Jeff Sessions se récuse sur tous les dossiers de la campagne

par Julia Edwards Ainsley et Richard Cowan WASHINGTON (Reuters) - Le ministre américain de la justice, Jeff Sessions, a annoncé jeudi qu'il se déclarerait incompétent dans toutes les investigations en cours ou à venir sur une possible intervention russe dans la campagne électorale. "Je me récuse sur toutes les affaires qui traitent de la campagne de Trump", a déclaré l'Attorney General lors d'une conférence de presse convoquée à la hâte, en réponse à des révélations du Washington Post sur ses conversations avec l'ambassadeur de Russie à Washington qu'il aurait passées sous silence lors de son audition au Sénat. Plusieurs élus républicains avaient demandé qu'il se récuse pour ne laisser aucune place à un éventuel doute sur l'intégrité des enquêtes. Les démocrates réclament sa démission. Devant la presse, Jeff Sessions a reconnu et regretté de ne pas dévoilé aux sénateurs le fait qu'il ait rencontré l'ambassadeur russe pendant la campagne. Mais il s'est défendu d'avoir commis la moindre faute, soulignant qu'il avait conversé avec le diplomate en tant que sénateur, et non en tant que membre de l'équipe de campagne de Donald Trump. Les agences de renseignement américaines sont parvenues l'an dernier à la conclusion que la Russie avait piraté des comptes mail du camp démocrate pour favoriser l'élection de Donald Trump à la Maison blanche. Le Kremlin a rejeté ces accusations. A son poste d'Attorney General, Jeff Sessions supervise le département de la Justice et le Federal Bureau of Investigation (FBI), à la pointe des enquêtes sur ces liens éventuels. "HONNÊTE ET CORRECT" Selon le Washington Post, Jeff Sessions et l'ambassadeur de Russie Sergueï Kislyak se sont notamment parlé en privé le 8 septembre, dans le bureau du sénateur, alors que la campagne présumée de cyberattaques russes dénoncée par les services de renseignement américains battait son plein. L'autre rencontre a eu lieu en juillet à la Heritage Foundation où se trouvaient une cinquantaine d'ambassadeurs, pendant la Convention républicaine. Les entretiens ont été confirmés par le département de la Justice. Or, lors de son audition de confirmation en janvier devant le Sénat, l'homme choisi par Donald Trump pour diriger le département de la Justice, en réponse à une question de l'élu démocrate Al Franken, avait déclaré sous serment qu'il n'avait "pas eu de communications avec les Russes" durant la campagne. Devant les journalistes, Jeff Sessions a expliqué qu'il s'était montré "honnête et correct" avec Al Franken, puisqu'il avait alors établi une distinction entre son rôle de sénateur et son rôle de conseiller de campagne. Avant la conférence de presse, Donald Trump avait dit sa "totale" confiance dans Sessions et n'avait pas jugé nécessaire que ce dernier se récuse. Pour la chef de la minorité démocrate à la Chambre, Nancy Pelosi, l'Attorney General doit quitter l'administration Trump. "Il a menti sous serment, rien d'autre n'est acceptable que sa démission ou son limogeage", a-t-elle notamment dit sur Twitter. L'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU, association de défense des droits) a réclamé pour sa part l'ouverture d'une enquête sur le parjure présumé du ministre. LE PRÉCÉDENT FLYNN L'affaire Sessions survient deux semaines à peine après la démission de l'éphémère conseiller à la sécurité nationale de Trump. Michael Flynn avait été contraint à la démission trois semaines après son entrée en fonction pour s'être lui aussi entretenu avec l'ambassadeur Kislyak et avoir caché au vice-président Mike Pence une partie des sujets abordés. Dans un communiqué publié mercredi soir, Jeff Sessions avait démenti avoir discuté de questions de campagne avec des responsables russes, une ligne qu'il a réitérée jeudi sur l'antenne de la chaîne NBC News: "Je n'ai rencontré aucun Russe à aucun moment pour discuter de la campagne", a-t-il dit. Mais ce fidèle de Trump - il fut le premier sénateur à rallier sa candidature lors des primaires républicaines, et ce dès février 2016 - a ajouté: "Si cela s'impose un jour, je démissionnerai. Cela ne fait guère de doute." VOIR AUSSI Le PORTRAIT de Jeff Sessions, ultraconservateur récompensé pour sa fidélité: (avec Eric Beech, Richard Cowan et Julia Edwards Ainsely; Julie Carriat, Nicolas Delame, Danielle Rouquié et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Tangi Salaün)