La coalition arabe exhorte les houthis à quitter Hodeïda

par Mohammed Ghobari

ADEN (Reuters) - La coalition conduite par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis a poursuivi lundi ses frappes aériennes contre l'aéroport de la ville yéménite d'Hodeïda où se retranchent les miliciens houthis soutenu par l'Iran tandis que la population civile s'efforçait de se mettre à l'abri, a-t-on appris auprès d'habitants.

Au sixième jour de l'offensive lancée pour reprendre le principal port du pays, des hélicoptères Apache de l'alliance de pays arabes venus soutenir le gouvernement en exil tentaient de leur côté de déloger les tireurs embusqués postés sur les toits des écoles et des logements situés dans le quartier de Manzar, dans les environs de l'aéroport, ont encore indiqué ces témoins.

D'après des habitants, les miliciens houthis ont bloqué les accès menant à l'aéroport.

Leur chaîne de télévision, Al Masira, a par ailleurs fait état de frappes aériennes menées par la coalition contre le quartier de Douraïhmi, près du port.

Depuis le lancement, mercredi dernier, de l'offensive contre la ville de l'est du pays, sur la mer Rouge, des dizaines de civils ont perdu la vie et la violence des combats empêche les organisations humanitaires d'assurer correctement leur mission.

Six cent mille personnes vivent à Hodeïda et dans ses environs. Les quatre cinquièmes des biens de première nécessité importés au Yémen transitent par son port et les Nations unies craignent une aggravation de la crise humanitaire.

Selon l'Onu, 22 millions de Yéménites ont besoin d'une aide d'urgence et 8,4 millions sont déjà menacés par la famine. Ce chiffre pourrait passer à 18 millions à la fin de l'année si la situation ne s'améliore pas.

"IMPACT DÉSASTREUX"

Le Haut-Commissaire de l'Onu pour les droits de l'homme Zeid Ra'ad al Hussein a exprimé lundi ses préoccupations devant le risque de voir encore augmenter le nombre de victimes civiles.

"J'exprime mes vives craintes devant les attaques actuellement menées par la coalition saoudienne et émiratie à Hodeïda et qui pourraient faire d'énormes pertes civiles et avoir un impact désastreux sur l'aide humanitaire acheminée par le port pour soutenir des millions de personnes", a-t-il déclaré de Genève.

A Hodeïda, les civils sont pris au piège, comme le souligne le témoignage de Yahia Tanani qui a fui le quartier de Manzar avec sa famille. "On nous a dit que des organisations humanitaires allaient envoyer des autocars, mais on nous a dit ensuite qu'aucun autocar ne pourrait entrer ou sortir. Alors nous sommes partis à pied en emmenant nos enfants tandis que les Apache nous survolaient. Nous étions effrayés de ne pas savoir s'ils allaient nous tirer dessus ou pas", a-t-il expliqué.

"A présent, nous sommes dans cette école, pas de matelas, pas d'électricité, pas d'eau, pas de toilettes, rien. Et nous avons des enfants qui ont besoin de nourriture, qui ont besoin de tout mais nous n'avons rien."

La coalition arabe sunnite se dit en mesure de capturer rapidement la ville d'Hodeïda sans interrompre l'acheminement de l'aide humanitaire et affirme vouloir concentrer ses efforts sur l'aéroport et sur le port et éviter les combats urbains.

Un haut responsable des Emirats arabes unis (EAU), dont les forces sont en pointe dans la bataille d'Hodeïda, a déclaré à Reuters que la coalition adopterait une approche "ciblée et calculée", afin de réduire les risques de victimes civiles.

ENTRE 2.000 ET 3.000 HOUTHIS DANS HODEÏDA

S'exprimant devant la presse, le ministre émirati des Affaires étrangères, Anwar Gargash, a assuré que l'alliance adaptait sa stratégie militaire en tenant compte de la situation humanitaire.

"Notre approche est méthodique, graduelle et calibrée pour exercer une pression, pour permettre aux Houthis de prendre la bonne décision, à savoir décider de se retirer sans condition", a-t-il dit.

Il a précisé qu'un convoi terrestre transportant des vivres était en route vers Hodeïda depuis Aden via Mokha, contrôlés par la coalition.

Il a toutefois affirmé que les jours des Houthis à Hodeïda étaient "comptés" et a dit espérer que l'émissaire des Nations unies Martin Griffiths sera en mesure de convaincre les Houthis d'abandonner la ville portuaire pour en "sauver la population".

Griffiths est retourné samedi à Sanaa où des discussions sont en cours avec les dirigeants houthis.

D'après Gargash, il y aurait entre 2.000 et 3.000 combattants Houthis dans Hodeïda. "Ce sont des miliciens qu'on ne distingue pas, sans uniforme, la majorité opère par petits groupes, des snipers", a-t-il dit, évoquant en outre une utilisation "extensive" de mines antipersonnel.

Le ministre émirati n'a pas voulu dévoiler l'ampleur des forces de la coalition engagées dans la bataille, mais a noté qu'elles bénéficiaient de la "supériorité numérique".

(avec Stephanie Nebehay à Genève et Katie Paul à Ryad Nicolas Delame et Henri-Pierre André pour le service français)