Loi immigration : Pourquoi Emmanuel Macron décide de faire tapis et de miser sur le Parlement

Macron fait tapis sur la loi immigration et mise tout sur le Parlement
CHRISTOPHE ENA / AFP Macron fait tapis sur la loi immigration et mise tout sur le Parlement

POLITIQUE - Aura-t-il un cadeau sous le sapin ? En recevant les huiles de la majorité et les ténors de son gouvernement mardi 12 décembre au soir à l’Élysée, Emmanuel Macron a donné ses préceptes pour la suite de la loi immigration après la claque subie par son camp à l’Assemblée nationale.

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Pas le temps d’attendre. Selon les confidences de plusieurs participants à ce conciliabule dans la presse, le président de la République a insisté sur sa volonté de sortir rapidement de l’ornière en fixant comme objectif l’adoption du texte avant Noël. Le tout, sans 49.3 ni dissolution.

Dans son sillage, le président macroniste de la Commission des Lois de l’Assemblée, Sacha Houlié, a confirmé mercredi matin à l’AFP que la Commission mixte paritaire - l’organe qui tient désormais la réforme entre ses mains - se réunirait lundi à 17 heures. Plusieurs voix, chez les centristes du Sénat ou chez les alliés du MoDem, prônaient au contraire un moment de temporisation. Ce n’est pas l’option choisie par Emmanuel Macron dont le cap semble clair : On fonce. Ça passe, ou ça casse.

Macron mise tout sur le Parlement…

Avec ces différentes déclarations, opportunément dévoilées par certains participants à la presse, le locataire de l’Élysée fait tapis : il remet le sort entier de son texte, discuté depuis plus d’un an et défendu comme la deuxième réforme d’importance de son second quinquennat, entre les mains des parlementaires.

De 14 d’entre eux, 7 députés et 7 sénateurs réunis en CMP, pour commencer. Selon le récit de plusieurs participants, le président espère un compromis au sein de cette Commission… Mais rien n’est gagné. La composition de ce cénacle se fait en fonction du rapport de force dans les deux chambres. Par conséquent, aucune formation politique n’a la majorité, même avec ses alliés. Or, si la fumée est noire et que les 14 parlementaires restent en désaccord, Emmanuel Macron pourrait, selon des échos de presse, retirer son texte. Un potentiel échec retentissant pour le chef de l’État, bien qu’il puisse aussi jouer la partie du retour du texte à l’Assemblée et au Sénat en cas d’issue défavorable en CMP.

Si elle sort blanche, et que la CMP est dite conclusive, la loi immigration devra encore être validée par un vote au Palais Bourbon et au Palais du Luxembourg. Problème pour l’exécutif, plusieurs signes indiquent que les débats en commission mixte paritaire déboucheront sur un texte plus proche de la version du Sénat - qui servira de base aux discussions - que de la mouture du gouvernement.

« Il faudra que les LR soient raisonnables en retirant les articles inconstitutionnels, résumait le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin dans les colonnes de La Voix du Nord, mardi soir, mais Il faudra aussi que la majorité fasse un pas et accepte en partie ce qu’elle refusait hier. » Un accord avec le parti d’Éric Ciotti semble plus nécessaire que jamais pour passer les prochaines étapes. Il sera à nouveau reçu à Matignon par Élisabeth Borne jeudi qui multiplie les contacts avec les parlementaires pouvant faire pencher la balance.

... Et se prive du joker 49.3

Avec un risque majeur : décrocher cette fois-ci l’aile gauche du camp présidentiel, déjà échaudée par les ajouts de mesures marquées à droite et propices à dénaturer une copie initiale censée s’appuyer sur deux jambes. Répressive, certes, mais également sociale comme le répètent à l’envi les ténors du camp présidentiel depuis plus d’un an.

La pilule serait donc difficile à avaler si la réforme finale accorde trop de concessions aux Républicains sur la régularisation facilitée de travailleurs dans les métiers en tension, par exemple, le point qui cristallise l’opposition des troupes d’Éric Ciotti et Bruno Retailleau. Insoluble, si chacun campe sur ses positions.

D’autant que pour cette course à marche forcée, Emmanuel Macron semble s’être engagé lors de ce dîner sur deux points cruciaux. Quelle que soit l’issue des débats, il ne procéderait pas à la dissolution de l’Assemblée nationale, une hypothèse dans de nombreuses têtes depuis le camouflet de la motion de rejet, et s’opposerait à l’usage de l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer le texte sans vote. Le joker habituel du gouvernement afin de surmonter les blocages.

« Du temps, j’en ai déjà donné », a lancé le président de la République, mardi soir, selon le récit du Monde, à ceux qui l’appelaient à ne pas se précipiter. Une petite phrase qui reflète l’envie du chef de l’État de passer à autre chose. De mettre enfin le texte immigration derrière lui. Et de dégager le terrain pour son « rendez-vous avec la nation », et la suite de son quinquennat. Avec ou sans cadeau sous le sapin.

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