Ligue 2: le renouveau inattendu d’Angers, peut-être en Ligue 1 ce vendredi soir

D'une saison en enfer à la rédemption, le football peut parfois aller très vite. Si on avait dit au mois d'août à Abdoulaye Bamba que le SCO allait jouer sa remontée en Ligue 1 à la dernière journée du championnat…

"Non il faut être honnête, je n'y aurais pas cru", avoue le défenseur central angevin.

Au club depuis 2017, Bamba est avec le capitaine Pierrick Capelle (au club depuis 2015) l'Angevin le plus ancien de l'effectif et ne sait donc que trop bien combien la chute du club l'an dernier a été violente.

De l'enfer au paradis

Se remémorer la saison dernière a de quoi donner le tournis. Avec 13 défaites de suite, les Angevins avaient notamment battu le record de la pire série de défaites de suite dans l'histoire du championnat. Un championnat finalement conclu à la 20e place avec 20 pts en 38 journées, laissant de peu le bonnet d'âne au RC Lens et ses 17pts en 1988-1989.

Mais peut-être plus que les résultats sur le terrain, c'est l'ambiance délétère en coulisses qui avait souvent mis le SCO Angers sur le devant de la scène, entre rumeur de vente du club à un fonds d'investissement américain qui capote, licenciement pour faute grave de Gérald Baticle, remplacé par le directeur du centre de formation Abdel Bouhazama, qui ne restera que quelques semaines après des propos polémiques laissant l'intérim à Alexandre Dujeux, toujours en poste.

Fin mars 2023 également, le propriétaire Saïd Chabane, sur lequel plane alors encore son procès pour agressions sexuelles aggravées, démissionne et laisse la présidence à son fils Romain. Chabane sera mis en examen quelques jours plus tard pour blanchiment d'argent et exercice illégale de la profession d'agent.

"Jouer les premiers rôles après un tel traumatisme, c'est très beau"

À la fin de la saison 2022-2023, à Angers, on ne parle donc plus vraiment de foot. C'est pourtant dans les dernières semaines de cette saison catastrophique qu'aurait débuté le renouveau veut croire Alexandre Dujeux, l'entraîneur angevin. "J'ai pris l'équipe à 12 matchs de la fin. On était déjà condamné mais le groupe avait fait mieux sur la fin de saison et notamment dans l'état d'esprit", se rappelle t-il.

Pour Dujeux, les souffrances de l'an dernier se sont transformées en forces. "Aujourd'hui, 80% des joueurs sont encore là. Alors oui, cette année, on partait dans l'inconnu mais on avait déjà construit des choix et travaillé le mental car l'année dernière a été une saison cataclysmique. C'était vraiment très dur. Les joueurs ont vécu un traumatisme mais c'est un groupe qui est fort dans la résilience. Pouvoir jouer les premiers rôles après ça, c'est très beau. Ils ont dû faire preuve de caractère pour faire la saison qu'on vit aujourd'hui. Maintenant, on a envie d'aller au bout".

Comment expliquer ce rebond dans le jeu et les résultats que peu d'observateurs imaginaient? "Le discours du début de saison était clairement de jouer le maintien", rappelle Abdoulaye Bamba. “Mais on a su créer de suite une osmose entre nous, créer des liens forts et travailler.” Le tout dans une ambiance apaisée, "à l'image du coach toujours très serein".

Alexandre Dujeux liste les moments clés de la saison, avec "d'abord la préparation qui s'est très bien passée. Même si on n'a quasiment pas gagné en amical, je sentais qu'il se passait quelque chose. Il y a la victoire à Dunkerque à la dernière minute pour enfin se lancer (4e journée après une défaite et deux nuls) et puis le match à Concarneau où on est mené 2-0 à la mi-temps (30e journée le 30 mars). On fait des ajustements payants qui portent encore leurs fruits aujourd'hui (le SCO gagnera finalement 4-2). Cette saison, c'est une succession de mini-événements qui ont fait que dans les moments de souffrance, on est reparti. C'est une des fiertés que j'ai avec ce groupe.”.

L'ombre toujours pesante de Saïd Chabane tend l'ambiance

Dans les deux premiers du classement 22 journées sur 37, "ce ne serait pas volé si on allait en Ligue 1 car on a vraiment montré de belles choses", affirme Abdoulaye Bamba. Le SCO a résisté au retour canon de Saint-Étienne, notamment. Il reste aux Angevins un ultime effort. Battre Dunkerque dans un stade Raymond Kopa (ce vendredi soir à 20h45) qui sera bien sûr à guichets fermés, avec plus de 16.000 supporteurs qui sont invités à encourager bruyamment leurs joueurs dès l'arrivée du bus au stade. Tous espèrent revivre la soirée du 22 mai 2015, lorsque le SCO de Stéphane Moulin battait facilement Nîmes 3-0 pour retrouver la Ligue 1. Il y avait eu envahissement de terrain, une clameur partout en ville où un écran géant avait été dressé et une parade le lendemain dans les rues avec réception à l'hôtel de ville.

Seulement, cette fois, la fête s'annonce moins flamboyante. Déjà car il y a 9 ans, le SCO retrouvait la Ligue 1 après 21 ans d'attente. Une remontée immédiate amène évidemment moins de passion. Mais un autre élément explique cet engouement moindre et il se nomme Saïd Chabane. Si sur le terrain, le SCO a retrouvé son honneur et ses lettres de noblesse, l'ombre de son propriétaire plane toujours au-dessus du club et tend l'ambiance. S'il n'est officiellement plus président depuis 14 mois, Chabane reste sans contestation l'unique homme fort de son club. S'il ne parle plus officiellement dans les médias, il valide les grandes décisions et est présent toutes les semaines au centre d'entraînement, tandis que Teddy Kefalas, le président délégué arrivé en mars 2023 après la démission de Chabane, s'est montré de plus en plus discret au fil des mois.

La présence de Chabane est un sujet d'autant plus sensible depuis sa condamnation à deux ans de prison pour agressions sexuelles aggravées en mars dernier. Chabane a fait appel de cette décision mais à la suite du jugement, la mairie d'Angers a réagi publiquement demandant "une mise en retrait effective de la vie du club" de l'encombrant propriétaire. Si le SCO venait à valider sa montée en Ligue 1, pas question pour la municipalité de célébrer au côté du propriétaire. Il n'y aurait aucune réception à la mairie. Et dans la ville, ce vendredi soir, il n'y aura cette fois pas d'écran géant. Drôle d'ambiance pour un potentiel soir de fête.

Article original publié sur RMC Sport