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Loi bioéthique : l’accès à l'identité des donneurs "aura un impact" sur les dons de sperme et ovocytes

L'accès aux origines est l'un des volets du projet de loi bioéthique. Il pourrait bien avoir un impact sur les donneurs de gamètes.
L'accès aux origines est l'un des volets du projet de loi bioéthique. Il pourrait bien avoir un impact sur les donneurs de gamètes.

Le projet de loi bioéthique est actuellement étudié en commission spéciale à l’Assemblée nationale. Parmi les mesures prévues, l’accès aux origines pour les enfants issus d’une PMA par donneur risque d’avoir une influence auprès des donneurs.

La loi bioéthique peut-elle faire baisser le nombre de dons de sperme, d’ovocytes et d’embryons ? Depuis le lundi 9 septembre, l’Assemblée nationale étudie en commission spéciale ce projet de loi, préalablement passé par le Conseil des ministres. Un chantier de rentrée qui promet d’être houleux. Si l’extension de la PMA à toutes les femmes concentre l’attention, la loi prévoit également la levée partielle de l’anonymat pour les donneurs de gamètes.

Si elle est votée, cette loi permettra aux enfants issus d’une PMA par donneur de demander des informations non-identifiables sur le donneur (âge, état de santé, pays de naissance, situation familiale, motivation du don…) et même son identité. Pour autant, il n’y aura ni filiation, ni lien juridique, ni aucune obligation. Les donneurs de gamètes devront donc accepter que leur identité puisse un jour être dévoilée à l’enfant issu de leur don à sa majorité, si ce dernier le souhaite.

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Des candidats freinés...

Ce droit d’accès aux origines pourrait bien avoir des conséquences sur les donneurs. C’est d’ailleurs ce dont est persuadée la professeure Nathalie Rives, présidente de la fédération des Cecos (Centres d’études et de conservation des oeufs et du sperme). “Ça aura un impact bien sûr, qui sera sans doute différent sur les donneurs de sperme, d’ovocytes ou d’embryons”, estime celle qui est aussi cheffe de service du laboratoire de biologie de la reproduction de Rouen.

Selon elle, parmi les candidats actuels, seuls 26 à 30% ont déclaré qu’ils accepteraient de donner si la loi entrait en application. “C’est ce qu’ils indiquent maintenant, mais c’est une chose de le dire et une autre de le faire”, nuance la spécialiste.

...mais des nouveaux profils potentiels

Mais pour la professeure, il est possible que la future loi permette de recruter de nouveaux candidats. C’est également l’opinion de Pauline Pachot, porte-parole de l’association Pmanonyme, qui défend la reconnaissance du droit d’accès aux origines. “Les profils de donneurs vont se modifier. Ils ne donneront pas pour les mêmes raisons”. Elle pense même que les dons augmenteront à terme, en s’appuyant sur ce qu’il s’est passé à l’étranger. En Suède, après le passage de la loi pour l’accès aux origines en 1984, les dons ont d’abord baissé avant de repartir à la hausse. Un schéma similaire s’est vu en Grande-Bretagne.

Alain Tréboul a été donneur de sperme en 1974 et il est favorable à cette loi. “Je trouve ça normal que les candidats soient obligés d’accepter que leur identité soit dévoilée si les enfants issus de leur don le souhaitent”. Pour autant, il n’est pas sûr que lui-même aurait donné dans ces conditions. De son propre aveu, il lui a fallu des années pour réaliser que ces dons avaient “peut-être créé des hommes et des femmes qui s’interrogent peut-être sur leur histoire”. Mais il estime tout de même que les donneurs viendront plus nombreux.

De son côté, la professeure Nathalie Rives relativise cet optimisme : “je défi quiconque de prédire ce qu’il va se passer après l’application de cette loi”. “Ça va prendre un peu de temps, il faudra peut-être deux ou trois ans pour gérer la transition vers le nouveau système”, envisage la spécialiste.

Une communication nécessaire

De l’avis de la présidente de la fédération des Cecos, comme de celui de Pauline Pachot, il faut surtout que cette nouvelle loi passe par une meilleure communication. “Les actions d’accompagnement sont nécessaires car la population est mal informée. (...) Il faut que les gens soient sensibilisés sur le sujet”, souhaite Nathalie Rives.

Quant à Pauline Pachot, elle voudrait que le don de gamètes soit plus valorisé. “Pour le moment, les gens n’ont pas envie d’en savoir plus”, regrette-t-elle. La porte-parole de l’association Pmanonyme estime d’ailleurs que l’absence d’accès aux origines n’y est pas pour rien. “Le fait que ce soit anonyme jusqu’au bout, ça crée une sorte de peur. On se demande qui sont ces gens qui donnent, puisqu’ils sont totalement cachés”.

Que faire des dons déjà effectués ?

Si les futurs candidats devront s’adapter, les dons déjà faits posent question. Faut-il tous les détruire ou tenter de convaincre les donneurs d’accepter, après coup, de dévoiler leur identité ? Rien de tout ça, pour Nathalie Rives. “Tant que la loi n’est pas votée et mise en place, on continue d’utiliser les donneurs actuels”, nous explique la présidente de la fédération des Cecos, “on ne va pas détruire toutes les paillettes dès maintenant”. Elle conseille donc aux couples qui souhaitent que leurs enfants puissent avoir accès à leurs origines d’attendre que la loi soit bel et bien entrée en vigueur.

Quant aux dons déjà effectués mais qui n’ont pas encore tous été distribués, pas question pour Nathalie Rives de s’en servir à nouveau lorsque la loi sera votée. D’abord, pour des raisons purement pratiques : les gamètes d’un même donneur peuvent servir au maximum à concevoir 10 enfants. Mais ce processus peut prendre plusieurs années. Pas sûr donc, que les coordonnées transmises au moment du don soient encore valables - il est même possible que certains donneurs soient depuis décédés.

Un autre problème se présente : celui de la loi et surtout de la confiance. “Les donneurs ont des devoirs, mais ils ont aussi des droits. Si on les recontacte maintenant, on ne respecte pas le consentement établi avec eux au moment du don, qui garantissait leur anonymat total”, pointe du doigt la chef de service du laboratoire de biologie de la reproduction de Rouen. En parallèle, “les garanties établies avec les couples receveurs ne seraient pas respectées non plus”. Et de conclure : “la loi n’est pas rétroactive”.

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