L'Histoire face aux réfugiés

Au large de l'île grecque d'Agathonisi, en 2009.

L'historien Nicolas Lebourg répond à une tribune de «Marianne» reprochant aux partisans d'une légalisation de l'immigration de faire le jeu du Front national.

On connaît la formule : la France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa juste part. De bonnes âmes nous affirment qu’accueillir des réfugiés serait folie face à l’état socio-économique de l’Europe. Ce flux inédit serait ingérable, et, dans le journal Marianne, on nous dit que vouloir tendre la main à ceux qui se noient serait faire le jeu du Front national.

Nous eûmes d’autres drames de réfugiés en notre pays, prenons-en deux.

Février 1939 : fuyant l’écroulement final de la République espagnole, 450 000 personnes passent la frontière. Des familles, des soldats, s’immiscent à travers les Pyrénées. La France avait bien envisagé de devoir accueillir un exode, mais l’Etat avait tablé sur 15 000 réfugiés. Notre pays a d’abord pensé pouvoir garder la frontière fermée, puis a dû laisser s’épancher le flux. 50 000 gendarmes encadrent ces masses que l’on mène dans des camps sur les plages. Leur situation sanitaire sera certes terrible. Mais rassurons les lecteurs de Marianne : la France de 1939-1940 était dans un état pis qu’aujourd’hui, et elle survécut à tant d’étrangers. Certes, cet afflux ne fut pas sans provoquer des tensions. Les flux de réfugiés espagnols avaient dès 1937 provoqué des campagnes d’agitation de la presse d’extrême droite. Après que la France déclara la guerre au IIIe Reich à la fin de l’été 1939, des tombereaux de lettres affluent auprès des services de l’Etat pour demander que tout Espagnol présent sur le territoire soit interné, ou que les internés soient envoyés en première ligne.

Non, ce n’était pas que la France pouvait être plus aisément accueillante en ce temps. Du recensement de 1921 à celui de 1931, la proportion d’étrangers dans la population métropolitaine était passée de 3,9% à 6,5%. Des restrictions à leur embauche avaient été prises (...)

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