permettrait à la Commission de paralyser pendant un an la mise en œuvre en cas de crise de la sécurité alimentaire, ce qui n'a absolument aucun sens car la menace pour la sécurité alimentaire vient du climat et de l'effondrement de l'écosystème. Et plus nous sommes préoccupés par la sécurité alimentaire, plus la restauration de la nature devient urgente", a souligné Ariel Brunner, directeur régional de BirdLife Europe.
Pour Tatiana Nuno, haute responsable de la politique marine pour l'association environnementale Seas At Risk, l'accord "est loin de ce qui est nécessaire pour faire face à la crise de la biodiversité, mais en ce qui concerne l'océan c'est une étape cruciale vers la restauration de la précieuse vie marine qu'il abrite".
"Bien que considérablement affaiblies par le Conseil, les dispositions relatives à la pêche dans la loi constituent une tentative de mise en cohérence des politiques de l'environnement et de la pêche qui aurait dû être faite il y a bien longtemps", s'est exprimée Vera Coelho, vice-présidente adjointe de l'organisation Oceana in Europe.
Le PPE a, lui, souligné jeudi avec fierté les "améliorations notables" au texte "fortement révisé", comme la suppression de "l'obligation de renaturer 10% des terres agricoles".
Ce compromis devrait clore la bataille politique menée par le Parti populaire européen et les populistes. Depuis plusieurs mois, les chrétiens-démocrates n’ont eu de cesse de dénoncer le texte qui menacerait la sécurité alimentaire et le développement des énergies renouvelables.
La loi n’a toutefois pas fini sa route institutionnelle. Le compromis doit maintenant être approuvé par les Etats membres mais aussi par les eurodéputés ce qui pourraient entraîner un nouveau rebondissement.