"L'heure de l'action a sonné", lance Trump après son investiture

Donald Trump s'apprête à devenir ce vendredi le 45e président des Etats-Unis après la prestation de serment organisée devant le Capitole en présence d'une foule immense et de plusieurs de ses prédécesseurs. /Photo prise le 20 janvier 2017/REUTERS/Jonathan Ernst

par Steve Holland WASHINGTON (Reuters) - Donald Trump a pris vendredi ses fonctions de président des Etats-Unis en s'engageant à rester fidèle à son mot d'ordre "America First". Brossant le sombre tableau d'un pays ravagé par la désindustrialisation, la criminalité et la drogue, il a indirectement mis en cause ses prédécesseurs, dont les politiques ont, selon lui, été menées au profit de Washington et aux dépens des plus modestes. "Nous allons transférer les pouvoirs de Washington pour vous les rendre (...) A partir d'aujourd'hui, une nouvelle vision va diriger notre pays. A partir de ce jour, ce sera uniquement l'Amérique d'abord !", a-t-il lancé aux centaines de milliers de personnes venues assister à son investiture, sur les pelouses du National Mall, qui sépare le Capitole du Washington Monument. Tandis qu'il prononçait son discours, un demi-millier de manifestants vêtus de noir affrontaient les forces de l'ordre à quelques centaines de mètre de là. Des vitrines ont été brisées et des voitures endommagées. La police a procédé à une cinquantaine d'interpellations. "Toutes les décisions sur le commerce, les impôts, l'immigration, les affaires étrangères seront prises pour le bien des travailleurs américains et des familles américaines (...) L'heure de l'action a sonné", a poursuivi le 45e président des Etats-Unis, reprenant le thème dominant de la campagne qui a conduit à sa victoire inattendue le 8 novembre dernier face à Hillary Clinton. La candidate démocrate a assisté à la cérémonie avec son époux Bill, qui a accompli deux mandats à la Maison blanche. En se mettant au service de leur pays, a promis Donald Trump, les Américains vont redécouvrir leur loyauté les uns envers les autres et ressentir "une nouvelle fierté nationale" qui permettra de combler les divisions de la campagne. Au chapitre diplomatique, le nouveau locataire de la Maison blanche s'est engagé "à renforcer les vieilles alliances, à en forger de nouvelles et à unir le monde civilisé contre le terrorisme islamiste, qui sera complètement éradiqué de la surface de la Terre". DÉFICIT DE POPULARITÉ Âgé de 70 ans, Donald Trump entre à la Maison blanche avec un déficit de popularité considérable et une image ternie par les polémiques qu'il entretient notamment sur les réseaux sociaux, ce qui a conduit le sénateur républicain John McCain à estimer qu'il donnait l'impression de vouloir "affronter tous les moulins qu'il croise". Selon un sondage ABC News/Washington Post publié cette semaine, seuls 40% des Américains ont une opinion favorable du futur président, une cote de défiance sans précédent à ce stade depuis Jimmy Carter, en 1977. Son arrivée à la Maison blanche, saluée par un Parti républicain tenu à l'écart de la présidence depuis huit ans, soulève en outre une foule de questions. Elu notamment sur la promesse de renouer avec l'isolationnisme et le protectionnisme, Donald Trump s'est engagé à porter les droits de douanes à 35% pour les produits fabriqués à l'étranger par des entreprises américaines. Son souhait de renouer avec Vladimir Poutine et sa menace de réduire le financement de l'Otan préoccupent de nombreux pays européens, qui redoutent de ne plus être protégés par le "parapluie" américain. Au Moyen-Orient, son image est déjà ternie par sa volonté de déménager l'ambassade américaine à Jérusalem, une décision qui serait vécue comme une provocation par la population arabe. Il lui faudra également préciser sa stratégie de lutte contre Etat islamique. BOYCOTT DÉMOCRATE Contrairement à l'usage, la cérémonie d'investiture de Donald Trump a reflété certaines des fractures de la société américaine, exacerbées par une campagne houleuse et parfois outrancière que la période de transition n'a pas permis de réduire. Plus de 50 parlementaires démocrates avaient décidé de ne pas y assister après les propos qu'il a tenu au sujet de John Lewis, personnage central de la lutte pour les droits civique. Dans la foule venue assister à son investiture, figuraient sans doute des milliers d'adversaires de l'homme d'affaires new-yorkais. Beaucoup ont prévu de participer samedi à la "marche des femmes", une manifestation anti-Trump. D'autres rassemblements sont prévus ailleurs aux Etats-Unis et à l'étranger. La liste des mesures que Donald Trump s'est engagé à prendre laisse les républicains espérer que la loi sur l'assurance-maladie qu'ils ont farouchement combattue sera rapidement abrogée, qu'il lancera une vaste réforme fiscale et assouplira les dispositifs de régulation accusés de gripper la mécanique économique. Encore sonnés par une défaite qu'ils n'attendaient pas, les démocrates, en minorité tant à la Chambre des représentants qu'au Sénat, ont prévu de ne manquer aucune occasion de combattre la présidence Trump. Ils n'oublieront pas non plus de saisir chaque opportunité qui se présentera de rappeler que, s'il a gagné la bataille des grands électeurs, Hillary Clinton a largement remporté le vote populaire. Les détracteurs de Donald Trump l'accusent par ailleurs d'avoir bénéficié d'un soutien de la Russie, soupçonnée notamment d'avoir piraté les messageries de l'équipe de campagne démocrate. Pour ses partisans, en grande majorité des Blancs de la classe moyenne, Donald Trump fait en revanche souffler un vent de fraîcheur sur Washington, notamment par son refus de céder au "politiquement correct". (avec Richard Cowan, Ian Simpson et David Alexander; Nicolas Delame et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Tangi Salaün)