Ce que l'on sait sur la secte soupçonnée d'utiliser le yoga à des fins de violences sexuelles
Le gourou d'un mouvement international de yoga controversé ainsi que 40 personnes ont été interpellés mardi en France. Elles sont soupçonnées d'avoir organisé des stages de yoga où les participantes auraient été contraintes d'avoir des relations sexuelles, notamment avec le chef du mouvement, le Misa.
• Qu'est-ce que le Misa?
Le Mouvement pour l'intégration spirituelle en absolu (Misa) a été fondé en Roumanie, en 1990, par Gregorian Bivolaru, selon le site de ce dernier. Depuis 1995, il n'est plus le directeur du mouvement mais reste "le mentor de l'école de yoga MISA, donnant des conférences, des cours théoriques, des initiations spirituelles, des camps de yoga", selon cette même source.
Renommée Atman lors de son expansion hors de Roumanie, cette école propose des activités centrées sur le "yoga ésotérique".
• Qu'est-il reproché à ce mouvement?
Les enseignements de cette école sont axés "autour de la pratique du yoga basée sur les traditions hindouistes, en particulier le tantra yoga (permettant l’éveil de la spiritualité via la sexualité)", enrichis "par l’ennéagramme, la parapsychologie et l’astrologie", a appris BFMTV d'une source judiciaire ce mardi.
L'enquête a révélé que "cet enseignement était destiné à conditionner les victimes à accepter des relations sexuelles via des techniques de manipulations mentales visant à supprimer chez les victimes toute notion de consentement dans le cadre de rapports sexuels (le consentement étant supposé être un reflet de l’ego empêchant les personnes d’atteindre un état d’éveil spirituel)", selon cette même source.
L'objectif était donc d'inciter les femmes à "accepter des relations sexuelles avec le dirigeant du groupe, et/ou à s’adonner à des pratiques pornographiques tarifées en France et à l’étranger, la logistique étant intégralement gérée par les responsables de l’organisation Atman".
"Ils ont pris des photos et des vidéos de moi toute nue" lors d'une retraite de yoga, a témoigné une victime de la secte auprès de Libération. "Il faut ensuite écrire une lettre pour dire si on veut rencontrer Grieg. Et dire non à tout cela n’est pas une option, cela vous exclut du camp. C’est arrivé à une fille venue avec moi", a-t-elle affirmé.
• Comment la justice s'est-elle saisie de ces faits?
Informée par la Ligue des droits de l'Homme de signalements d'anciens membres du mouvement, la Miviludes (Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a elle-même adressé en juillet 2022 un signalement sur cette organisation au parquet de Paris.
"Les signalements de la LDH faisaient état de plusieurs domiciles à Paris et région parisienne servant de lieux d’hébergement, appelés 'ashram' ou 'Vilutsa', à des femmes sélectionnées par Grégorian B pour recevoir son initiation après plusieurs semaines de séquestration au sein de pavillons situés en région parisienne, période pendant lesquelles les femmes étaient conditionnées à des pratiques sexuelles contraintes, avec pour objectif de subir des rapports avec le leader", selon une source judiciaire.
L’office central pour la répression des violences aux personnes, une section de la police judiciaire, chargé de l'enquête, a recueilli les plaintes de trois femmes qui déclaraient avoir été séquestrées dans un pavillon de l'organisation et contraintes à certaines pratiques sexuelles, d'après cette même source.
• Un vaste coup de filet ce mardi
Une information judiciaire a été ouverte en juillet 2023 pour "abus de faiblesse en bande organisée par membre d’une secte", "séquestration en bande organisée", "viols" et "traite des êtres humains en bande organisée".
C'est dans ce cadre que, ce mardi 28 novembre, 41 personnes, dont le leader du mouvement Gregorian Bivolaru, ont été interpellées. Les policiers ont également découvert 26 victimes logées "dans des conditions d’exiguïté et d’hygiène déplorables", selon la source proche de l'enquête.
• D'autres affaires en Europe
Ce n'est pas la première fois que cette organisation se retrouve soupçonnée de tels faits. En Italie, la police florentine a lancé en 2012 une enquête pour des soupçons de pratiques sexuelles imposées dans un contexte de sujétion psychologique au sein du Misa, sans qu'elle n'entraîne de condamnations pour l'instant. En Roumanie, Gregorian Bivolaru a été condamné en 2013 pour "rapports sexuels avec une mineure", avant de fuir le pays.
Le chef du mouvement a fait aussi l'objet d'une notice rouge d'Interpol, sur la demande de la Finlande, pour "traite des êtres humains aggravée" et "abus sexuel". Cela signifie que la Finlande demande aux services chargés de l’application à travers le monde de localiser Gregorian Bivolaru et de procéder à son arrestation provisoire dans l’attente de son extradition.