Le Rwanda rend hommage aux victimes du génocide de 1994

par Clement et Uwiringiyimana

KIGALI (Reuters) - Le président rwandais, Paul Kagamé, a ouvert dimanche par un discours une semaine d'hommage solennel aux 800.000 Tutsis et Hutus modérés massacrés lors du génocide qui avait débuté il y a 25 ans et avait duré trois mois.

Le chef de l'Etat a déposé une gerbe au mémorial de Gisozi, dédié aux victimes du génocide, avant de laisser la place à une après-midi de discours et de chants.

"Il est impossible de comprendre pleinement la solitude et la colère des survivants, et pourtant, toujours et encore, nous leur demandons de faire les sacrifices nécessaires pour permettre la renaissance de notre nation. Les émotions doivent être enfermées dans une boîte", a dit Paul Kagamé, dont le discours était retransmis par la télévision.

"Les Rwandais vont mieux aujourd'hui que par le passé. Mais nous pouvons aller encore mieux. Nous sommes le dernier peuple au monde qui doive succomber à l'autosatisfaction", a-t-il ajouté.

Des artistes populaires rwandais ont entonné des chants comme "Turabunamira twiyubaka", qui signifie "Rendre hommage tout en reconstruisant".

Une dizaine de chefs d'Etat assistaient dimanche aux cérémonies, tout comme le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et Julie Payette, gouverneure générale du Canada.

Emmanuel Macron avait en revanche annoncé qu'il n'assisterait pas aux cérémonies alors que le rôle joué par Paris lors du génocide demeure controversé.

UN RWANDAIS SUR DIX TUÉ

Officiellement invité par les autorités rwandaises à participer à la journée de commémoration ce dimanche, Emmanuel Macron s'est fait représenter à Kigali par Hervé Berville, député La République en marche (LaRem) des Côtes-d'Armor et orphelin tutsi.

Le président français a déclaré qu'il souhaitait voir la date du 7 avril constituer désormais une journée de commémoration nationale du génocide rwandais.

"Le président de la République salue le travail de mémoire conduit par les rescapés et a souhaité que la date du 7 avril soit désormais une journée de commémoration du génocide des Tutsis", peut-on lire dans un communiqué de la présidence.

Dans le courant de l'après-midi, les dirigeants rwandais et environ 2.000 personnes devaient participer à une "marche du souvenir" à Kigali, entre le Parlement et le stade national, où des bougies seront allumées lors d'une veillée aux chandelles.

Le massacre des Tutsis et des Hutus modérés, qui a duré 100 jours, a débuté le 6 avril 1994 après que l'avion transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira – tous deux Hutus – eut été abattu par un missile au-dessus de la capitale rwandaise. Les auteurs de cet attentat n'ont pas été identifiés.

L'armée rwandaise et les milices hutus extrémistes Interahamwe se sont alors lancées dans une extermination méthodique de la minorité tutsie.

Dans les villages, les habitants hutus se sont retournés contre leurs voisins tutsis, tuant plus de 10.000 personnes par jour à coups de machette, de gourdin, par balles ou parfois en les brûlant vifs.

Lorsque le génocide a pris fin en juillet 1994, après la prise du pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR), le mouvement rebelle tutsi dirigé par Paul Kagamé, 70% des Tutsis rwandais avaient été tués, et 10% de la population rwandaise dans son ensemble.

(Tangi Salaün et Eric Faye pour le service français)