Loi de programmation militaire : Cette décision de l’Assemblée est un camouflet inédit pour ce gouvernement

Jugée « insincère », l’étude d’impact du texte budgétaire visant à financer nos armées devra être examinée par le Conseil constitutionnel avant de revenir à l’Assemblée.

POLITIQUE - C’est l’histoire d’un potentiel revers à 413 milliards d’euros. Ce mardi 11 avril, l’Assemblée nationale a retoqué l’examen de la Loi de programmation militaire, jugeant que son étude d’impact commandée par le gouvernement était insuffisante. Résultat : le texte n’a pas été mis à l’ordre du jour.

« La Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale, saisie à la demande du Président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, a constaté — fait rare — une méconnaissance des conditions de présentation fixée par la loi organique relative à l’application de l’article 39 de la Constitution au sujet de la loi de programmation militaire 2024-2030 », indique dans un communiqué le groupe LR à l’Assemblée nationale, précisant que le chef de file des élus de droite au Palais Bourbon avait « dénoncé dans un courrier la faiblesse de l’étude d’impact » de ce texte budgétaire.

« Dans à peine 7 pages sur les 376 que compte l’étude d’impact rien n’est mentionné sur les programmes industriels menés en coopération, ni sur la composition des 13 milliards d’euros de recettes non fiscales prévues par la LPM, ou les conséquences de l’inflation », déplore encore le groupe LR, qui précise plus loin que ces réserves sont partagées par l’ensemble des groupes d’opposition.

« En vertu de l’article 47-1 du règlement de l’Assemblée nationale, en cas de désaccord entre la Conférence des Présidents et le Gouvernement, la Présidente de l’Assemblée nationale peut saisir le Conseil constitutionnel qui dispose de huit jours pour se prononcer. L’inscription du projet de loi à l’ordre du jour est suspendue jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel », détaille le groupe de droite. En application de l’article 39 de la Constitution, il revient effectivement à la présidente de l’Assemblée ou à la Première ministre de saisir les Sages.

« C’est une première »

Ce n’est « pas la peine de faire un texte de grande ambition financière et d’être aussi peu précis sur les moyens alloués », a insisté devant la presse Olivier Marleix, qui a demandé solennellement à Yaël Braun-Pivet de saisir le Conseil constitutionnel au sujet de cette étude « insincère ».

De l’avis de nombreux observateurs de la vie législative, cette issue est rarissime, voire inédite. « C’est une première : la fois précédente, c’était au Sénat, qui ne soutenait pas le Gouvernement », assure sur Twitter le Constitutionnaliste Jean-Philippe Dérosier, en référence à un précédent datant de 2014 sur le redécoupage des régions.

Thibaud Mulier, constitutionnaliste et enseignant à l’université Paris Nanterre, énumère quant à lui les nombreuses difficultés déjà éprouvées par cette LPM, comme la « rédaction ’rapide’ de la Revue nationale stratégique post-agression » en Ukraine, les critiques du Haut conseil des finances publiques sur son financement ou l’échec de son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale intervenu ce jour. « À ce rythme, c’est cette LPM qui bénéficiera du seul 49.3 disponible », ironise le spécialiste.

« C’est assurément une première dans ce mandat », assure au HuffPost une source au sein du groupe LR, précisant que la droite du Palais Bourbon avait déjà tenté le coup en 2014 sur les retraites, mais sans succès. Membre de la Commission de la défense nationale et des forces armées, le député insoumis Bastien Lachaud salue auprès du HuffPost la décision « historique » de la Conférence des présidents et estime que cette issue n’est pas une surprise.

« Le Conseil d’État avait déjà émis des réserves sur cette étude d’impact, invitant le gouvernement à préciser plusieurs points », observe-t-il. « C’est ce qu’on répète depuis le début, le gouvernement veut aller trop vite avec cette LPM. Résultat le texte est mal fait », enfonce celui qui est en charge des questions de défense pour la France insoumise.

Si la balle est désormais dans le camp de Yaël Braun-Pivet, difficile d’imaginer qu’elle ne réponde pas favorablement à la demande d’Olivier Marleix, dans la mesure où l’exécutif compte sur les voix de droite pour voter cette LPM. « Il y aura bien une saisine, vraisemblablement par la Première ministre », confirme au HuffPost l’entourage de la Présidente de l’Assemblée nationale.

Cet examen des Sages n’est pas une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron, qui souhaitait voir le texte adopté avant le 14 juillet. « Si le Conseil constitutionnel trouve qu’il n’y a rien à redire, ça reste jouable. Mais s’il retoque à son tour l’étude d’impact, c’est tout le calendrier qui saute », prévient Bastien Lachaud. Le camouflet serait alors intégral. Et inédit.

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