« L’Événement » sur France 2 : Qu’est-ce que la « doctrine nucléaire » française évoquée par Macron ?

French president Emmanuel Macron (R) speaks during an interview by French journalist and TV host Caroline Roux (L) in front of pictures of Ukrainian President Volodymyr Zelensky and Russian President Vladimir Putin as part of a new show entitled

GUERRE EN UKRAINE - Interviewé sur France 2 dans le cadre de l’émission L’Événement ce mercredi 12 octobre, Emmanuel Macron a longuement abordé la guerre en Ukraine et la menace nucléaire brandie régulièrement par Vladimir Poutine.

Si le président de la République a appelé à « éviter toute escalade du conflit », pour qu’il ne s’étende pas à un pays voisin de l’Ukraine et pour empêcher le recours par Moscou à des armes chimiques ou nucléaires, il a préféré botter en touche sur la menace nucléaire agitée par son homologue, rappelant seulement que la France était également un pays « doté » de la bombe atomique et croyait en la « dissuasion ».

« On a une doctrine. Elle est claire. Moi je l’ai exprimé pour ce qui est de la France. La dissuasion fonctionne, mais ensuite, moins on en parle et moins on agite la menace, plus on est crédible », a ainsi affirmé Emmanuel Macron, estimant que « trop de gens » en parlent.

Pour le chef de l’État, la doctrine de la France, en matière de nucléaire « repose sur les intérêts fondamentaux de la nation (et) ils sont définis de manière très claire ». Interrogé sur une éventuelle frappe tactique de la Russie, Emmanuel Macron a jugé que cela n’appellerait pas une réponse nucléaire. « Ce n’est pas notre doctrine », a-t-il répété.

Mais cette doctrine française, quelle est-elle précisément ?

Les fondements posés sous le général de Gaulle, ce n’est que lors du double septennat de François Mitterrand (1981-1995) que la dissuasion nucléaire française arriva à maturation, avec trois notions clés, rappelle le chercheur en science politique Bruno Tertrais sur le site gouvernemental Vie-publique.fr :

  • elle ne protège que les intérêts vitaux du pays ;

  • au cas où un adversaire se méprendrait sur la définition de ces intérêts vitaux, ou semblerait s’approcher du « seuil » de ces intérêts, la France se réserve la possibilité de délivrer un ultime avertissement, c’est-à-dire une frappe unique ;

  • la force de dissuasion doit pouvoir exercer des dommages inacceptables sur le territoire adverse, supérieurs à ce que serait l’enjeu du conflit, même après une « première frappe » nucléaire adverse sur le sol français.

Des évolutions sous Chirac, Sarkozy et Macron

Les présidents suivants apportèrent quelques modifications à cette doctrine, tenant compte de l’évolution du contexte géopolitique et technologique.

Jacques Chirac supprima par exemple les missiles sol-sol à moyenne portée du plateau d’Albion (situé à cheval sur les trois départements du Vaucluse, de la Drôme et des Alpes-de-Haute-Provence) et le principe de la frappe unique en guise d’ultime avertissement. Il accorda toutefois le droit « d’exercer (cet) ultime avertissement au moyen d’un tir en haute altitude, pour affecter les systèmes électroniques adverses, voire paralyser un État ». Jacques Chirac mit aussi un terme à toute distinction entre armes « tactiques » et « stratégiques ».

En 2008, Nicolas Sarkozy proclama que « l’ouverture du feu nucléaire ne pourrait se faire que dans des ’circonstances extrêmes de légitime défense’ » et diminua d’un tiers l’arsenal nucléaire national au titre du principe de suffisance.

En 2020, alors que la France reste le seul pays doté de l’arme atomique parmi les membres de l’Union européenne, Emmanuel Macron donna à la dissuasion française une échelle européenne en annonçant que ses intérêts vitaux étaient désormais indissociables de ceux de ses voisins.

Bruno Tertrais rappelle par ailleurs que sur le plan nucléaire, la France reste une puissance moyenne, avec un stock de 300 armes au total, soit un peu moins que la Chine et un peu plus que le Royaume-Uni.

Sur le terrain, elle dispose de quatre sous-marins lanceurs d’engins et de chasseurs-bombardiers Rafale équipés de missiles air-sol moyenne portée.

À voir également sur Le HuffPost :

Lire aussi