LIVRE. Un hymne à l’ours blanc, au-delà du symbole

Après avoir sillonné l’Arctique et sa banquise depuis des décennies, le naturaliste et réalisateur Rémy Marion veut faire partager la vraie vie de l’ours polaire, mué aujourd’hui en totem du réchauffement climatique, ainsi que l’histoire des humains qui le côtoient depuis des millénaires. "L’ours polaire. Vagabond des glaces", d’une richesse unique, veut aller au-delà du mythe et des documentaires façon Disney, l’ouvrage évoquant aussi bien les chasseurs Inuit que le sculpteur François Pompon ou encore les difficiles recherches menées sur le terrain pour évaluer la population d’Ursus maritimus dans le Grand Nord, de la mer de Barents à celle des Tchouktches en passant par la baie d’Hudson. Captivant.

C’est un passionné qui écrit, après plus de trente ans à rouler sa bosse à travers la planète, avec un tropisme marqué pour les pôles. Pas étonnant qu’il ait pu observer de très près le sujet de sa passion, ce "vagabond des glaces" qui vit dans le grand Nord, plus connu du monde tempéré sous le nom d’"Ours polaire" auquel Rémy Marion consacre son livre éponyme (Mondes sauvages, éd. Actes Sud).

C’est aussi un homme en colère contre l’image véhiculée de cette "icône usée", titre de la conclusion de l’ouvrage. Et de juger en effet qu’Ursus maritimus, comme le nomma Linné, "n’est pas utilisé pour montrer le réchauffement [climatique, mais qu]’il est mis en avant au contraire pour faire diversion, c’est un leurre". Pour le naturaliste et réalisateur, en effet, malgré toutes les COP et autres grandes réunions internationales, "rien n’avance à grande échelle", image ou pas de l’ours blanc (plutôt couleur beurre !) déambulant en Arctique comme "nouveau totem d’un monde qui a déjà perdu 60% de sa faune sauvage". Et d’exécrer la sorte d’"hystérie collective" qui fait se multiplier son image "sur les couvertures de magazines, canettes de soda ou publicités de voyages".

Comme un danseur de jazz ou de hip hop

Son ouvrage, d’une grande richesse, entend, à l’inverse, dévoiler ce mammifère carnivore et plantigrade sous toutes ses coutures : sujet d’une longue histoire d’évolution, de rapports singuliers avec les humains et menant une vie étonnante, oursons compris, parfois par – 45°C. C’est ce qui rend les 320 pages captivantes, alternant entre érudition mise à la portée du lecteur le moins averti et témoignages directs de l’homme qui a vu l’ours ! Vu mais jamais chassé, précise-t-il, cet animal "élégant dans son allure, sa démarche et son port de tête. [Qui] bouge comme un danseur, pas un danseur classique, mais un danseur de jazz ou de hip hop, avec puissance et sobriété".

Une chasse qui "n’avait rien d’anodin chez les ‘’derniers rois de Thulé’’, comme le raconte Jean Malaurie", [...]

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