Ligue 1: pourquoi la VAR fait des vagues

Ce week-end de la 22e journée de Ligue 1 a terminé comme il a débuté. Par des polémiques liées à l’arbitrage. Vendredi, lors de Lyon-Nice, Clément Turpin était vivement critiqué devant les micros par le président du Gym Jean-Pierre Rivère, qui aurait pu espérer au moins deux pénaltys.

"Cela fait beaucoup de matchs où on a beaucoup d'erreurs d'arbitrage. Qu'un arbitre se trompe, c'est normal, mais il y a le VAR. A quoi cela sert?! Monsieur Turpin est peut-être intouchable, peut-être qu'on ne peut pas discuter ses décisions", a lancé le président du club azuréen. (…) Les enjeux sont importants. Tout le monde peut se tromper, je le comprends parfaitement. Mais on a le VAR, à quoi il sert?"

"Scandaleux", lâchait le gardien Marcin Bulka. Dimanche soir, c’est Marseille qui criait au scandale après un penalty potentiel oublié sur Iliman Ndiaye. Entre temps, Lens ne comprenait pas comment le Rémois Okumu n’avait pas pris rouge après un tacle crampons en avant sur Frankowski.

Série noire

A froid, le constat dressé par un arbitre de Ligue 1 est clair: "Il y a eu beaucoup de situations difficiles pénalisant l’image des arbitres ces derniers jours. Je ne sais pas l’expliquer…" Un week-end noir comme il y en a déjà eu et comme il y en aura encore, précisent d’anciens hommes en jaune (ou noir). "On a peut-être plus de pression car c’est la loi des séries et en voyant les erreurs, on se dit qu’il ne faut pas encore plus abîmer notre image."

Celle des arbitres fut pourtant bien écornée après des situations où le VAR n’a pas toujours agi à bon escient. "Il y a eu de vraies erreurs et manquements ce week-end au VAR", confirme l’un d’eux.

Difficile de l’expliquer, dit-on dans le milieu, alors que le début de saison a été plutôt calme. Certains évoquent le contexte du moment: une Ligue 1 avec 18 clubs qui ont chacun leurs objectifs alors que le sprint final approche. La tension monte.

"Ce sont des périodes sensibles pour ça", appuie l’ancien sifflet Amaury Delerue. "On est dans une période névralgique pour que les classements de fin de saison soient dans ce qu’on attend ou pas."

Et les dirigeants mettent la pression en cascade. Avant les épisodes de ces derniers jours, Nantes, Monaco ou Brest avaient dit leur colère à la direction de l’arbitrage. "La communication des dirigeants, staff et joueurs est orientée sur la protection de soi-même. Il est beaucoup plus facile d’attaquer les autres", souligne Delerue.

La pression joue-t-elle sur les performances des arbitres? "Il faut que les relations avec les clubs s’apaisent, plus de sérénité", réclame un arbitre. Même si Amaury Delerue nuance: "On n’arrive pas arbitre de L1 professionnel en France si cette problématique de la gestion du stress, que l’on pourrait résumer à la confiance en soi, est trop prégnante. Ce sont des compétences comportementales qu’on ne découvre pas en L1. Aujourd’hui, les arbitres sont stables émotionnellement et armés pour différentes situations qui apparaissent dans un match professionnel. C’est un fantasme pour moi de dire que tel ou tel arbitre, dans telle ou telle situation, va manquer de lucidité ou va être perméable à la pression. Les arbitres pros de L1 ont les outils pour pouvoir gérer ces situations-là."

Ils veulent la sonorisation

Néanmoins tous sont d’accord: il faut passer par plus de communication, pour expliquer. Comme des prises de paroles des intéressés pour faire de la pédagogie après-match, ou plutôt – ce que souhaitent certains arbitres – d’une figure qui représenterait la profession et justifierait certains choix.

"Je souhaite qu’on s’ouvre", dit l’un d’eux. Une autre des solutions très défendue dans la profession -proposée mais refusée par l’IFAB- est la sonorisation. "Je pense qu’il y a un consensus général pour dire que l’accès à la sonorisation audio des arbitres pendant le match sous certaines conditions, pour justifier des décisions, pourrait aider à régler certaines polémiques ou désamorcer des tensions. On est en attente d’un outil supplémentaire pédagogique qu’on aimerait bien donner aux arbitres", appuie Amaury Delerue.

"On comprendrait mieux", confirme Bruno Derrien, qui a dirigé plus de 300 rencontres professionnelles. Même si, dans le cas du match Reims–Lens, le choix de Monsieur Millot de ne pas expulser Okumu aurait malgré tout eu du mal à passer. Tous les arbitres interrogés sur cette situation vont contre la décision prise par leur collègue.

Un contexte général tendu

Le souci, pour ces derniers, est que ces polémiques arrivent dans un contexte tendu, où les divergences à la tête de l’arbitrage français explosent aux yeux de tous.

"Évidemment que quand la direction est déstabilisée et les tensions éclatent au grand jour, ce n’est pas positif. C’est rare autant de polémiques", regrette ce sifflet français. Le contexte est peut-être un peu plus lourd, les projecteurs braqués sur eux mais de toute façon, ajoute Bruno Derrien, VAR ou pas, "ce sera toujours de l’interprétation et un jugement humain, sur la vidéo ou sur le terrain. Parfois ce n’est ni noir ni blanc. Et quand c’est gris, c’est plus dur. Même si je trouve que quand un arbitre se déplace pour prendre une décision, personne ne dit rien".

"Un dernier parachute avant le crash", image un arbitre qui a souvent officié derrière l’écran, où la responsabilité est grande mais où l’erreur reste possible, ce qu’auraient tendance à oublier certains…

"Polémique déplacée"

"On imaginait à tort que cet outil allait éteindre toutes les polémiques sur le football et on s’est aperçu que le foot est ainsi fait, que la polémique s’est juste déplacée entre le terrain et le camion VAR", éclaire Amaury Delerue.

"Il y a une course en avant de la part des acteurs du foot qui voudraient un nouvel outil pour régler tous les problèmes à chaque décision arbitrale. Cela a été le cas avec le VAR et quand nous avons été formés, on s’est très vite rendu compte que cet outil allait nous aider, régler beaucoup de cas litigieux mais n'allait pas régler tous les problèmes. Et le monde du foot s’en est aperçu bien trop tard. Parce que des présidents, des entraîneurs ou des joueurs avaient oublié qu’en réclamant la vidéo à corps et à cri, ça allait peut-être leur faire gagner des points mais aussi leur en faire perdre parfois…".

Et d’ajouter: "Aujourd’hui, vous avez des arbitres qui derrière restent des hommes. Quand ils sont constamment remis en cause et agressés, quand c’est l’homme qui est attaqué, il est beaucoup plus fragilisé dans sa mission d’arbitre."

Article original publié sur RMC Sport