Rome s'en tient à son budget mais gardera un oeil sur la dette

par Gavin Jones et Giselda Vagnoni

ROME (Reuters) - L'Italie a déclaré lundi à la Commission européenne qu'elle ne modifierait pas son projet de budget, très critiqué par Bruxelles, mais a promis d'intervenir si le gouvernement ne parvient pas à atteindre ses objectifs en matière d'endettement et de déficits.

Dans une lettre à la Commission publiée sur le site internet du Trésor, le ministre italien de l'Economie Giovanni Tria reconnaît que le budget pour 2019, avec un déficit de 2,4% du PIB, un ratio trois fois supérieur à celui que visait le précédent gouvernement, n'est pas conforme au Pacte européen de stabilité et de croissance.

Le gouvernement, ajoute-t-il cependant, a dû prendre "des décisions difficiles mais nécessaires" pour tenter de relancer la croissance économique, à la lumière notamment de "la situation dans laquelle se trouvent les citoyens les plus désavantagés".

Il précise que Rome ne compte pas augmenter encore le déficit budgétaire sur la période 2020-2021.

Le co-vice-président du Conseil Matteo Salvini, chef de la Ligue, a affirmé que le gouvernement italien répondait "poliment" à la Commission mais que les éléments clés du projet de budget ne changeraient pas.

L'autre co-vice-président du Conseil, Luigi Di Maio, dirigeant du Mouvement 5 Etoiles (M5S), a souligné que Rome était disposé à discuter de ses objectifs budgétaires avec les autorités européennes. Lui aussi a réaffirmé que la coalition au pouvoir n'avait aucune intention de quitter l'euro.

DÉCISION DE LA COMMISSION MARDI

La Commission européenne a remis jeudi dernier une lettre à Giovanni Tria, soulignant que le projet de budget qui lui avait été soumis en début de semaine dernière enfreignait de manière particulièrement grave les règles budgétaires de l'UE.

C'est une étape vers un possible rejet du budget italien par Bruxelles, ce qui serait une première dans l'histoire de l'Union.

L'exécutif européen a annoncé qu'il prendrait mardi une décision concernant les prochaines étapes du processus d'évaluation de projet de budget italien.

Soulignant la tension actuelle, le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a invité lundi l'Italie à faire preuve de "prudence" à propos de sa dette, et le chancelier autrichien Sebastian Kurz, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, a appelé la Commission à rejeter le projet italien s'il reste en l'état.

Le président du Conseil italien Giuseppe Conte a jugé "imprudents" les propos de Sebastian Kurz et a répété que son pays voulait avoir un "dialogue constructif" avec Bruxelles.

Lors d'une conférence de presse, il a défendu le projet de budget 2019 en faisant valoir que l'échec des précédents efforts pour stimuler l'économie rendait nécessaire une nouvelle approche.

"PAS D'ITALEXIT"

Giuseppe Conte a prédit un "décollage" de la croissance une fois mises en oeuvre les réformes promises par son gouvernement.

Il a assuré que l'objectif d'un déficit budgétaire de 2,4% en 2019 était un "plafond maximal" qui ne serait pas franchi et a écarté toute idée d'un "Italexit", une sortie de l'Italie de la zone euro ou de l'Union européenne.

Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, a déclaré de son côté que l'exécutif européen ne souhaitait pas de crise autour du projet de budget de l'Italie mais qu'il avait toujours des questions à ce sujet.

L'agence de notation financière Moody's a annoncé vendredi avoir abaissé la note souveraine de l'Italie pour la ramener un échelon seulement au-dessus de la catégorie spéculative ("junk") tout en lui attribuant une perspective stable, un élément qui écarte à court terme le risque d'une dégradation supplémentaire.

Les dernières nouvelles dans le dossier italien favorisent la baisse des rendements des obligations d'Etat italiennes la plus marquée depuis juin: le 10 ans recule de 16 points de base à 3,421% après avoir atteint vendredi 3,783%, un plus haut de plus de quatre ans et demi.

Le rendement des emprunts à deux ans retombe à 1,41%, un plus bas de deux semaines, et le cinq ans recule de 28 points de base à 2,718%.

Les banques italiennes se reprennent après plusieurs semaines de baisse mais ont réduit leurs gains depuis le début de journée.

(Avec Giulia Segreti et Giuseppe Fonte; Myriam Rivet, Juliette Rouillon, Véronique Tison et Guy Kerivel pour le service français)