Loi immigration : les premières pistes de l’accord qui se dessine (à droite) avant la commission mixte paritaire

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin au Sénat le 14 novembe, avant l’adoption du projet de loi immigration.
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP via Getty Images Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin au Sénat le 14 novembe, avant l’adoption du projet de loi immigration.

IMMIGRATION - « À ce stade, on ne peut pas parler d’accord, mais nous avançons. » Alors qu’une commission mixte paritaire réunissant sept députés et sept sénateurs doit décider, ce lundi 18 décembre au soir, du sort du projet de loi immigration, des points de compromis semblent déjà se dessiner, comme l’a déclaré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur LCI. Et d’ajouter dans la foulée : « Nous sommes plus proche d’un accord que d’un désaccord. »

Il faut dire que depuis mercredi et l’annonce du recours à la « CMP », les négociations entre la droite et le gouvernement vont bon train.

Et si le chef de file des Républicains Éric Ciotti avait lui aussi annoncé, au sortir d’une troisième réunion dimanche soir qu’aucun accord n’avait pour l’heure été trouvé, pendant que le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau ajoutait que la dernière version du texte, transmise dans la nuit, n’était « pas complètement satisfaisante », voici les différentes pistes qui pourraient permettre de parvenir à un compromis en fin de journée ce lundi.

• L’Aide médicale d’État (AME)

Le texte du Sénat, le seul qui a été voté par une chambre du Parlement, prévoyait de transformer cette AME, une aide qui permet aux étrangers en situation irrégulière d’avoir accès à une offre de soins, en Aide médicale d’urgence (AMU).

Plusieurs ministres, à l’unisson du monde médical, ont dès le départ manifesté une très forte opposition à cette réforme, et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, c’est-à-dire d’une mesure sans rapport direct avec le texte et pouvant à ce titre être censurée par le Conseil constitutionnel.

De fait, après plusieurs jours de discussions, la droite et le gouvernement semblent s’être accordés sur le fait de sortir ce sujet du texte, à condition que le gouvernement présente rapidement un projet de loi distinct sur la question. « Je crois que c’est l’accord dans lequel on est, un texte immigration sans l’AME » mais « qui sera discutée à partir du mois de janvier », a notamment expliqué Gérald Darmanin, chargé par Emmanuel Macron de porter le texte sur l’immigration, sur BFMTV ce dimanche.

Sur LCI lundi 18 décembre, le ministre de l’Intérieur a affirmé qu’un texte à part sur l’AME serait présenté « au premier trimestre prochain, avant le mois de mars ».

• Régularisation des sans-papiers

Une disposition phare du texte, et l’une des plus controversée, prévoit la régularisation de certains travailleurs sans-papiers dans les métiers dits en tension. La version sortie du Sénat laisse aux préfets leur pouvoir « discrétionnaire » sur le sujet.

« Nous sommes attachés à cet article, il n’y a aucune raison qu’on le modifie », a déclaré le président du groupe Union centriste au Sénat Hervé Marseille. Mais le gouvernement aurait accepté de lâcher du lest, même si le diable se cachera dans le détail. « On essaye de négocier que ce soit automatique en cas de non-réponse du préfet : il ne faut pas emboliser les préfectures », a glissé à l’AFP une source parlementaire Renaissance.

Le ministre de l’Intérieur a également laissé entendre dimanche que le blanc-seing de l’employeur pourrait ne plus être rendu nécessaire pour que les sans-papiers fassent leur demande. Le préfet « pourra régulariser notamment des personnes qui veulent être régularisées, mais dont l’employeur se refuse à accorder la régularisation », a-t-il dit.

Le président de LR, Éric Ciotti, dit pour sa part attendre du gouvernement une « rédaction nouvelle » de l’article qui garantisse le fait qu’elle n’ouvre « aucun droit juridique pour les personnes qui en feraient la demande ».

• Déchéance de nationalité et fin de l’automaticité du droit du sol

Le gouvernement aurait donné son accord pour inscrire une mesure de déchéance de nationalité, vieux serpent de mer depuis notamment la vague d’attentats islamistes de 2015, pour les binationaux auteurs de crimes contre les forces de l’ordre. « Ça ne me gêne pas », a affirmé le président du MoDem François Bayrou.

L’exécutif serait par ailleurs ouvert à une mesure exigeant des jeunes nés en France de parents étrangers qu’ils manifestent leur volonté d’acquérir la nationalité française pour l’obtenir. Et Éric Ciotti a affirmé avoir obtenu des gages concernant « l’exonération de l’application du droit du sol pour les mineurs qui ont commis un crime ».

Le gouvernement aurait par ailleurs accepté de supprimer l’article 4 sur le droit au travail de certains demandeurs d’asile, et donné son accord au rétablissement du délit de séjour irrégulier, toujours selon le député des Alpes-Maritimes.

• Mineurs en centre de rétention, hébergement d’urgence

Selon des sources concordantes, la droite aurait donné son accord à l’interdiction de l’enfermement des mineurs dans les centres de rétention administratifs (CRA).

Elle aurait également accepté de maintenir le droit à un hébergement d’urgence pour les personnes faisant l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF).

• Allocations

Une mesure continue d’alimenter de vifs débats : la question des prestations sociales versées aux étrangers en situation régulière. Le texte du Sénat prévoit de leur imposer cinq ans de résidence pour pouvoir bénéficier d’allocations comme l’aide personnalisée au logement (APL) ou les allocations familiales.

« On n’est pas favorable à cet article, après il faut faire un pas », a affirmé Gérald Darmanin à ce sujet, évoquant des discussions sur la durée de résidence requise, l’exclusion éventuelle des handicapés, un régime différent pour « ceux qui travaillent » et « ceux qui ne travaillent pas ». « C’est un principe qui a été acté : cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas », assure Éric Ciotti.

« La question des allocations familiales pour les étrangers est sur la table », a confirmé la ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé, dimanche sur France 3. Au même moment, sur BFMTV, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet disait quasiment la même chose : « Si nous devions aller dans cette direction, ça me coûterait probablement. Mais moi, je suis partisane du compromis. »

Autre mesure, contestée par le MoDem : la mise en place d’une « caution » pour les étudiants étrangers. « On discute d’une rédaction », selon Éric Ciotti.

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